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C'est quoi cet EcoBeautyScore qui va apparaître sur les produits cosmétiques de 70 grandes marques?

L'EcoBeautyScore se présente sous la forme d'une note allant de A à E, comme le Nutri-Score.

L'EcoBeautyScore se présente sous la forme d'une note allant de A à E, comme le Nutri-Score. - EcoBeautyScore

En 2022 des grandes marques de cosmétiques parmi lesquelles L'Oréal, Nivea ou encore Colgate ont créé un consortium pour mettre au point un "Score" évaluant l'impact environnemental de leurs produits. Cet EcoBeautyScore présente toutefois des lacunes.

L'industrie cosmétique a enfin son équivalent du Nutri-Score. En 2022, sous l'impulsion de cinq géants du secteur (L'Oréal, LVMH, Henkel, Unilever et Natura & Co), un consortium à but écologique s'était créé: l'EcoBeautyScore.

Son but? Mettre au point une méthodologie commune et un outil pour mesurer l’impact écologique des produits cosmétiques. L'objectif initial était de les avoir à disposition d'ici fin 2022. Finalement il aura fallu plus de trois longues années pour mettre au point cette notation allant de A à E. Elle ne va se déployer sur les emballages de ces produits qu'à partir de cette année 2025.

Malgré ce retard, le consortium se satisfait de cette avancée. Dont le but est "d'offrir aux consommateurs une plus grande transparence pour faire des choix plus éclairés. Tout en aidant les marques à évaluer et à réduire l'impact environnemental de leurs produits", écrit-il dans un document détaillant sa méthodologie.

Mais cet EcoBeautyScore peut-il être complètement "transparent" dans la mesure où il a été mis au point par les marques elles-mêmes? Sa méthodologie est-elle suffisamment stricte? RMC Conso fait le point.

Comment fonctionne l'EcoBeautyScore ?

Première chose à avoir en tête: cet EcoBeautyScore calcule l'impact environnemental d'un produit, et non sa qualité intrinsèque. En cela, il ne peut pas être tout à fait comparé au Nutri-Score pour l'alimentation, mais plutôt au Planet-Score ou à l'Éco-Score (qui s'appliquent aussi à l'alimentation).

En revanche pour ce qui est de l'apparence de ce nouveau logo, on est sur quelque chose d'assez proche du Nutri-Score. Cinq lettres allant de A (le plus faible impact environnemental) à E (le plus haut impact). Auxquelles sont associées des couleurs: vert foncé, vert clair, jaune clair, jaune foncé et orange.

L'EcoBeautyScore se présente sous la forme d'une note allant de A à E, comme le Nutri-Score.
L'EcoBeautyScore se présente sous la forme d'une note allant de A à E, comme le Nutri-Score. © EcoBeautyScore

Un logo parfaitement lisible de tous donc. Mais encore faut-il bien l'utiliser. L'EcoBeautyScore doit servir à comparer des produits d'une même catégorie. En effet tous les cosmétiques ont été regroupés en 30 différentes sous-catégories. L'EcoBeautyScore doit être comparé avec celui d'un autre shampoing, et non celui par exemple d'un vernis à ongle...

L'EcoBeautyScore a tout juste commencé à apparaître sur les sites Internet de certaines marques (notamment celui de Nivea en France). Mais ce n'est qu'à partir du 19 novembre que les produits pourront commencer à le montrer sur leur emballage. Et ce dans tous les pays de l'Union européenne ainsi que le Royaume-Uni, la Norvège et la Suisse.

Pourquoi a-t-il mis autant de temps à être développé?

Plus de trois ans pour sortir ce logo informationnel, alors que l'ambition initiale était de le mettre au point pour fin 2022, cela peut paraître long. Mais il y a plusieurs raisons à cela. D'abord, l'initiative des cinq industriels à l'origine du consortium a été suivie par beaucoup de marques: plus de 70. "On a été surpris du succès que ça a eu", affirme à RMC Conso la responsable communication du consortium Rebekah Lees.

Coordonner autant d’acteurs, valider les méthodologies de chacun et construire une base de données partagée prend donc naturellement plusieurs années. En outre, évaluer l'impact environnemental est plus long et complexe qu'évaluer la qualité nutritionnelle d'un aliment comme le fait par exemple le Nutri-Score.

Pour déterminer un Nutri-Score, il "suffit" d'analyser un échantillon de 100 grammes du produit. Là, il faut prendre en compte ses ingrédients (origine, extraction, biodégradabilité) son emballage (matériau, recyclabilité), son transport, l’usage que le consommateur en fera, ainsi que la fin de vie du produit.

