Promos, ventes privées... Les cartes de fidélité ont-elles encore un intérêt?

Des clientes dans un magasin de vêtements, le jour de la réouverture des commerces non essentiels, le 28 novembre 2020 à Paris. - Alain JOCARD © 2019 AFP
Près de 90% des Français possèdent au moins trois cartes de fidélité, selon le 15e baromètre de la fidélité, publié en novembre 2024. Mais qu'est-ce qu'un programme de fidélité qui vaut le coup? RMC Conso vous éclaire grâce aux témoignages de plusieurs experts.
"Les programmes de fidélité sont aujourd'hui encore très largement utilisés par les consommateurs. La France a le taux de pénétration le plus élevé en Europe en termes d'utilisateurs des programmes", assure à RMC Conso Michaël Flacandji, maître de conférences en marketing et chargé du baromètre annuel de la fidélité.
Pour autant, "avec toutes les offres promotionnelles qui ont lieu au cours de l'année, en tant que consommateur, vous devez vous demander 'qu'est-ce que ça va m'apporter d'adhérer à un programme de fidélité?'", s'interroge Sandrine Heitz-Spahn, maître de conférences en sciences de gestion et spécialiste des stratégies des entreprises et du comportement des consommateurs auprès de RMC Conso.
La priorité, gagner de l'argent
Selon les deux experts, un programme est avant tout intéressant pour les consommateurs lorsqu'ils en tirent un avantage financier.
"Le bénéfice monétaire est de loin le plus plébiscité", affirme Michaël Flacandji. "Le consommateur cumule des points grâce à ses achats et il a besoin de se sentir valorisé et récompensé pour sa fidélité", ajoute Sandrine Heitz-Spahn.
Les réductions, les bons d'achats et les promotions exclusives sont les avantages les plus appréciés, d'après le baromètre. Les exemples sont multiples. En effet, la majorité des programmes de fidélité proposent des avantages financiers, notamment le système de cagnotte, où un euro dépensé est égal à un point de fidélité.
La spécialiste cite par exemple le magasin Intersport, qui propose "un système de récompense rapide avec des bons à utiliser dès le prochain achat et sans minimum d'achat". Les Galeries Lafayettes ou encore l'enseigne de chaussres Sorel proposent, quant à elles, des ventes privées et des avant-premières à leurs clients.
Une offre de services complémentaire
Un programme de fidélité est d'autant plus intéressant lorsque des services y sont ajoutés et que le consommateur est acteur de son programme.
"La clé de l'engouement du consommateur, c'est un savant dosage entre un bénéfice monétaire et des services proposés", pointe la maître de conférences en sciences de gestion.
C'est le cas de Sephora qui est, à ce jour, le programme le plus abouti, selon Sandrine Heitz-Spahn. Il se caractérise par un système de niveaux selon la fidélité du client et récompense "les meilleurs élèves sur la base du montant dépensé annuellement". Plus le client est fidèle, plus il sera récompensé: cadeau d'anniversaire, session de maquillage offerte, ligne téléphonique gratuite vers le service clients, accès exclusif à des événements, concours etc.
Mais il y a également d'autres clés pour rendre un programme intéressant, comme "la dimension responsable", avance le maître de conférences en marketing. Par exemple, l'enseigne Aigle propose de comptabiliser les points de fidélité avec les achats en magasin, en ligne mais aussi sur les articles de seconde main. "Elle propose à ses clients des invitations à des projets responsables ou encore la possibilité de faire des dons à des associations", détaille Michaël Flacandji.
H&M fait gagner des points de fidélité lorsque les clients déposent des vêtements de seconde main en magasin ou lorsqu'ils amènent leurs propres sacs pour faire leur shopping. De même pour Kiabi, où les consommateurs sont récompensés après l'achat d'un vêtement de seconde vie directement en magasin et peuvent également bénéficier gratuitement du service de retouche pour leurs vêtements. Dans une autre logique, l'enseigne de sport Decathlon "récompense la pratique sportive" de ses clients.
Enfin, "personnaliser au maximum les récompenses du consommateur qui a la posssibilité de les choisir" ou encore "utiliser des procédés ludiques comme les jeux ou les challenges pour avoir des réductions" constituent de nouvelles tendances qui plaisent aux clients, selon Michaël Flacandji.
Et les cartes de fidélité payantes?
De plus en plus de marques proposent des programmes de fidélité payants. Selon le baromètre, près de 95,7% des Français considèrent que la générosité des programmes stagne ou a diminué au cours des trois dernières années. Ainsi, ils sont d'autant plus réticents à payer pour un programme: un consommateur sur deux craint que la carte de fidélité soit payante.
"C'est rejeté par un bon nombre de consommateurs par principe. Les marques, elles, avancent le fait que la somme payée au départ est amortie au bout de quelques achats", explique Michaël Flacandji.
Un avis partagé par Sandrine Heitz-Spahn. "Sauf si c'est la seule modalité pour entrer dans un programme, cela constitue une barrière pour le consommateur. Il faut vraiment que les bénéfices soient à la hauteur des attentes du client, car si la satisfaction n'est pas au rendez-vous, il résiliera plus vite qu'un programme classique", analyse-t-elle.
Quelles limites?
Même s'ils présentent des avantages intéressants, les programmes de fidélité ont aussi quelques limites. Avec le système de cumul des points, "il y a peu d'avantages immédiats mais plus sur le long terme", nuance à RMC Conso Olivier Gayraud, juriste au sein de l'association Consommation, Logement et Cadre de vie (CLCV).
Surtout, le principal problème selon le spécialiste, c'est qu'un programme de fidélité "émousse le pouvoir du consommateur de comparer, l'enferme dans sa carte et ses produits, et il aura ainsi tendance à aller moins regarder ailleurs, alors que c'est peut-être moins cher, explique-t-il. Ce phénomène est accentué quand le programme est payant, car le consommateur va se dire qu'il faut absolument qu'il amortisse."
Autre point de vigilance, selon les trois experts: la gestion des données personnelles des clients. "Les marques collectent les données et créent des profils avec les habitudes de leurs clients. Ces données valent de l'argent et sont souvent vendues à d'autres marques. En tant que consommateur, vous avez des droits et vous pouvez vous opposer à la cession de vos données à des tiers", détaille le juriste de la CLCV. Ainsi, un programme "où il y a juste la création d'un compte client n'a pas d'intérêt sauf pour l'entreprise qui collecte vos données", poursuit Sandrine Heitz-Spahn.
Enfin, les consommateurs se détournent parfois des programmes de fidélité, car "il y en a trop et qu'ils n'arrivent plus à s'y retrouver" ou sont "sursollicités par les informations envoyées par les marques", conclut Michaël Flacandji.