Les gummies, compléments alimentaires sous forme de bonbons, "au mieux inutiles, au pire dangereux"

Les gummies, compléments alimentaires en forme de bonbons, font fureur. Venus tout droit des Etats-Unis et arrivés sur le marché français en 2019, ils voient leurs ventes exploser depuis 3 ans: après avoir bondi de 82% entre 2021 et 2022, le marché progresse encore de 27% en 2023 dans les pharmacies, selon les chiffres du GIE GERS, un groupement d’intérêt économique créé par les entreprises de l’industrie pharmaceutique.
Des bonbons aux mille promesses
Les ventes représentent 88 millions d'euros, partagées entre une trentaine de laboratoires. Les promesses de ces petites gommes sont nombreuses et variées: un sommeil de qualité, des cheveux ou des ongles renforcés, un poids stabilisé, etc.
Rien de nouveau comparé à celles des compléments alimentaires classiques, présents depuis les années 1980 et qui se consomment la plupart du temps sous la forme de gélule. Si ce n'est qu'avec les gummies, la corvée du comprimé à avaler comme un médicament est remplacée par le plaisir acidulé d'une friandise à mâcher.
"Les consommateurs n'attendent plus seulement de l'efficacité, ils veulent aussi du plaisir, ce que leur offre cette nouvelle forme galénique," affirme à RMC Conso Marine Olhagaray, directrice marketing du laboratoire UPSA, qui commercialise plusieurs gammes de gummies.
Risque de surdosage
La stratégie marketing est efficace mais inquiète les professionnels de santé, qui dénoncent le côté insidieux de ces produits:
"Lorsque les compléments alimentaires avaient la forme de médicaments, les gens respectaient un certain dosage. Avec les gummies, il y a la tentation de les consommer comme des friandises, donc un risque de surdosage," explique à RMC Conso Laurence Coiffard, docteure en pharmacologie à l'université de Nantes.
"Par exemple, un lien a été établi entre la surconsommation d'antioxydants et l'aggravation des cancers pulmonaires," détaille la chercheuse. Face à cette assertion, les laboratoires se défendent en disant qu'aucun cas de surdosage n'a été relevé à ce jour.
Quant au risque d'ingestion par des enfants, pour qui ces bonbons aux couleurs vives sont particulièrement attirants, Marine Olhagaray répond:
"Evidemment, on ne laisse pas traîner une boîte ouverte, c'est comme pour les autres produits de l'armoire à pharmacie. Mais en réalité, même si les enfants en consomment par inadvertance, il n'y a pas de risque particulier," tempère-t-elle, tout en insistant sur le fait que "comme indiqué sur nos emballages, nos gummies sont exclusivement réservés aux adultes et ne doivent pas être donnés aux enfants."
Quelle efficacité?
Au-delà de ces préoccupations, l'engouement autour de ces gommes soulève aussi la question de leur efficacité. "On est sur des solutions naturelles. On accompagne une tendance de consommateurs qui veulent prendre soin d'eux. Par exemple, nos gummies sommeil sont là pour aider les personnes qui présentent des troubles passagers du sommeil, pas des insomnies. On est bien sur un complément alimentaire et pas un médicament," souligne la directrice marketing d'UPSA.
"Au mieux c'est inutile, au pire c'est dangereux," lance quant à elle Laurence Coiffard.
"Le problème, c'est que les compléments alimentaires compensent des carences supposées: les personnes qui se supplémentent ne vérifient pas si elles sont carencées et ne le sont d'ailleurs probablement pas, car bien souvent ce sont des personnes qui ont déjà une bonne hygiène de vie," ajoute-t-elle.
Peu d'études scientifiques
Pour elle, les allégations de type "booster d'immunité" ou "détox" sont même trompeuses, car "elles ne reposent sur aucun fondement médical".
Peu d'études cliniques viennent d'ailleurs appuyer l'efficacité de ces compléments. Pour les gummies sommeil, seule la mélatonine est reconnue par la communauté scientifique pour son action sur l'endormissement. Les autres composants comprennent l'ashwagandha, une plante indienne censée avoir un effet calmant, et de la poudre de cerise, qui contient de la mélatonine.
"Nous avons réalisé une enquête auprès de nos clientes qui met en lumière plus de 90% de satisfaction," défend UPSA.
L'enquête a été réalisée en Italie auprès d'une soixantaine d'utilisatrices. La cure de deux semaines coûte une vingtaine d'euros, ce qui représente tout de même une dépense d'1,3 euros par jour. Certains gummies, dont ceux d'UPSA, ont l'avantage d'être sans sucre mais l'inconvénient de contenir beaucoup d'additifs. Des édulcorants qui ne sont néanmoins pas dangereux pour la santé, selon Laurence Coiffard.
Les gummies sont déconseillés aux femmes enceintes et aux personnes souffrant de certaines maladies qui sont obligatoirement détaillées sur l'emballage.