Que valent les produits anti gueule de bois vendus en ligne et en pharmarcie?

Le marché des produits "anti gueule de bois" est en plein essor. Selon un cabinet américain, il était estimé à 2,3 milliards de dollars dans le monde en 2023 et ne cesse de grandir. Leur promesse: lutter contre les effets négatifs à court terme des excès de consommation d'alcool, tels que maux de tête et nausées.
C'est la veisalgie, des symptômes mieux connus sous l'expression gueule de bois et qui sont si désagréables qu'ils réduisent parfois notre productivité à néant pendant 24 heures... L'arrivée sur le marché de compléments alimentaires qui luttent contre représente un attrait pour beaucoup. Mais a-t-on affaire à des produits miracle ou à une arnaque marketing? RMC Conso a enquêté.
Alcoool, Myrkl, Rehab...
Ils s'appellent Alcoool, Myrkl, Rehab ou Hang Over... des noms évocateurs, qui laissent entendre d'une part qu'il y a quelque chose d'amusant et de cool dans la consommation d'alcool, et d'autre part que cette consommation peut être comme annulée par des produits miraculeux.
C'est d'ailleurs le premier reproche qu'on leur fait régulièrement: leurs techniques de communication extrêmement puissantes, qui s'adressent en grande partie aux jeunes. Toutefois, la direction de Nonna Lab, qui commercialise Alcoool, s'en défend.
"Non, ce n'est pas un produit miracle, on n'a jamais dit ça. On n'incite pas à la consommation d'alcool, on intervient simplement dans un cadre ponctuel de consommation festive", martèle le directeur général Dorian Barberan, contacté par RMC Conso.
Figue de barbarie et poire de Nashi
Il insiste par ailleurs sur la composition naturelle de la petite bouteille de 100mL, à prendre "quelques heures avant la soirée" nous dit-il. A l'intérieur, deux principaux actifs, la figue de barbarie et la poire Nashi (une poire venue de Corée). Toutes deux limiteraient les effets indésirables de l'alcool, notamment en favorisant la production d'enzymes hépatiques qui aident à l'assimiler.
"La figue de barbarie a un effet prouvé par une étude scientifique de 2004," explique Dorian Barberan.
Pour la poire Nashi, il le reconnaît: "il n'y a pas encore d'étude clinique."
"Mais nous avons fait faire une analyse par Nutraveris [un cabinet de conseil scientifique, NDLR] qui confirme l'intérêt de ce fruit", ajoute-t-il.
Des études peu fiables
Des études peu crédibles, selon le Dr Mickael Naassila, président de la Société française d'alcoologie, joint par RMC Conso.
"Pour dire que ça fonctionne, il faut déjà le démontrer. A ce jour, on ne peut pas dire que ces produits ont une efficacité. Les études existantes montrent que la diminution de l’alcoolémie est faible. Certains symptômes, mais pas tous, peuvent être un peu réduits, mais cela n’en fait pas un remède" explique-t-il.
Il épingle de la même manière l'étude réalisée sur Myrkl, des pilules anti gueule de bois venues du Royaume-Uni et commercialisées en ligne. Ces gélules composées, en gros, de probiotiques et de vitamines, ne peuvent pas faire de mal: les probiotiques sont bons pour le système digestif, et l'alcool gênant l'absorption des vitamines, s'en complémenter ne peut pas être nuisible. Quant à la L-Cystéine, un acide aminé aussi présent dans ces pilules, elle dégrade les molécules d'alcool.
Mais les preuves d'efficacité apportées ne sont pas fiables, selon le Dr Naassila.
"L'analyse qui a été réalisée ne portait que sur un nombre trop limité de sujets, à qui on avait administré des quantités d'alcool trop faibles pour provoquer les réels effets de la gueule de bois", précise-t-il.
Un discours marketing dangereux
Le discours marketing, qui met en avant l'idée de miracle, est donc mensonger selon lui. Et même piégeux, dans la mesure où il laisse penser qu'on pourrait boire sans conséquences. Pourtant, même si les molécules présentes dans le produit dégradent effectivement l'alcool, cela ne veut pas dire qu'il annule ses effets néfastes, particulièrement à long terme.
"Le message est ambigu dans la mesure où on légitime un produit en laissant entendre qu'il soigne la gueule de bois, fustige-t-il. La seule manière de limiter la gueule de bois, c'est tout simplement de limiter sa consommation d'alcool!"
Pour lui, le risque de ce type de produits est qu'il soit principalement utilisé par des personnes victimes d'addiction, comme un médicament, en remplacement de vrais traitements.
Des compléments alimentaires, pas des médicaments
Or ces produits ne sont pas des médicaments mais bien des compléments alimentaires. Si rien, dans leur composition, ne peut nuire à la santé, ils n'ont pour autant pas de visée thérapeutique.
"Mais bon, on peut boire du jus de poire, si l'idée c'est de contrôler au mieux sa consommation," tempère le président de la société française d'alcoologie, pour qui Alcoool reste avant tout "un remède de grand-mère".
Un coût prohibitif
A condition de vouloir en supporter le prix: à 6,9 euros la dose, Alcoool n'est pas à la portée de toutes les bourses. "On n'est pas censé en acheter régulièrement", justifie à ce sujet le directeur général de Nonna Lab.
Pour la marque de compléments alimentaires, le produit anti gueule de bois représente tout de même un business très lucratif: elle avance vendre 150.000 bouteilles par an, soit un peu plus d'un million d'euros de recettes. En ce qui concerne Myrkl, la boîte de 15 doses est vendue 34,5 euros.
Limiter sa consommation d'alcool
Les produits anti gueule de bois sont donc, comme tous les produits à la mode, chers et extrêmement bien marketés. Leur efficacité n'est pas prouvée, mais leur consommation en tant que telle n'est pas plus dangereuse que celle de n'importe quels compléments alimentaires, à condition d'avoir bien conscience qu'ils ne sont pas faits pour nous permettre de boire de l'alcool en plus grande quantité.
La meilleure solution, et gratuite, pour ne pas subir les effets indésirables de l'alcool reste... de modérer sa consommation d'alcool.
Et pour les exceptionnels excès, le seul remède vraiment efficace et à moindre frais est de boire beaucoup, beaucoup d'eau, les conséquences néfastes de l'alcool étant principalement dues à la déshydratation que sa consommation entraîne.