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Carrefour, McDo, Castorama: Est-ce que ça vaut le coup de télécharger l'application de ces enseignes?

Des applications de plusieurs enseignes commerciales sur un smartphone.

Des applications de plusieurs enseignes commerciales sur un smartphone. - RMC Conso

Les enseignes de la grande distribution comme Carrefour ou Leclerc, mais aussi celles de la mode, du bricolage ou de la restauration incitent de plus en plus leurs clients à télécharger leur application. Une manière pour elles de lui proposer de meilleures promotions pour mieux le fidéliser. Mais vous livrez alors davantage de données.

Les Français sont déjà bien accros aux programmes de fidélité. Vont-ils l'être encore plus avec les applications de leurs enseignes préférées? C'est en tout cas ce qu'espèrent ces dernières, qui depuis plusieurs mois font le maximum pour convaincre leurs clients de télécharger la leur.

Les exemples sont légion, dans la grande distribution d'abord. Leclerc a été la première enseigne à lancer fin 2022 des promotions réservées aux seuls détenteurs de son application. Suivie de près par Intermarché ou Carrefour. Ce dernier qui par exemple en septembre 2023 avait réservé "20% de réduction sur le rayon marée" ou "-90% sur certains produits d'hygiène" aux détenteurs de son app.

5 millions de téléchargements pour Carrefour

Ce modèle on le retrouve dans d'autres secteurs. Celui de la mode notamment: Uniqlo par exemple propose un premier bon d'achat de 10 euros à ceux qui rejoignent son programme fidélité. Et un second à ceux qui, en plus, téléchargent son application. Ou bien du bricolage, avec Leroy-Merlin qui propose dessus des promotions exclusives. Et Castorama qui a complètement dématérialisé son prograppe fidélité en mars 2024.

Cette stratégie semble payer, en particulier pour la grande distribution. Sur l'année 2023, l'application Mon E.Leclerc a été téléchargée 2,1 millions de fois, contre 300.000 en 2022. De quoi porter son nombre total d'utilisateurs à 4,5 millions. Du côté de chez Carrefour, on affirme qu'un membre du programme fidélité sur trois possède l'application. Ce qui représente quasiment 5 millions de téléchargements.

Obtenir un ticket de caisse dématérialisé

Ces enseignes de la grande distribution ainsi que de l'ensemble du commerce ont aussi profité de la fin de l'impression systématique du ticket de caisse. Depuis le 1er août 2023, les consommateurs peuvent plus facilement le recevoir par mail, ou sur une application.

Cette tendance, le maître de conférences en marketing Michaël Flacandji l'a constatée dans la dernière édition du baromètre de la fidélisation client qu'il a réalisée.

"68,5% des participants à cette étude ont déclaré que le fait qu'une enseigne propose le ticket dématérialisé pouvait les inciter à adhérer à son programme fidélité. Et donc à télécharger son application", relève-t-il.

Mais cette fonctionnalité est loin d'être le juge de paix qui va faire qu'un client va définitivement adopter une application. D'autant qu'on ne peut pas avoir toutes les applications des enseignes où l'on fait des achats. Cela prendrait trop de mémoire sur le téléphone. Le consommateur fait des arbitrages, et ce qui le fera garder une appli et continuer de l'ouvrir ce sont les avantages qu'on lui donnera.

"Les applications doivent parvenir à se rendre essentielles pour le client. Il ne faut pas qu'il l'ouvre une seule fois, puis l'abandonne", résume Michaël Flacandji.

Des jeux pour gagner plus de promos

L'expert en marketing constate que beaucoup d'enseignes ont développé ce qu'on appelle la "gamification", ou "ludification". Cela signifie que les marques proposent des jeux permettant d'obtenir encore plus de promotions. On retrouve cela chez Carrefour avec les "Challenges Fid". Ou encore dans la restauration rapide, avec Burger King qui régulièrement met en place une roulette à faire tourner chaque jour pour gagner des produits gratuits ou moins chers.

Michaël Flacandji remarque que les montants offerts par ces biais sont "parfois assez impressionnants". Mais au regard de toutes les données que l'enseigne récupère via l'application, ça n'a pas de prix. En plus de voir ce que vous achetez lors d'un passage en caisse (ce qui était déjà possible avec une simple carte de fidélité physique), l'application permet par exemple de tracer votre activité sur Internet, de vous géolocaliser...

