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Alimentation

Les produits ultra-transformés, néfastes et pourtant omniprésents dans l'alimentation des enfants

Le rayon biscuits d'un supermarché en France (photo d'illustration).

Le rayon biscuits d'un supermarché en France (photo d'illustration). - Christophe SIMON / AFP

8 à 9 produits de supermarché à destination des enfants sur 10 sont ultra-transformés, selon une étude de 60 millions de consommateurs publiée ce jeudi 11 septembre. Pourtant, ces produits ne sont pas sans risque pour la santé.

Yaourts aux fruits, biscuits pour le goûter, céréales du petit-déjeuner... 88% des produits à destination des enfants en supermarché sont ultra-transformés, selon une étude menée auprès de 20 enseignes françaises par le Club européen des diététiciens de l'enfance et citée par 60 millions de consommateurs, dans son hors-série de septembre-octobre 2025.

Le magazine, qui a passé au crible 43 produits, arrive au même constat: 35 des aliments étudiés sont ultra-transformés. Sont mêmes concernés des produits auxquels on s'attend moins, comme des biscuits pour petit-déjeuner aux allégations santé sur l'emballage ("riche en fibres", etc) ou des produits à destination des bébés. Encore plus inquiétant, près de la moitié (46%) de l'apport calorique des enfants est constitué d'aliments ultra-transformés. C'est 36% pour les adultes.

Que veut dire exactement le terme "ultra-transformé", comment reconnaître un aliment ultra-transformé et quels sont les risques associés à ces aliments? RMC Conso fait le point.

Une définition floue

La notion d'ultra-transformation est plus complexe qu'elle n'en a l'air: il n'existe pas de définition scientifique officielle. Ce que fustige d'ailleurs 60 millions de consommateurs: ce flou empêche un véritable encadrement de ces produits.

"Tergiverser sur les contours des aliments ultra-transformés permet d'éviter toute réglementation trop restrictive," écrit le magazine.

On peut, malgré tout, s'appuyer sur plusieurs éléments pour conclure qu'un produit est ultra-transformé ou pas. La classification Nova, créée par des chercheurs brésiliens, classe les aliments en quatre groupes en fonction du degré de transformation, 4 correspondant à un aliment ultra-transformé.

On pourrait partir du principe qu'un aliment ultra-transformé est un produit qu'on ne retrouve pas dans la nature: les céréales Chocapic ne poussent pas dans les arbres. Néanmoins cette seule définition ne suffit pas: le beurre ne se trouve pas dans la nature, mais ce n'est pas un aliment ultra-transformé pour autant. On pourrait ajouter que c'est un produit qu'on ne retrouve pas dans la nature et qui est produit par des procédés industriels. Néanmoins cette définition est encore insuffisante.

Dérivés d'aliments et additifs

Un aliment ultra-transformé, selon Nova, est un aliment qui a été formulé industriellement via des procédés lourds comme le soufflage (céréales soufflées), ou encore le craquage (séparation d'un aliment en composés, par exemple, isolat de protéines de pois). Surtout, un aliment ultra-transformé contient dans sa liste d'ingrédients ce qu'on appelle des marqueurs d'ultra-transformation.

Il en existe des dizaines, mais on peut les regrouper en deux catégories: les dérivés d'aliments, par exemple, l'amidon modifié, du maïs qu'on a transformé chimiquement pour en extraire l'amidon et donner viscosité, stabilité et texture à un aliment. Et les additifs, parmi lesquels, les colorants, les arômes, les émulsifiants, etc. Tous ces éléments servent essentiellement à rendre l'aliment plus attractif, grâce à des couleurs plus vives, un goût plus prononcé, une texture plus agréable...

Le problème, c'est que ces aliments nous rendent "accros". Ils sont formulés de sorte à ce qu'on ait envie d'en manger plus. Ils nous facilitent la mastication et retardent la sensation de satiété. Faites le test: entre des chips industrielles et des chips maison, il y a fort à parier que les chips industrielles vous semblent bien plus agréables à manger. Plus croquantes, plus goûtues, elles se mangent "sans faim".

