On a testé un plateau de fromages végétaux ou "fauxmages", qu'est-ce que ça vaut?

Jeudi 27 mars, c'est la journée du fromage. Si cette journée n'est pas un événement pour les Français, ils sont de gros consommateurs: on en mange 26 kilos par an et par personne. La passion des Français pour le fromage est telle que le général De Gaulle estimait qu'il était difficile de "gouverner un pays où il existe 258 variétés de fromages".
Face à ces produits laitiers, d'origine animale, un nouveau marché tente de s'imposer depuis quelques années dans ce rayon: celui des fromages végétaux, aussi appelés fauxmages ou vromages. Et le trompe l'œil est quasi parfait: visuellement, les fauxmages ressemblent à s'y méprendre à du camembert, du brie, du fromage de chèvre, du maroilles, du bleu et de la feta.
Pourtant, à lire les étiquettes qui les accompagnent, pas une trace de lait de vache, brebis ou chèvre à l'intérieur. Essentiellement du soja, de la noix de cajou et du lait de coco. Sans protéines animales, le produit n'a pas l'autorisation de s'appeler fromage, une dénomination réservée aux produits faits avec du lait animal. D'où les termes alternatifs utilisés: fauxmage, vromage, affiné végétal...
Un procédé de fabrication similaire
Pourtant, assure César Augier, dirigeant de l'entreprise Jay & Joy, ses fromages végétaux suivent le même procédé de fabrication que les fromages classiques:
"Nous utilisons des techniques traditionnelles apprises d'affineurs. On a le même matériel, les mêmes étapes de fabrication, les mêmes ferments. On ne peut pas nous comparer aux substituts de viande: nos produits ne sont pas ultratransformés," explique à RMC Conso celui qui trouve injuste l'interdiction de l'utilisation du mot fromage pour ses produits.
Il est vrai qu'à la différence de certaines fausses viandes végétales, la majorité de ses fauxmages a une liste d'ingrédients relativement courte: du lait végétal (soja, amande, cajou, coco...), des ferments et du sel.
Comme pour n'importe quel fromage, ces produits suivent les étapes de fermentation, moulage, durcissement, affinage, avec des niveaux de température et d'hygrométrie bien spécifiques dans la chambre d'affinage, afin d'obtenir un résultat qui soit le plus proche possible du fromage. D'ailleurs, comme pour les fromages au lait cru, ces fauxmages sont déconseillés aux femmes enceintes.
"À l'heure actuelle nous avons des fromages affinés trois semaines maximum, mais on pourrait très bien imaginer la fabrication d'un comté végétal ou d'un autre fromage à pâte dure affiné six mois," indique César Augier.
Les grandes marques s'y mettent aussi
Ce dernier est convaincu du potentiel de ce marché. "On va être obligé de revoir notre alimentation dans les années à venir, l'élevage intensif ne peut pas durer éternellement, et on doit à tout prix réduire notre empreinte carbone," affirme-t-il.
Le public déjà acquis: les personnes végétaliennes (ou vegan), qui ont supprimé de leur alimentation toute protéine d'origine animale, ainsi que certains intolérants sévères au lactose, qui ne peuvent pas manger de produits laitiers.
Quelques omnivores curieux pourraient aussi se laisser tenter, et les chiffres semblent montrer un vrai intérêt pour le sujet. Selon le spécialiste en études de marché Mordor Intelligence, la consommation de fromages végétaux est en augmentation de 33% en Europe entre 2023 et 2025.
Si le marché reste porté par de jeunes start-up aux convictions écologiques fortes, la plupart des grands groupes industriels s'y mettent aussi: il existe désormais du Babybel végétal, de la Vache qui rit végétale, du Boursin végétal... Preuve de l'intérêt grandissant pour ces innovations alimentaires.
En France, le fromage est une institution: un produit traditionnel, du terroir, 1.200 variétés différentes... Ce qui explique qu'en matière de consommation végétale, on se retrouve en dernière position des pays européens.
Malgré cela, selon une étude Snacking'Eat 2025, plus d'un Français sur trois consomme des alternatives végétales. Les habitudes pourraient donc être en train de changer.
Pour César Augier, le fauxmage est un bon moyen de continuer à se faire plaisir tout en éliminant l'impact négatif pour l'environnement des produits à base de protéines animales. Mais le plaisir est-il vraiment là?
L'avis de RMC Conso
La rédaction de RMC Conso a testé, et le verdict est plutôt mitigé. Sur les six fauxmages testés, la moitié a plu à la rédaction en termes de goût et texture: le maroilles, le bleu et la feta ont été jugés relativement proches de leur équivalent fromage.
En revanche, le brie, le camembert et le fromage de chèvre ont déçu par leur manque de saveur et des textures peu agréables en bouche.
La rédaction reconnaît toutefois l'intérêt que peut représenter le produit pour des personnes qui ne peuvent pas consommer de fromages ou ne veulent pas en consommer en raison de leurs convictions et qui sont pourtant des adeptes.
Au niveau nutritionnel néanmoins, les fauxmages sont plutôt moins intéressants que les vrais fromages. S'ils contiennent moins d'acides gras saturés, nocifs pour la santé car aggravant le risque cardiovasculaire, ils sont toutefois aussi voire plus caloriques, contiennent un peu de sucre alors que les fromages n'en ont pas, et renferment deux fois moins de protéines. Ils sont par ailleurs dépourvus de calcium. Ils ne sont donc pas une alternative avantageuse pour les personnes recherchant une perte de poids.
Niveau prix, là aussi, ça coince. Environ six euros pour 100 grammes de produits, c'est six fois plus cher que la plupart des fromages vendus en supermarché. Un tarif qui a plusieurs explications: le marché est encore de niche, la faible production ne permet pas d'économies d'échelle, le travail réalisé, en termes d'innovation, est important et coûteux.
Une autre hypothèse: le public cible de ce type de produits est plutôt citadin et aisé. Une clientèle prête à mettre le prix nécessaire pour faire des choix alimentaires qu'elle considère comme meilleurs. Et donc une opportunité, pour les marques, de faire une plus jolie marge.