Produits de saison, aliments bruts... Comment soutenir l'agriculture française au quotidien

Un étal de fruits et légumes au marché d'Aligre, à Paris, le 22 mars 2022. - Ludovic MARIN © 2019 AFP
Un mouvement largement soutenu. Alors que les professionnels du secteur agricole continuent leur mobilisation pour demander de meilleures conditions de travail et de rémunération, la majorité des Français affirment les soutenir. C’est en tout cas ce que révèle un sondage mené par Odoxa-Backbone Consulting pour Le Figaro, publié le 24 janvier dernier. D'après l’étude, 89% des personnes interrogées, toutes opinions politiques confondues, approuvent cette mobilisation.
Dans certains cas, ce soutien peut prendre la forme d'habitudes de consommation plus locales. Circuit court, maraîchage, vente à la ferme… Ces alternatives à la grande distribution permettent bien entendu de soutenir l’agriculture et les producteurs locaux. Mais “elles ne peuvent être les seules”, selon les principaux concernés.
RMC Conso a interrogé Laëtitia Plumat, céréalière, membre du comité directeur de la Coordination rurale et Bruno Cardot, agriculteur céréalier, élu de la Fédération Nationale des Syndicats d'Exploitants Agricoles (FNSEA) à Saint-Quentin, dans l'Aisne, sur les façons concrètes de les soutenir au quotidien.
Les circuits alternatifs ne sont pas "la solution"
"Le bio, les circuits courts, le maraîchage, la vente à la ferme... Ce sont bien évidemment des façons de consommer qu'il faut préserver et développer. C'est une solution, mais ça n'est pas la solution", pose d'emblée Bruno Cardot.
En effet, consommer plus local permet sans aucun doute de soutenir les agriculteurs et les producteurs autour de chez vous, mais cela n'a pas vraiment d'impact sur "le gros des achats", explique le céréalier.
Même son de cloche du côté de Laëtitia Plumat: "Ce sont de très bonnes initiatives, qui ne peuvent malheureusement être les seules." Pour cause, malgré toute la bonne volonté des consommateurs, aucune amélioration à l'échelle nationale ne pourra être constatée sans efforts de la part des acteurs du secteur agro-alimentaire.
"Pour obtenir une réelle amélioration, la grande distribution doit prioriser le local et arrêter d'importer des produits que nous avons sur le sol national", affirme la céréalière.
Les consommateurs peuvent toutefois adapter leurs achats en fonction des importations. "Ils peuvent tout à fait essayer de se détourner des produits importés", avance Bruno Cardot.
"Le consommateur doit privilégier les produits bruts"
Plus un produit est transformé, plus il y a de chance qu'il soit fabriqué à partir de produits importés. C'est en tout cas ce qu'avancent les deux spécialistes. D'une même voix, ils conseillent aux consommateurs de se détourner des aliments transformés.
"Certains produits affichent une origine France parce qu’ils sont assemblés ici, mais la réalité est que les matières premières viennent souvent de l'étranger", explique l'élu FNSEA.
"Le consommateur doit privilégier les produits bruts et se détourner de l'ultra-transformé", abonde à son tour Laëtitia Plumat. La traçabilité de ce type d'aliments est quant à elle particulièrement complexe.
Considérer la saisonnalité des fruits et légumes
"A-t-on vraiment besoin de tomates toute l'année?", interroge Bruno Cardot avant d'inviter les Français à reconsidérer la saisonnalité des aliments.
En effet, les habitudes alimentaires des Français, biberonnés à "avoir tout et tout de suite", les poussent parfois à consommer des fruits et légumes hors saison importés de l'étranger.
"Prendre en compte la saisonnalité est impératif pour nous soutenir. Il faut qu'aucun fruit et légume ne soit sur les étals hors saison, si ce n'est pour les variétés exotiques", insiste Laëtitia Plumat.
Pour respecter la saisonnalité des aliments, il est également essentiel de questionner son rapport aux applications comme Uber Eats. "Aujourd’hui le snacking explose, la jeune génération a l’habitude d’avoir de la nourriture qui arrive en 5 minutes, sans avoir à se poser la question de l'origine, ni de la fabrication", regrette l'élu FNSEA de Saint-Quentin.
"Est-ce qu'on continue à sacrifier son budget caddie?"
Alors que les Français continuent de subir l'inflation alimentaire, estimée à 11.9% en 2023, selon l'association Familles rurales, Bruno Cardot pointe du doigt l'envie qu'ont certains ménages de toujours rogner sur le budget dédié à l'alimentation.
"Environ 15% du budget familial mensuel est dédié aux courses et j'ai la nette impression que les Français voudront toujours faire moins", avance-t-il.
Certains consommateurs, notamment "ceux qui n'arrivent pas à remplir leur caddie" se tournent vers les produits les moins chers, voire "premier prix", qui sont généralement importés.
"Est-ce qu'on continue à sacrifier son budget caddie?", interroge l'agriculteur, qui pointe du doigt "une mauvaise spirale". Il espère toutefois que les produits français deviendront plus accessibles durant les prochaines années. "Mais pour cela, il faut impérativement que la ferme française devienne compétitive", conclut-il.