"Riche en fibres", "bien-être digestif"... Peut-on se fier aux allégations santé sur les emballages?

"Riche en fibres", "source de calcium", "bien-être digestif"... Ces allégations nutritionnelles et de santé, qui envahissent nombre d'emballages alimentaires, font partie de la jungle des étiquettes qui induisent le consommateur en erreur au lieu de l'aider à y voir plus clair.
C'est la conclusion d'un rapport de la Cour des comptes européenne paru lundi 25 novembre, qui dénonce plus généralement d'importantes lacunes dans la législation qui entoure l'étiquetage alimentaire dans l'Union européenne.
La multiplication de logos, labels et allégations différents expose les consommateurs à des messages qui sont "délibérément ou non, trompeurs".
En ce qui concerne les allégations nutritionnelles et de santé, le rapport relève trois problèmes majeurs: un manque de contrôle sur ces allégations qui sont certes facultatives mais tout de même encadrées, des allégations floues qui entretiennent la confusion, et enfin des informations qui laissent penser au consommateur qu'il fait un choix sain alors que les allégations nutritionnelles sont aussi présentes sur des produits trop gras et sucrés.
RMC Conso est donc parti enquêter en supermarché pour constater l'existence de ces trois problèmes sur les produits présents en rayons, et vous présente plusieurs exemples ainsi que quelques clés pour ne plus vous faire avoir par le marketing.
Actimel augmente sa dose en vitamine D
Une enquête de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) de 2020 indiquait 60% d'anomalies en ce qui concerne les allégations nutritionnelles et de santé. Depuis, "la DGCCRF semble avoir fait un peu de ménage", saluait l'association UFC Que choisir au mois d'avril 2024.
Sur les deux ou trois dernières années, certaines marques qui affichaient des allégations de type "source de..." ou "riche en..." vantant la présence de certains nutriments, vitamines ou minéraux alors que les produits n'en contenaient pas ou peu, semblent effectivement avoir fait évoluer leurs recettes.
Par exemple, le yaourt à boire Actimel de Danone était présenté comme un produit "riche en vitamine D". Problème, il ne contenait que 15% des apports journaliers recommandés en vitamine D, quand la réglementation impose un minimum de 30% pour pouvoir inscrire la mention "riche en".
Danone confirme à RMC Conso avoir changé sa recette il y a deux ans pour satisfaire aux exigences du règlement européen: désormais, Actimel contient 33,3% des apports journaliers recommandés en vitamine D.
"Riche en fibres", vraiment?
Pourtant, des failles semblent persister, en atteste un sachet de petits pains grillés de la marque Krisprolls repéré par RMC Conso: vendu comme étant "riche en fibres" il n'en contient pourtant que 3,1 grammes pour 100 grammes, alors que la réglementation impose un minimum de 6 grammes pour pouvoir apposer cette mention.
Le consommateur qui choisit ces petits pains pour l'atout santé mis en avant sur l'emballage est donc trompé sur la marchandise. Mais faute de contrôles suffisants (la Cour des comptes européenne les qualifie même de "rares ou inexistants"), impossible pour le consommateur de le savoir, à moins de se plonger dans le (très rébarbatif) règlement CE n°1924/2006...
Deuxième problème: le foisonnement des allégations nutritionnelles sur les emballages plonge le consommateur dans la confusion, rendant les informations peu claires et difficilement compréhensibles. Sur un paquet de biscuits de petit-déjeuner de la marque Gerblé, RMC Conso compte pas moins de sept informations différentes liées à la composition du produit et à son intérêt nutritionnel.
Trop d'informations vagues
"-46% de sucres", "aux céréales complètes", "riche en fibres"... Mais aussi une mention qui ressemble presque à un slogan, "pour bien démarrer la journée". Cette allégation, qui a priori ne contient pas d'élément scientifique tangible, comporte une astérisque qui renvoie à une autre mention, écrite sur le côté de l'emballage, en tous petits caractères: "Le magnésium et les vitamines B2, B3, B5, B6 contribuent à réduire la fatigue".
L'allégation de santé "officielle" concerne donc l'effet du magnésium et des vitamines sur la fatigue, mais pour un marketing plus efficace, la marque a fait le choix de mettre en avant la mention "pour bien démarrer la journée".
Même constat sur des allégations comme "plein de vitalité" sur un paquet de biscuits aux figues... Ou encore "apporte des nutriments" sur des yaourts de marque Activia: tous les aliments apportent des nutriments et le sucre est aussi un nutriment, tout comme l'eau.
Cette jungle des allégations nutritionnelles a pour conséquence d'induire le consommateur en erreur sur la qualité de ce qu'il mange. Ces mentions étant en effet autorisées même pour des produits trop sucrés ou trop gras, elles peuvent laisser penser au consommateur qu'il fait un choix sain dès lors qu'il voit une mention "riche en" ou "source de" vitamines, minéraux, etc.
Quand un Kinder est censé "aider à grandir"
Pourtant, lorsqu'on lit la composition nutritionnelle des biscuits soja figue d'Intermarché, "source de magnésium, riche en fer, zinc, vitamines E, B1, B2 etc", on s'aperçoit que le sucre est le deuxième ingrédient du produit après la farine, et qu'il représente finalement presque 20% des apports nutritionnels. Ce qui en fait un produit très sucré. Raison pour laquelle il n'affiche d'ailleurs qu'un Nutri-Score C.
De la même manière, les batônnets chocolat Kinder affichent sur leur emballage l'image d'un verre de lait, pouvant laisser penser que la consommation d'un batônnet est équivalente à celle d'un verre de lait, alors que ces batônnets au chocolat contiennent 53,3% de sucre et 35% de matières grasses. En 2009, Kinder avait d'ailleurs voulu afficher l'allégation "aide à grandir" sur son emballage, mais sa demande d'autorisation avait été rejetée, comme le rappelle un article du magazine spécialisé LSA.
La Cour des comptes européenne plaide donc pour la mise en place de "profils nutritionnels" avec "une limite fixée pour ces nutriments [sucre, lipides], au-delà de laquelle les allégations nutritionnelles et de santé doivent être restreintes ou interdites".
Mais "jusqu’en 2020, la Commission a réalisé peu de progrès, invoquant le fait qu’il lui était difficile d’obtenir la nécessaire adhésion des États membres," regrette le rapport.
"La stratégie 'De la ferme à la table' a remis les profils nutritionnels à l’ordre du jour en 2020 et prévoyait leur mise en place avant la fin de 2022. Cependant, en septembre 2024, ce n’était toujours pas chose faite. Selon la Commission, en raison de la nature du sujet, il sera difficile d’établir une proposition législative dans un futur proche."