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Nutri-Score, Nova, Eco-Score: peut-on se fier aux systèmes de notation pour bien manger?

Le Nutri-Score, une lettre de A à E (illustation)

Le Nutri-Score, une lettre de A à E (illustation) - LOIC VENANCE / AFP

Les systèmes de notes pour évaluer la qualité des aliments sont multiples aujourd'hui. Mais garantissent-ils une bonne alimentation? RMC Conso fait le point.

Nutri-Score, Nova, Eco-Score, Planet-Score, Yuka... les systèmes de notation alimentaires fleurissent à la fois sur les étiquettes des emballages, mais aussi à travers des sites et applications de scan des produits.

Est-ce qu'en regardant uniquement les notes, vous avez la garantie de bien manger? RMC Conso vous répond, grâce aux témoignages de multiples experts.

9 personnes sur 10 le connaissent: le Nutri-Score, qui est un outil de la politique nutritionnelle française mis en place en 2017. L'objectif, "assurer une information transparente aux consommateurs pour éclairer leurs choix sur les produits alimentaires qu’ils achètent", selon Santé Publique France.

Meilleure alimentation pour une meilleure santé

"Il s'agit d'un logo apposé sur la face avant des emballages des produits alimentaires. Il fournit, en un simple coup d'oeil, la qualité nutritionnelle globale des produits de manière lisible et compréhensible. Il permet également de comparer les aliments entre eux et d’orienter ses choix vers des produits de meilleure qualité nutritionnelle. Tout cela repose sur des bases scientifiques", détaille auprès de RMC Conso Serge Hercberg, épidémiologiste, nutritionniste et créateur du Nutri-Score.

L'indicateur attribue un score de A à E en fonction d'éléments positifs, comme les fibres, les protéines, les fruits et légumes, les légumineuses, et négatifs, comme les calories, les sucres, les graisses et le sel.

Selon le spécialiste, "manger des produits bien classés (A et B) par le Nutri-Score est gage d'une meilleure alimentation et de comportements plus favorables à la santé avec une diminution des risques d'obésité, de maladies cardiovasculaires et de diabète". Un avis partagé par Pierre Slamich, co-fondateur de la base de données de produits alimentaires Open Food Facts qui réunit 3 millions de visiteurs chaque mois. "Avec le Nutri-Score, c'est un bon premier pas et une partie du chemin est déjà faite", renchérit-il à RMC Conso.

Des constats confirmés dans une étude publiée en février 2024 par des chercheurs de l’OCDE. Celle-ci a calculé que la seule apposition du Nutri-Score dans les 27 pays européens permettrait d’éviter près de 2 millions de cas de maladies chroniques d'ici 2050, de réduire significativement les dépenses annuelles de santé et d’améliorer l’emploi et la productivité dans l’Union européenne.

Quid des produits classés C,D et E? "Même s'ils sont mal placés, ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas les manger. L'enjeu, c'est de trouver d'autres produits alternatifs et surtout de ne pas en consommer trop fréquemment et en grande quantité", précise Serge Hercberg.

Degré de transformation et impact sur l'environnement pointés du doigt

Pour autant, même s'il présente des avantages, cet indicateur reste imparfait. "Il s'agit d'un score qui réduit l'aliment à une agrégation de quelques nutriments et ingrédients, et qui néglige l'aliment dans sa globalité. Donc, non ça ne permet pas de mieux manger", nuance Anthony Fardey, chercheur spécialiste de l'alimentation préventive et durable, auprès de RMC Conso.

En effet, le principal problème du Nutri-Score c'est qu'il ne prend pas en compte dans son calcul le degré de transformation des produits, notamment les agents cosmétiques ou les marqueurs l'ultra-transformation. "Avec l'ancien algorithme, plus de 50% des aliments industriels avec un Nutri-Score A ou B étaient des produits ultra-transformés", déplore-t-il. Pour savoir si un produit est plus ou moins transformé, il faut plutôt regarder l'indicateur Nova (note de 1 à 4). Celui-ci apparaît notamment lors du scan d'un produit sur certaines applications, comme Open Food Facts par exemple.

Le site et l'application Open Food Facts proposent de scanner les produits pour évaluer leur qualité à l'aide de trois indicateurs: Nutri-Score, Nova et Green-Score.
Le site et l'application Open Food Facts proposent de scanner les produits pour évaluer leur qualité à l'aide de trois indicateurs: Nutri-Score, Nova et Green-Score. © Open Food Facts

La préservation de la biodiversité et du climat sont également absents du Nutri-Score. Ces dimensions sont évaluées dans l'Eco-Score (ou Green-Score) et le Planet-Score. Les résidus de pesticides aussi ne sont pas inclus dans le Nutri-Score: le logo "agriculture biologique" permet lui, au contraire, d'assurer qu'il n'y en a pas. Cependant, selon le fondateur du Nutri-Score Serge Hercberg, "mélanger toutes ces composantes ferait perdre à chacune sa signification".

De futures évolutions?

Mais comme Serge Hercberg l'assure, "un logo n'est pas parfait du premier coup et il est fait pour évoluer régulièrement, notamment avec l'apparition de nouveaux produits".

C'est la raison pour laquelle la mise en place du nouveau Nutri-Score "V2" est très attendue. Celui-ci sera "plus cohérent et corrigera les imperfections du précédent, avec 30% d'aliments modifiés. Il pénalisera plus les produits sucrés comme les yaourts à boire et les céréales et prendra en compte certains ingrédients comme la viande rouge et la présence d’édulcorants dans les boissons, énumère-t-il. Et il favorisera plus les produits avec des fibres et certains fromages qui contiennent moins de sel et de gras." Serge Hercberg, comme d'autres spécialistes, espère qu'il sera rendu obligatoire pour une meilleure efficacité.

Une autre avancée est actuellement en cours d'étude. Il s'agit de mettre un bandeau noir autour du Nutri-Score pour indiquer lorsque c'est un produit transformé.

Des indicateurs "complémentaires"

Selon les experts, l'approche à adopter serait finalement de penser les différents systèmes de notation ensemble. "Le Nutri-Score est un outil parmi d'autres et chacun, pris séparément, ne peut pas garantir un équilibre nutritionnel. Il faut les mettre de concert", explique Pierre Slamich d'Open Food Facts. "Chaque indicateur cible une dimension différente, ils ne se substituent pas mais sont complémentaires", poursuit Serge Hercberg.

Attention cependant, tous les indicateurs ne se valent pas. "Beaucoup ont imité le principe d'Open Food Facts avec le scan des produits et les codes couleurs, mais n'ont pas les mêmes méthode, avance Pierre Slamich. Il est important d'avoir un algorithme du score ouvert, transparent et indépendant pour créer de la confiance avec les consommateurs et éviter les conflits d'intérêts et les pressions des industriels agro-alimentaires."

Comme vous l'aurez compris, les systèmes de notes ont leurs limites. Ainsi, d'autres paramètres sont à prendre en compte lorsque vous faites vos courses pour garantir une bonne alimentation.

Vous devez prendre le réflexe de lire la liste des ingrédients au dos des produits. "Il faut identifier les vrais aliments que vous pouvez utiliser dans votre cuisine et ceux aux noms suspects d'origine strictement industrielle. Quand il y a plus de cinq ingrédients, il y a environ trois chances sur quatre que ce soit un produit ultra-transformé", assure Anthony Fardet.

Enfin, il ne faut pas oublier les recommandations de santé publique: manger cinq fruits et légumes par jour, limiter le sucre, le sel et le gras, ou encore la viande rouge.

Emma Forton