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Les frais bancaires en cas de découvert bientôt interdits? Une proposition de loi étudiée

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(illustration). - Pexels

Alors que 45% des Français se retrouvent à découvert au moins une fois par an, ils payent souvent des frais disproportionnés. Minima forfaitaire, agios, commission d'intervention... Des députés veulent réguler ces frais.

Se retrouver à découvert de seulement un euro, et pourtant se voir débité de 10 euros de frais bancaires. Cela peut paraître absurde. C'est pourtant ce que pratiquent la plupart des banques.

Ces frais, l'UFC Que Choisir les juge "immoraux" et les députés communistes veulent les supprimer. Ce sont les minima forfaitaires: des frais fixes imposés sur les petits découverts (de moins de 400 euros). Et qui sont facturés même quand l'usager bancaire dispose d'une autorisation de découvert.

Les minima forfaitaires donnent donc lieu à des situations ubuesques: alors que vous devriez payer beaucoup moins en agios, la banque vous débite un tarif fixe fluctuant selon la banque. Il peut aller de 2 euros à 10 euros au CCF, voire 12,5 euros à la Banque Populaire du Sud.

Un montant colossal. Surtout quand on sait que si on appliquait la méthode de calcul des agios proportionnels, comme c'est le cas à partir de 400 euros de découvert, ce découvert d'un euro sur un jour ne coûterait qu'un centime. En résumé si l'on s'en tient à la logique des banques, il vaut mieux être à -400 euros sur son compte courant pendant plusieurs jours plutôt qu'à ne serait-ce que -1 euro pendant une journée.

Une loi pour interdire les frais d'incident bancaire

Pour tenter de mettre fin à ce non-sens, le groupe communiste à l'Assemblée nationale a déposé une proposition de loi. Les minima forfaitaires sont dans leur viseur, mais aussi les commissions d'intervention, des lettres d’information aux débiteurs, les rejets de prélèvements... En clair, les frais incidents bancaires de tous types.

"En moyenne, un client bancaire paie 113 euros par an rien que pour des incidents. Ces frais touchent 8 millions de clients chaque mois", écrivent les députés dans le texte de loi.

Ils s'appuient sur plusieurs études, notamment une du comparateur en ligne de banques Panorabanques, qui affirme que 45% des Français se retrouvent à découvert au moins une fois par an. Ces frais concernent donc une part importante de la population.

Ce que dénoncent plus particulièrement les députés communistes, c'est d'abord l'opacité de ces frais. Les plaquettes tarifaires des banques sont complexes, parfois illisibles. Il est donc compliqué pour l'usager de savoir si et combien sa banque facture tel ou tel incident. Le plus souvent donc, l'usager découvre par surprise qu'il a été facturé d'un montant relativement important.

Les banques appliquent le montant maximal

Autre point que soulève la proposition de loi: "ces frais sont appliqués indépendamment du montant du découvert et sans justification économique". Peu importe le contexte, la banque ponctionnera le montant fixé. Cette sévérité se constate particulièrement avec les commissions d'intervention.

Pour rappel, c'est une somme débitée du compte lorsqu’une opération est réglée par la banque alors que la provision sur le compte est insuffisante. Il se trouve que ce type de frais est plafonné par la loi: une banque n'a pas le droit de facturer plus de 8 euros pour une opération de ce type.

Une banque pourrait très bien choisir de ne facturer qu'un ou deux euros ses commissions d'intervention. Ce serait même pour elle une manière de se démarquer de la concurrence... Mais non: les banques appliquent très souvent ces plafonds au maximum autorisé.

C'est la même chose pour les rejets de chèques, ou les rejets de prélèvement. Ces opérations sont presque toujours facturées au maximum.

"Les frais d’incidents bancaires ne jouent aucun rôle sur la compétitivité entre établissements: la majorité applique simplement les plafonds fixés, prouvant qu’ils ne sont pas un levier d’attractivité ou de différenciation", regrettent les députés communistes.

Une "rente" de 6,5 milliards pour les banques

Selon eux, ces frais constituent "une rente" pour les banques. D'après une estimation faite par l'Institut national de la consommation en 2022 et relayée à l'époque par Moneyvox, ce "business" des frais d'incident bancaire leur rapporterait 6,5 milliards d'euros par an.

Le groupe communiste dans sa proposition de loi estime donc que "les banques s'enrichissent sur les fragilités économiques de millions de Français". De fait, les plus affectés par ces frais et commissions sont ceux qui se retrouvent plus souvent dans le rouge, à savoir les plus précaires.

Cette proposition de loi propose donc simplement de supprimer la majeure partie d'entre eux. Seuls certains frais pouvant être la conséquence d'une fraude seraient maintenus, "mais considérablement réduits". Un autre article de cette loi prévoit également un plafonnement des frais bancaires courants liés à la gestion normale du compte.

Faute de majorité, cette proposition de loi n'a aucune chance d'être adoptée. Mais elle aura le mérite de mettre la lumière sur le sujet et relancer le débat autour de ces frais qui peuvent mettre à mal le budget.

Arthur Quentin