Des produits addictifs

Une étude réalisée en 2019 et résumée par 60 millions de consommateurs décrit bien ce phénomène: il a été donné le même repas à deux groupes. Mais pour le premier groupe, le repas était un plat industriel, ultra-transformé. Le deuxième groupe mangeait l'équivalent, mais fait maison. Les deux repas avaient exactement les mêmes valeurs caloriques, quantités de sucre, graisses et fibres.

La différence était donc uniquement dans la composition en additifs, présents dans le premier repas, absents dans le deuxième. Les deux groupes avaient la possibilité de manger autant qu'ils voulaient du plat qui leur était proposé. Résultat: le premier groupe, à qui l'on a servi le plat ultra-transformé, en a consommé pour 500 calories de plus que le deuxième, qui s'est nourri du plat fait maison. Preuve que le plat ultra-transformé était moins rassasiant et plus addictif.

Ces aliments ultra-transformés sont d'autant plus dangereux pour les enfants qui, en pleine découverte de l'alimentation, risquent de les préférer aux produits bruts et de se détourner de ces derniers.

Autre problème, ces produits ultra-transformés sont très souvent gras et sucrés. 78% d'entre eux ont un Nutri-Score C ou D selon une étude d'Open Food Facts reprise par 60 millions.

Maladies chroniques et cancers

En étant gras, sucrés, formulés pour nous plaire, ils favorisent naturellement la prise de poids. Et donc toutes les maladies liées: obésité, diabète de type 2, maladies cardio-vasculaires. Une centaine d'études associent les produits ultra-transformés à ces trois types de maladies chroniques.

"Mais les soupçons s'étendent aussi à d'autres pathologies: symptômes dépressifs, asthme, insomnie, maladies de peau comme le psoriasis," affirme au magazine Mathilde Touvier, directrice de recherche à l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale).

D'autre part, plusieurs études associent les produits ultra-transformés à un risque accru de cancer. Une hausse de 10% de la part d'aliments ultra-transformés augmenterait le risque global de cancer de 13%, de 30% pour le cancer du côlon et 50% pour le cancer du pancréas.

D'ailleurs, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) place l'industrie agroalimentaire au même rang que l'industrie du tabac, de l'alcool et des combustibles fossiles, toutes quatre étant responsables de 2,7 millions de morts par an en Europe.

Faut-il pour autant bannir complètement l'alimentation ultra-transformée de nos assiettes? Cela semble impossible: pratique quand on est pressé, réconfortante, souvent plus abordable que les produits bruts, les arguments pour sont malgré tout nombreux.

Reconnaître un aliment ultra-transformé

Les ingrédients qui posent problème restent par ailleurs tout à fait légaux, seuls quelques colorants comme le dioxyde de titane ayant été interdits en Europe ces dernières années. D'autres doivent respecter certaines doses maximales. Les émulsifiants, malgré une alerte montante les concernant, restent autorisés.

Mais on manque de recul pour déterminer à partir de quelle quantité consommée le risque devient réel ou bien quel cocktail d'additifs précisément induit des maladies. Pour Anthony Fardet, chargé de recherche en nutrition à l'INRAE (Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement), l'idéal serait donc d'essayer de se limiter à un ou deux produits ultra-transformés maximum par jour, pour éviter les effets cocktails.

Pour reconnaître un aliment ultra-transformé, il existe quelques conseils simples à appliquer:

  • Si l'aliment est composé de plus de 5 ingrédients
  • Si l'aliment contient des ingrédients aux noms compliqués, que vous ne connaissez pas et qu'on ne trouve pas dans sa cuisine
  • Si l'aliment contient des ingrédients qui commencent par E + trois chiffres
  • Soyez vigilants sur les produits transformés premiers prix, qui ont tendance à contenir plus d'additifs justement parce que ces additifs, en améliorant goût et texture, permettent de se passer d'ingrédients plus nobles.
Charlotte Méritan