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Le comté est-il vraiment trop polluant, comme l'affirme un écologiste?

Des meules de comté au marché international de Rungis (photo d'illustration).

Des meules de comté au marché international de Rungis (photo d'illustration). - ELIOT BLONDET / AFP

Un écologiste a affirmé il y a quelques jours l'importance d'arrêter de manger du comté à cause de son impact environnemental. Mais ce fromage est-il vraiment polluant? RMC Conso vous éclaire.

"Arrêtez de manger du comté", a appelé il y a quelques jours au micro de France Inter Pierre Rigaux, écologue-naturaliste et militant animaliste.

Pourquoi? Parce qu'il serait "mauvais écologiquement" et "terrible pour les animaux", a-t-il de nouveau affirmé ce lundi sur RMC.

Mais la filière du comté est-elle vraiment polluante? RMC Conso vous explique.

"Des rivières qui ressemblent à des égouts"

Le principal point dénoncé par l'écologiste, ce sont les déjections des vaches qui entraînent la pollution des sols, donc des cours d'eau et la disparation des espèces de poissons.

"De nombreuses rivières du Jura sont polluées, ce sont notamment des pêcheurs qui ont alerté et je ne fais que relayer ces alertes. C'est de l'eau potable, c'est pour nous tous, c'est vital. C'est un problème de fond que personne ne peut nier", déclare-t-il.

Selon Patrice Malavaux, garde-pêche et membre d'un collectif local de défense de l'environnement, les rivières des environs souffrent bel et bien de cette production.

"Toutes les pollutions émises sur les plateaux descendent aux rivières. On se retrouve avec des rivières qui ressemblent à des égouts, des populations de poissons 6 à 7 fois moindres et des rivières qui sont en train de mourir", dénonce-t-il.

1,5 fois plus de gaz à effet de serre que le porc

Comme l'assurait déjà en 2016 l'association Greenpeace, "la production de fromage et des produits laitiers industriels participe à la dégradation de l’environnement" pour plusieurs raisons.

D'abord à cause de la consommation si particulière qui caractérise la France. Chaque Français consomme en moyenne 60 litres de lait et 25 kilos de fromage chaque année. Pour fournir la demande, vaches, chèvres et brebis produisent plus de 24 milliards de litres de lait par an.

Pour rappel, 14% des émissions mondiales de gaz à effet de serre sont liées à l'élevage du bétail. Plus précisément, la production d’un kilo de fromage émettrait environ 1,5 fois plus de gaz à effet de serre que celle d’un kilo de porc, et environ 2,3 fois plus qu’un kilo de poulet, selon une analyse de 369 études publiée en 2017.

D'après une autre étude menée en 2018, la production d’un litre de lait de vache est estimée à 3,15 kg de gaz à effet de serre. Les laits végétaux se placent plus loin derrière: lait de riz (1,18 kg), lait de soja (0,98 kg), lait d'avoine (0,90 kg) et lait d'amande (0,70 kg).

Est en cause également l'alimentation des animaux d'élevages laitiers (blé, maïs, orge, colza, soja etc.), qui est issue de l'agriculture industrielle avec l'utilisation de pesticides notamment, ou importée des États-Unis où les OGM sont autorisés.

Enfin, certains pesticides, comme ceux appelés les tueurs d'abeilles, sont utilisés dans la culture des céréales, ce qui participe au déclin des insectes pollinisateurs, pourtant essentiels au développement de ces plantes.

"La plus vertueuse"

Pour autant, ces chiffres dressent un panorama gobal sur l'impact du fromage sur l'environnement et non sur la filière du comté uniquement.

"C'est débile de taper sur une filière, ça n'a pas de sens", dénonce à RMC Conso un membre de l'Union des Fruitières Bio Comtoises. Celui-ci affirme que la filière du comté est "la plus vertueuse et la moins intensive, car tout est fait dans le Jura" et qu'elle est "enviée par l'ensemble du monde agricole français".

Un constat partagé par Alain Mathieu, président de l'Interprofession du Comté et producteur de lait à Bief-des-Maisons.

"Ce sont des attaques violentes, injustes et gratuites. L'écologie ne doit pas souffrir de raccourcis, il faut rétablir des vérités: la filière du comté est une des plus extensives qui soit. Il y a des exigences dans les cahiers des charges, qui sont d'ailleurs accessibles à tous", explique-t-il à RMC Conso.

Le producteur laitier souligne plusieurs arguments en ce sens. La taille des fermes est en-dessous de la moyenne nationale et le nombre de vaches par producteur est limité, tout comme la production qui atteint 3.000 litres de lait produit par hectare. Les vaches ont également de l'espace, 1,3 hectare chacune, et ne sont pas entassées comme peuvent l'être certaines productions intensives.

De plus, les vaches participent au "maintien des prairies sur notre territoire, qui représente, à ce jour, le meilleur piège à carbone", assure-t-il. Les bêtes se nourrissent d'herbe en été et de foin en hiver, sans aucun OGM. La fertilisation des surfaces a également été réduite de 20%.

Sur la question des déjections, là encore, le président de l'Interprofession du Comté se montre nuancé. "J'entends les arguments, mais il y a une évidence connue depuis toujours. Le fumier est la façon la plus naturelle de nourrir les plantes, qui sont essentielles à l'alimentation des vaches."

De même concernant la pollution des eaux. Selon le membre de l'Union des Fruitières Bio Comtoises, les exploitations sont équipées de stations d'épuration. La pollution peut être liée au manque de débit d'eau, mais aussi aux périodes d'alternance climatique entre sécheresse et précipitations.

"Cela modifie la vie des sols et perturbe la qualité de l'eau", ajoute Alain Mathieu. Celui-ci affirme que le taux de nitrate de son eau est de 6 mg par litre, soit très loin des 50 mg à ne pas dépasser.

D'après les deux représentants de la profession, la pollution est multifactorielle et ne peut être seulement imputée aux déjections animales.

Améliorer le mode de production

"La question n'est pas du tout de savoir s'il faut manger du comté, la question c'est de savoir comment il faut le produire", a réagi auprès de TF1 Info Bertrand Périer, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. 

Effectivement, pour beaucoup, arrêter de manger du comté est excessif. L'enjeu, c'est de penser à des améliorations dans le processus de fabrication de ce fromage.

"Le comté existe depuis plus de 700 ans. C'est l'un des fromages préférés des Français et nous avons construit cette confiance qu'ils nous accordent. Aujourd'hui, nous sommes engagés dans la préservation des ressources. Nous voulons continuer dans une démarche de progrès perpétuel et nous sommes preneurs d'un modèle au-delà de nos exigences actuelles", conclut le président de l'Interprofession du Comté.

Comme le soulignait Greenpeace, la solution passe en grande partie par l'agriculture biologique, mais aussi par la réduction, en tant qu'acheteurs, de notre consommation de lait et de fromage et de privilégier la qualité via des fermes locales par exemple. Pourquoi pas également vous essayer au fromage végétal.

Emma Forton