Pourquoi est-ce si compliqué de trouver des fruits et légumes français dans nos rayons?

Plus de fraises et de cerises en hiver: le groupement Les Mousquetaires (Intermarché et Netto) a annoncé il y a quelques jours l'arrêt des ventes de ces fruits d'été en décembre et en janvier.
Une opération de communication pour mettre en avant l'intention du distributeur de favoriser les fruits et légumes français. Les fraises et cerises vendues sur les étals en hiver étant bien entendu importées: majoritairement du sud de l'Espagne et du Maroc pour les premières, du Chili ou du Pérou, pays de l'hémisphère sud où les saisons sont inversées, pour les secondes.
1 fruit ou légume sur 2 importé
Mais l'arrêt de la commercialisation de ces deux fruits, deux mois dans l'année, n'occulte pas le fait qu'un fruit ou légume sur deux que nous consommons est importé, selon un rapport du Haut conseil pour le climat de janvier 2024.
On importe, par exemple, 39% des poires, 40% des pêches et même 74% du raisin de table selon une étude de l'ADEME de 2019. Même chose pour les légumes avec en tête des importations la tomate, pour laquelle l'autosuffisance est faible (ce qui signifie qu'on consomme bien plus de tomates qu'on en produit).
Les raisons de ces importations massives sont multiples. La première est évidemment le prix: les coûts de production sont moins élevés dans des pays tiers. La main d'œuvre y est moins chère, les règles qui encadrent la production et la récolte sont plus souples, et le rendement est plus important.
Par exemple, les producteurs corses estiment que les rendements des clémentiniers espagnols sont trois fois plus importants que sur l'île, comme l'expliquait un reportage de nos confrères de France 3 en novembre 2023.
Prix doublé pour les clémentines corses
Résultat, en rayons, les prix passent du simple au double: trois euros le kilo de clémentines espagnoles contre presque six euros pour les clémentines corses. Raison pour laquelle les producteurs pestent contre ce qu'ils considèrent comme une concurrence déloyale.
Une deuxième raison est liée à la demande, de plus en plus forte sur les fruits exotiques. Des fruits qu’on ne peut pas faire pousser en France pour des raisons de climat mais que les consommateurs ont découvert avec la mondialisation et affectionnent particulièrement.
La banane est par exemple l'un des fruits les plus consommés en France (11 kg par habitant par an en moyenne). On n'en produit pourtant quasiment pas en métropole et la production antillaise ne représente que 28% des besoins du pays. Le reste provenant d'Amérique latine et d'Afrique.
Les Français sont également de grands consommateurs d'ananas (1,5 kg par personne par an) et d'avocat (2,3 kg par personne par an), des fruits qui ne poussent pas sur le sol de l'Hexagone.
Un marketing en faveur des fruits importés?
En ce qui concerne les fruits et légumes cultivés sur le territoire mais à certaines saisons seulement, et qu'on importe hors saison, l'argument avancé par les distributeurs et qui consiste à dire qu'ils répondent à la demande est contesté par les associations de consommateurs.
Une association de consommateurs suisse a notamment démontré que les enseignes avaient recours à de nombreuses stratégies marketing (mise en avant en rayons, origine indiquée de manière peu claire, etc) pour pousser les consommateurs à acheter des fraises importées en hiver. Ce qui pose une question: est-ce la demande qui crée l'offre, ou l'offre qui crée la demande?
Intermarché, en supprimant l'offre de fraises et de cerises en hiver, espère justement "augmenter la demande des consommateurs et inciter au principe de préférence aux productions françaises", comme le précise son communiqué.
Ce n'est toutefois par la première fois qu'un grand groupe de distribution se lance dans ce type de communication. En 2019, Alexandre Bompard, PDG de Carrefour, annonçait sur RTL que la part de fruits et légumes français vendus dans ses magasins atteindrait 95% avant la fin de l'année.
Une petite visite sur Carrefour Drive nous permet de constater que la part de fruits français proposés à l'hypermarché de Gennevilliers n'atteint que 40%. C'est 60% pour les légumes.
Pommes, brocoli, poireau
Le chemin vers une alimentation en fruits et légumes 100% français semble donc encore long. RMC Conso a testé de faire des courses de fruits et légumes uniquement origine France et a pu constater la difficulté que cela représente, comme vous pouvez l'entendre dans la vidéo en tête de cet article.
L'un des principaux obstacles étant sur les fruits et légumes transformés (surgelés, en conserve, en compote ou en coulis...): l'indication de l'origine n'est pas obligatoire sur ces produits, donc on en trouve de très nombreux sur lesquels aucun pays n'est mentionné.
Si vous souhaitez néanmoins consommer français et de saison, sachez que RMC Conso met en ligne régulièrement des fiches techniques récapitulant les fruits et légumes du mois.
Pour novembre, citons le brocoli, les choux ou le poireau, des légumes très peu importés et dont la production française suffit quasiment à satisfaire la consommation. Pour les fruits, c'est évidemment la pomme la star de la saison. Vous pouvez également trouver des poires, des châtaignes, et c'est le début de la saison des clémentines.