Saint-Valentin: combien les marques nous font payer leurs produits dérivés de la fête des amoureux?

La marque italienne Barilla a lancé en France ses pâtes en forme de cœur pour la Saint-Valentin. - Barilla
La Saint-Valentin est une des fêtes les plus commerciales de l'année, et cela, les marques le savent mieux que quiconque. À l'approche de la fête des amoureux, beaucoup d'entre elles lancent des déclinaisons, dans le thème, de leurs produits. Une démarche purement marketing, initiée par les chocolatiers dès le XIXe siècle.
C'est en effet en 1861 que la boîte de chocolats en forme de cœur fut créée par l'entreprise anglaise de confiseries Cadbury, connue en France pour ses "Fingers". Tous les chocolatiers lui ont depuis emboîté le pas, et en ont tiré quelques bénéfices. Cette année Leonidas vend sa boîte de 14 chocolats en forme de cœur 26,50 euros, contre 14,90 euros pour celle classique.
Des pâtes en forme de cœur vendues plus cher
Flairant le bon filon, d'autres types de commerces et même la grande distribution ont commencé à s'y mettre aussi. Ainsi a-t-on pu voir cette année la marque de pâtes alimentaires Barilla lancer une gamme en forme de cœur. Ces pâtes "Un gesto d'amore" ("Un geste d'amour") ont commencé à être vendues quelques jours avant la Saint-Valentin dans certains supermarchés, à un prix légèrement supérieur à celui de penne ou de coquillettes classiques.
Chez Carrefour par exemple, le paquet de 400 grammes est vendu 1,79 euro, soit un prix au kilo de 4,48 euros. À titre comparatif dans des magasins de la même enseigne, les penne rigate de la même marque sont très rarement vendues plus de 2,50 euros le kilo.
Parmi les autres initiatives marketing de Saint-Valentin on peut citer pêle-mêle: BIC qui sort une collection de stylos 4 couleurs bariolés de motifs censés représenter l'amour (vendus 15,99 euros les cinq); Kusmi Tea qui lance deux nouvelles variétés de thé baptisées "AquaRosa" et "Sweet Love", vendues respectivement 16,20 et 18,20 euros; La Mie Câline qui vend des cookies en forme de cœur, pour un prix variant selon la boutique mais situé autour de 2,80 euros, alors que le format classique est généralement proposé à 2,50 euros.
Des offensives marketing
Les exemples sont légion, et tous relativement similaires. Cela ne surprend pas Jean-François Trinquecoste, professeur émérite à l'université de Bordeaux, spécialiste du marketing et du comportement des consommateurs.
"Ces offensives marketing se ressemblent toutes: l'objectif est de convaincre le consommateur avec tous les vecteurs de communication associés à l'amour. Les cœurs, les roses, le rouge, le rose...", décrit-il.
Cet universitaire explique que pour les entreprises, l'enjeu est de parvenir à "multiplier les occasions d'achat" du consommateur. Ou alors simplement à influencer la perception de ce dernier. Pour cela, il est très bon de jouer sur les différentes fêtes commerciales: la Saint-Valentin bien sûr, mais aussi Noël, Halloween...
En ces occasions, le comportement du consommateur n'est pas le même. Il sera plus sensible aux spécificités que pourrait avoir un produit. Et prêtera moins d'attention au prix.
"Un paquet de pâtes alimentaires, l'attractivité qu'il peut avoir en temps normal c'est son rapport qualité-prix. Pourtant là avec celles en forme de cœur, Barilla vend également une communication qui plaît au consommateur. Il n'achète pas ces pâtes que pour les manger, mais aussi pour vivre un moment spécial quand il les cuisinera pour la Saint-Valentin", juge Jean-François Trinquecoste.
Un surcoût lié à l'appareil de production?
Est-ce que cette "communication" vendue en plus du produit justifie à elle seule le surcoût que l'on peut dans la plupart des cas constater? Il faut tout de même souligner le fait que pour produire ces éditions spéciales et limitées, l'industriel peut avoir à supporter un coût de développement. C'est ce que rappelle le maître de conférences en marketing Michaël Flacandji
"On peut imaginer que Barilla, pour produire ses pâtes en forme de cœur, a dû utiliser une machine de production spéciale. Comme dans toute économie d'échelle, plus on produit le même produit moins son coût sera élevé, et inversement. Il est donc normal que les penne rigate soient moins chères", justifie-t-il.
Mais si ces pâtes et tous les autres produits cités sont vendus plus cher, c'est aussi parce que le client est naturellement prêt à payer plus. "Le consommateur a un consentement beaucoup plus important quand il y a un design ou une recette particulier", remarque Michaël Flacandji.
Cela est d'autant plus vrai dans la grande distribution que, les prix étant plus bas, le surcoût est moins perceptible, même lorsqu'il est équivalent. On a vu que la boîte en forme de cœur Leonidas coûtait 11,60 euros de plus que son équivalent classique. Et les pâtes "Un gesto d'amore" moins d'un euro de plus qu'un paquet plus conventionnel. Pourtant, dans un cas comme dans l'autre le surcoût est d'environ 80%. Une sorte de "taxe Saint-Valentin", que les consommateurs amoureux sont malgré tout prêts à payer.