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Pain, pizza et même des huîtres: les distributeurs automatiques de nourriture en pleine expansion

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Vous en avez forcément déjà croisé: ils livrent à la minute du pain chaud ou des pizzas, et même des produits frais. Les distributeurs automatiques de nourriture conquièrent les campagnes, mais inquiètent en ville. Décryptage.

On y trouve du pain, des pizzas, mais aussi des produits laitiers, de la viande, des fruits et légumes, des fleurs, et même des huîtres ou des moules dans les régions productrices... Les distributeurs automatiques de nourriture poussent comme des champignons partout en France.

Certains y voient une nouvelle opportunité de faire commerce, d'autres une concurrence déloyale. Ils se positionnent en tout cas comme une alternative aux marchés et supermarchés classiques. RMC Conso vous explique les raisons de cet essor.

C'est une nouvelle façon de faire ses courses. À base de codes, de QR codes, de clavier numérique, de portes réfrigérées automatiques. Sans "bonjour", "au revoir", "merci" ou "comment allez-vous". Et si vous avez l'impression d'en voir de plus en plus, sur le bord des routes, à la campagne, ou même en ville, c'est parce qu'ils connaissent une expansion certaine.

Croissance à deux chiffres

Une illustration de ce rayonnement: les distributeurs automatiques de pizzas. L'un des principaux fabricants français de ces machines, Adial, devenu NeoAdial en mars, parlait de 1.000 installations en 2020, 1.600 en 2021, 4.000 en 2024 et 5.000 en 2025.

Pour autant, cette ascension fulgurante est à nuancer. Sur le chiffre de 600.000 à 650.000 distributeurs automatiques en France que l'on lit parfois, il faut compter 70% de machines de boissons chaudes, qui dominent largement le secteur. Par ailleurs, les distributeurs implantés dans les entreprises représentent 80% des installations, selon le spécialiste d'études de marchés Businesscoot.

De quoi relativer l'envahissement, même si, citant l'institut Gira Foodservice, un article du journal Le Monde de 2022 comptabilisait tout de même 80.000 exemplaires, qui délivrent au quotidien une multitude de produits alimentaires.

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce marché n'est pas né hier. Les premières machines à pizzas d'Adial datent de 2002. Il faut même remonter à 1986 pour trouver la trace du premier distributeur automatique de... pain, pensé à l'époque par un boulanger de Cholet. Il est vrai que dans un cas comme dans l'autre, le succès n'a pas tout de suite été au rendez-vous.

C'est finalement la crise du Covid, et le changement d'usages qui s'en est suivi, qui a permis le réel développement des distributeurs automatiques de nourriture, à peu près au même moment où le drive, ce service de courses en ligne et à récupérer sur le parking du magasin, a lui aussi pris son envol. En 2022, on parlait d'une croissance du secteur de l'ordre de 10% par an.

Opportunité pour les agriculteurs

Les distributeurs automatiques, ouverts 7 jours sur 7 et 24h sur 24, répondent à une nouvelle demande. Celle d'une population plus pressée, au mode de vie qui ne colle pas toujours avec les horaires d'ouverture des magasins traditionnels. Mais ils illustrent aussi un nouveau rapport entre producteurs et consommateurs.

Pour les uns, les distributeurs automatiques représentent une opportunité pour vendre leurs produits à un public plus large et sans intermédiaire. Pour les autres, la possibilité d'accéder plus facilement à des produits locaux et de la ferme. Un genre d'Amap (association pour le maintien d'une agriculture paysanne) 2.0.

Dans les zones rurales, les distributeurs automatiques de nourriture sont une façon de recréer une nouvelle forme de commerce de proximité. Car la désertification de ces espaces est une réalité statistique: 60% des communes, en France, ne disposent d'aucun commerce. Et si ces machines peuvent sembler quelque peu déshumanisées, elles permettent malgré tout aux habitants et aux producteurs de se croiser, s'y rencontrer.

"Les distributeurs automatiques accompagnent de deux manières les transformations des commerces ruraux. D’une part, ils permettent de pallier une absence de commerce; de l’autre, ils accompagnent les nouvelles fonctions résidentielles des espaces périurbains," expliquait Céline Massal, professeure agrégée de géographie, dans une étude de 2018.

Concurrence déloyale

En revanche, lorsqu'ils sont installés dans des zones qui ne manquent pas de commerces, les distributeurs automatiques peuvent être perçus comme un ennemi à combattre. C'est ce qui s'est par exemple passé dans la commune des Abrets-en-Dauphiné, en Isère, où un distributeur de pizzas avait été installé à une trentaine de mètres d'un restaurant de pizzas.

Face à la gronde du restaurateur, qui estimait que l'absence de loyer et les faibles charges du distributeur constituaient une concurrence déloyale, le maire a pris un arrêté fin janvier pour interdire ces machines.

Si l'installation des distributeurs automatiques n'est régie par aucune loi spécifique, elle est la plupart du temps soumise à l'aval de la mairie. Lorsqu'ils s'établissent dans la rue, c'est-à-dire sur le domaine public, ils doivent recueillir une autorisation municipale.

Lorsqu'ils campent sur le domaine privé, un parking par exemple, ils doivent malgré tout bien souvent faire l'objet d'une déclaration de travaux ou un permis de construire (tout dépend du plan local d'urbanisme).

On ne peut par ailleurs pas y vendre complètement n'importe quoi, les boissons alcoolisées et le tabac y sont interdits.

Quant à ceux qui s'inquiéteraient de la fraîcheur des produits, soyez rassurés: la réglementation sanitaire est la même pour ces distributeurs réfrigérés que pour n'importe quel commerce: les frigos doivent être en bon état de fonctionnement et ne pas dépasser 4°C, les dates limites de consommation doivent être indiquées et respectées, la chaîne du froid ne doit pas être rompue.

Charlotte Méritan