De telles analyses de cycle de vie ont été menées sur 3.000 produits une fois la méthodologie mise au point. Ce qui prend effectivement du temps. Mais quelle est au juste cette méthodologie?

Peut-il être complètement fiable ?

C'est le point sensible de l'EcoBeautyScore: il s'agit d'une initiative de l'industrie cosmétique elle-même. Il n'est donc pas totalement neutre et indépendant comme l'est le Nutri-Score. En 2023, l'association Slow Cosmétique pointait du doigt ce problème dans un communiqué.

"Il est compréhensible que [l'industrie cosmétique] veuille démontrer que ses produits ne sont pas si dommageables pour l’environnement. Cependant il sera difficile d’être certain qu’aucun parti pris relatif à certains ingrédients pétrochimiques ou plastiques n’aura influencé le développement de l’outil", interrogeait l'association.

Rebekah Lees de l'EcoBeautyScore répond à cela en plusieurs points. D'abord selon elle, il est important que le développement d'un tel score se fasse en concertation avec les marques car ainsi, elles donnent accès à leurs bases de données. Nécessaire selon elle pour faire une évaluation précise.

"Il existe des systèmes de notation qui prétendent mesurer l’impact environnemental. Mais comme ils n'ont pas les informations détaillées des marques, ils ne peuvent faire que des hypothèses sur la formulation du produit et ne sont donc pas en mesure de mesurer efficacement", affirme-t-elle à RMC Conso.

Ensuite, l'EcoBeautyScore dit s'être basé sur la méthodologie de l'empreinte environnementale des produits fixée par la Commission européenne: la Product environmental footprint (PFE), présentée comme une des plus robustes. En outre, le consortium et sa méthode ont été "examinée et vérifiée de manière indépendante par des experts externes en analyse du cycle de vie", affirme encore Rebekah Lees.

Malgré ces affirmations de bonne volonté la cosmétologue Céline Couteau, maîtresse de conférence à l'Université de Nantes, se montre dubitative. Selon elle, les critères de l'Union européenne pour définir quelles sont les substances nocives pour la planète (sur lesquels s'appuie donc l'EcoBeautyScore) ne sont pas les plus stricts.

Elle cite pour illustrer son propos l'exemple des microplastiques. Ces derniers ont été officiellement bannis par un Règlement de l'UE en 2023. Mais cette scientifique avait relevé alors relevé dans un article l'imprécision de ce texte autour de ce qu'était réellement un microplastique. Ce qui laissait en substance la possibilité aux industriels d'en utiliser.

Slow Cosmétique dans son communiqué de 2023 pointait également le fait que des composants comme les silicones ou certains parabens étaient considérés avec bien plus d'indulgence par les autorités que par des associations ou ONG. Ces dernières étant plus militantes.

Les marques ne risquent-elles pas de faire du greenwashing ?

Difficile donc de dire précisément ce que vaut cet EcoBeautyScore: tout dépend du degré d'exigence que l'on a. Mais si l'on part bien du principe qu'il offre plus de transparence, peut-on au moins être sûr que les marques l'utiliseront à bon escient?

Un écueil du Nutri-Score, qui repose sur la base du volontariat, est que certaines marques acceptent de l'afficher lorsqu'il est bon pour eux. Mais refusent lorsqu'il est mauvais et donc pénalisant pour eux. L'EcoBeautyScore ne risque-t-il pas d'être utilisé de la même manière, et servir ainsi comme instrument de greenwashing?

La question se pose d'autant plus que lui aussi repose sur la base du volontariat. Alors même qu'elles ont contribué à le créer, les marques ont le choix d'obtenir ou non une licence pour leurs produits.

Rebekah Lees précise qu'une fois qu'une marque choisit de communiquer ses scores pour une catégorie de produits dans un pays, elle doit le faire sur au moins 75% de celle-ci. Et cela doit faire apparaître, s'il y en a, aussi bien des A et B que des D et E.

Nivea France a donc commencé à l'afficher sur son site pour une bonne partie de ses soins visages. En parcourant le site, RMC Conso n'a néanmoins trouvé que des B... Certaines marques en Europe ont pourtant bien accepté de jouer le jeu: en Allemagne, Neutrogena a une crème de jour affichant sa note D.

La marque allemande de shampoing l'indique même sur toute sa gamme. Même lorsque l'EcoBeautyScore l'affuble d'un mauvais E. Attendons de voir si beaucoup de marque acceptent de jouer à ce point le jeu de la transparence...

Arthur Quentin