L'intérêt pour le magasin? Avoir une meilleure connaissance de ses clients, leur proposer des réductions sur des produits qu'ils sont plus susceptibles d'acheter. Et de ce fait inciter le consommateur à revenir chez lui plutôt que chez un concurrent, pour gagner des parts de marché. Du pur marketing donc.

Être vigilant à l'usage de ses données personnelles

A priori, tout le monde est gagnant dans l'histoire. Mais pour le consommateur, ces économies à la clé se font au prix de moins de confidentialité. Pour Michaël Flacandji, la balance penche toujours en faveur du client.

"Il y a beaucoup de consommateurs pour qui les données personnelles ne sont même pas un sujet. Je pense qu'ils ont tout à y gagner. Pour l'acheteur, il vaut toujours mieux avoir une promotion personnalisée qui l'intéresse qu'une autre standardisée que ne lui convient pas", estime le maître de conférences.

Mais l'association de consommateurs CLCV appelle tout de même à la vigilance. Il faut faire attention à ce qu'on accepte de communiquer, et à qui.

"Le but avec ces applications c'est d'être le plus intrusif, d'en savoir encore plus sur vous. Le risque est de perdre le contrôle de ces données, qu'elles soient revendues à d'autres sociétés et que vous soyez encore plus démarchés", explique Olivier Gayraud, juriste à la CLCV.

Le marchandage de données est effectivement légal en France, mais réglementé. Notamment par le Règlement général sur la protection des données (RGPD) de l'Union européenne. Une entreprise qui récolte des données doit avoir votre accord formulé explicitement pour pouvoir les revendre. En général lorsque vous rejoignez un programme de fidélité ou téléchargez une application, une case à cocher vous laisse le choix de marchander ou non vos données.

Chacun reste donc maître de sa décision, mais il faut rester vigilant car certaines enseignes ne sont volontairement pas très claires dans leur manière de demander ce consentement.

Les notifications, arme redoutable pour attirer le client

Faire attention à ses données donc, mais aussi à son porte-monnaie. Avec leur application, les enseignes peuvent nous atteindre bien plus facilement pour nous convaincre de dépenser. Via les notifications push notamment. D'après un sondage Ifop pour l'application mobile Captain Wallet, 54 % des Français âgés de 18 à 49 ans estiment que leur comportement d’achat est influencé par ces messages envoyés directement sur le smartphone.

Pour Frank Rosenthal, expert en marketing du commerce, cette arme est particulièrement redoutable.

"Les notifications permettent d'envoyer un message beaucoup plus direct et impactant. Ça n'a rien à voir avec le prospectus qui reste au fond de la boîte aux lettres, ou l'e-mail auquel on prête moins attention", analyse-t-il.

Rester maître de ses dépenses

Ce constat vaut pour la grande distribution bien sûr. Mais dans la mesure où la fréquentation de ces enseignes est naturelle (lorsqu'un frigo est vide, il faut bien le remplir), le risque de surconsommer est moins prégnant. En revanche pour des enseignes de mode, de sport, de bricolage où l'on se rend moins régulièrement, les enjeux sont différents.

"L'objectif est de maintenir un lien en dehors de vos périodes d'achat habituelles. Et de vous faire revenir plus régulièrement", clarifie Frank Rosenthal.

Pour cela, une marque de mode va vous avertir de la sortie d'une nouvelle collection et vous proposer des bons d'achat spéciaux. Une enseigne de restauration rapide doubler vos points de fidélité pour promouvoir un nouveau sandwich. Et un magasin de bricolage ou de meubles détecter un projet d'achat que vous avez à partir de vos recherches sur Internet. Puis vous inciter à aller au bout en vous offrant une remise.

Devant tant d'incitations, le consommateur doit rester maître de ses dépenses. Télécharger l'application d'une enseigne que vous fréquentez peut certes être intéressant économiquement. Mais demandez-vous toujours si la promotion qu'on vous propose répond à un réel besoin. Ou si elle n'est là que pour créer une envie dont vous pourriez vous passer.

Arthur Quentin