"On ne reviendra jamais aux prix d'avant": Michel-Edouard Leclerc ne veut pas "vendre du rêve"

Les prix de l'alimentaire vont-ils enfin baisser dans les supermarchés ? Quelques produits sont toujours bloqués dans le cadre du "trimestre anti-inflation" qui a été prolongé début mai. Les prix de certaines matières premières ont baissé au niveau global mais sans répercussion sur les prix. Certaines enseignes jouent sur leurs marques distributeurs ou rognent sur leurs marges pour baisser les prix, mais ça reste marginal sans négociation avec les industriels.
C'est ce que réclame Michel-Edouard Leclerc à notre micro ce mercredi 10 mai. "Il y a de la résistance. Il ne faut pas se satisfaire la parole des ministres. Pour chercher des prix bas, il va falloir se battre, aller chercher un cadre législatif. (...) Au-delà de nous accompagner et de nous faire rencontrer les industriels, il faut qu'ils nous autorisent de renégocier des prix à la baisse", demande-t-il.
"Il faut contraindre les industriels à revenir autour de la table"
Pour tenter de lutter contre la spirale inflationniste, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire et la ministre déléguée au Commerce Olivia Grégoire organisent ainsi une nouvelle réunion à Bercy jeudi avec les acteurs de la grande distribution. "Il faut contraindre les industriels à revenir autour de la table", juge le patron des centres Leclerc.
Michel-Edouard Leclerc estime s'être "fait avoir" l'année passée. "Les pouvoirs publics nous ont obligé d'accepter les hausses, ils ont dit que pour ne pas tuer les entreprises il fallait laisser passer ces hausses", tacle-t-il, reprochant également aux industriels les versements de dividendes sans hésiter à les citer:
"Danone a servi pas mal de divendes, le groupe Avril (céréales), le groupe Procter&Gamble... On se sert du petit agriculteur, et derrière il y a de grandes entreprises qui servent des dividendes. Tout cet argent qu'on nous oblige à augmenter pour le consommateur ne va pas dans les poches des agriculteurs", reproche-t-il, estimant qu'il est impossible de boycotter ces marques.
"Ca ne va pas diviser les prix par deux"
L'objectif pour la suite est de "casser le taux d’inflation au 2e semestre". Mais Michel-Edouard Leclerc ne veut pas "vendre du rêve": "Je pense qu'on ne reviendra jamais aux prix d'avant. Il ne faut pas vendre du rêve, car les coûts de production sont toujours plus élevés. Ca ne va pas diviser les prix par deux, je pense qu’on va casser ça en octobre-novembre-décembre", estime-t-il.
Autre levier pour baisser les prix, Leclerc ayant des enseignes un peu partout en Europe, il aimerait pouvoir chercher ses produits les moins chers sur le continent, et demande à ce que la loi française les "autorise" à faire ça. Il estime d'ailleurs que la lutte féroce avec ses concurrents sur les prix bas "est en train de faire gagner deux à trois points d'inflation à la France".
Michel-Edouard Leclerc tacle la communication du gouvernement
Concernant les prix à la pompe, la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher a réitéré mardi ses appels aux distributeurs pour que les prix du carburant "baissent plus vite", et reflètent "au plus proche" le recul des cours internationaux du pétrole. "Je l'ai dit aux distributeurs de carburants: le prix à la pompe doit refléter au plus proche celui sur les marchés internationaux du pétrole, qui sont aujourd'hui à la baisse", a notamment déclaré la ministre.
Michel-Edouard Leclerc trouve une telle sortie "assez gonflée". "Nous continuons à baisser, on rattrape le niveau des autres pays européens. On a déstabilisé complètement nos systèmes d'approvisionnement pendant trois mois avec les pénuries en raffineries", argumente-t-il et pointe la responsabilité de Total.
"Les marges secrétées par Total de l'année dernière sont aussi élevées que l'année d'avant, alors que l'année dernière il y avait les ristournes. Total nous fournit et ne nous propose pas de remise. Et maintenant personne ne moufte", regrette-t-il estimant que le gouvernement est dans de la communication.
"On est dans l'après-retraites. Chaque ministre est en train de sortir son petit combat 'Tipex', pour effacer les retraites, Attal sur les fraudes fiscales, Pannier-Runacher sur le carburant... Ils ne s'en sont pas occupés pendant un an et demi", tacle-t-il.