Caméras aux caisses automatiques des supermarchés: pouvez-vous refuser d'être filmé?

Des caisses automatiques équipées de caméras augmentées, dans un magasin Monoprix (photo d'illustration). - Eva Jacquot/BFM Business
Souriez, vous serez bientôt filmés aux caisses automatiques des supermarchés. La plupart d'entre elles devrait prochainement se doter de caméras antivols. Faire semblant de scanner un produit, en laisser un dans son sac, ou remplacer l'étiquette de fruits bio à la pesée par d'autres moins chers ne sera plus possible. Il faut dire que ces pratiques de vol à l'étalage représentent des milliers d'euros de pertes pour les magasins.
Concrètement, ces caisses automatiques sont équipées d'une caméra augmentée placée en hauteur et couplée à une intelligence artificielle qui analyse les images en temps réel. Celle-ci peut reconnaître ou suivre les produits, repérer les mains des clients, ou encore analyser la position d'une personne par rapport à la caisse. Et ainsi vérifier que chaque produit est bien scanné.

Une technologie que vous avez peut-être déjà aperçue dans certains magasins. Des supermarchés Monoprix ou Intermarché s'en sont d'ores et déjà équipés, parfois depuis plusieurs années. Mais cet usage ne s'est pas encore généralisé, et pour cause.
Un vide juridique jusqu'aujourd'hui
Comme l'expliquait Le Monde dans un article sur le sujet en 2022, la vidéosurveillance est régie par le code de la sécurité intérieure, qui est ancien et ne s'est pas encore intéressé à ces évolutions techniques. De ce fait un vide juridique régnait, et la plupart des enseignes n'ont pas encore déployé ces nouvelles technologies coûteuses. Investir dedans pour qu'elles soient finalement limitées par la loi aurait été regrettable pour elles.
Mais ce mardi 6 mai la CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés), l’autorité française en charge de défendre notre vie privée, a rendu un avis plutôt favorable à cette pratique. Un jugement qui pourrait bien induire la généralisation de ces caisses automatiques 2.0.
D'après l'autorité, "les enseignes ont un intérêt légitime à limiter la perte de revenus causée par les erreurs ou les vols aux caisses automatiques". Partant de ce constat, elle estime qu'un tel dispositif peut être déployé dans des magasins. Mais "sous réserve de garanties fortes".
Privilégier des solutions alternatives
La CNIL ne manque pas de rappeler que la lutte contre le vol ne doit pas être poussée au point de porter une atteinte disproportionnée aux droits des personnes.
"Ces dispositifs collectent des données personnelles et doivent respecter le règlement général sur la protection des données (RGPD)", insiste-t-elle.
Pour l'autorité, de telles caméras présentent des risques car elles instaurent un nouveau mode de surveillance ciblée dans des gestes du quotidien. Elle recommande donc aux entreprises de toujours privilégier le recours à des solutions alternatives, moins intrusives.
La pesée des articles scannés, effectuer des contrôles aléatoires, faire imprimer des tickets de sortie ou encore mettre des puces RFID sur des produits susceptibles d'être volés. Pour la CNIL, de tels dispositifs seront toujours préférables. Et si un supermarché décide d'installer une caméra augmentée malgré tout, il devra le justifier.
"L'enseigne devra documenter le fait que ces alternatives ne peuvent être mises en place ou ne sont pas suffisantes au regard de l'objectif", écrit la CNIL.
Des garanties à respecter
En cas d'installation effective de ces caisses, la CNIL impose donc également le respect de certaines garanties. La première d'entre elles étant d'informer clairement les personnes de la présence et du fonctionnement de ce dispositif. L'information doit apparaître sur des panneaux d'information dans le magasin, et sur l'écran de la caisse automatique.
Ensuite, le périmètre filmé doit être limité. Seulement l'espace de caisse, à savoir le client (dont visage sera flouté ou masqué), son panier d'achat et les produits à scanner, la zone de scan et la zone où sont placés les produits une fois scannés.
Aussi, en cas d'alerte, il ne faut pas qu'il y ait de conséquence automatique pour le client. À l’exception par exemple d’un éventuel blocage de la caisse en vue de vérifications par le vendeur. Ou encore, l'entreprise ne devra conserver aucune donnée à des fins de preuve ou pour créer une liste de personnes ayant fait l’objet d’un signalement. La liste complète de ces garanties figure dans le communiqué de la CNIL.
Exercer ses droits
Dans un autre communiqué disctinct, lui adressé aux consommateurs, l'autorité leur a rappelé les droits qu'ils peuvent exercer.
Premier d'entre eux: vous pouvez refuser d'utiliser une telle caisse. L'enseigne où vous faites vos courses est tenue de disposer d'une caisse traditionnelle, ou d'une caisse automatique sans caméra. "Des alternatives doivent être disponibles même les jours où le personnel de vente est réduit", précise la CNIL.
Ensuite, les images collectées par ces caisses si vous les utilisez peuvent parfois être utilisées pour améliorer le dispositif. Vous devez pouvoir vous y opposer. La CNIL recommande donc que l'enseigne prévoie une case à cocher à cet effet sur l'écran de la caisse.
Si de telles conditions ne sont pas respectées, exercez vos droits auprès de l'enseigne ou son délégué à la protection des données. Et en cas d'absence de réponse de sa part sous un mois, la CNIL vous propose de lui adresser une plainte.