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Shein: c'est quoi les "dark patterns" sur les sites de e-commerce et comment les contourner?

Le logo de la plateforme de fast-fashion Shein affiché sur un smartphone, avec la page du site Web de l'entreprise en arrière-plan, le 6 décembre 2024 à Bangkok, en Thaïlande (photo d'illustration).

Le logo de la plateforme de fast-fashion Shein affiché sur un smartphone, avec la page du site Web de l'entreprise en arrière-plan, le 6 décembre 2024 à Bangkok, en Thaïlande (photo d'illustration). - MANAN VATSYAYANA / AFP

Elles sont présentes sur la quasi totalité des sites internet: les mentions trompeuses, stratégie marketing qui utilise la psychologie pour pousser les consommateurs à acheter, ne sont pas toujours faciles à repérer.

"Plus que deux heures et sept minutes avant la fin de l'offre", "plus que deux en stock", "remise exceptionnelle, rien que pour vous"... Si vous faites des achats en ligne, vous avez forcément déjà vu ce type de mentions.

Ces appâts commerciaux, aussi connus sous l'appellation anglophone de "dark patterns", se présentent sous diverses formes: une option cachée par une plus petite police d'écriture, une case cochée par défaut, une promotion en rouge et en majuscules pour attirer le regard, un prix barré, etc.

Dans un communiqué publié le jeudi 5 juin, l'association UFC-Que Choisir, en coordination avec 24 autres organisations de consommateurs dans 21 pays et le Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC), alerte la Commission européenne et la DGCCRF, Direction générale de la concurrence, la consommation et la répression des fraudes, sur ces pratiques utilisées par Shein, le géant chinois de la fast fashion.

Les associations reprochent à Shein, notamment, les notifications quotidiennes envoyées aux clients via l'application mobile, "souvent rédigées sur un ton alarmiste, créant une impression artificielle d’urgence à acheter", indique l'UFC-Que Choisir, qui en a compté 12 sur une seule journée.

Shein est loin d'être le seul à utiliser les dark patterns comme technique de vente. Problématique parce qu'elle brouille le libre-arbitre des consommateurs en exploitant des biais cognitifs pour les contraindre à l'achat, elle est présente sur 97% des sites internet selon une étude de la Commission européenne. RMC Conso vous donne quelques conseils pour les repérer et les éviter, à travers trois exemples.

Compte à rebours

"Plus que 22 minutes et 7 secondes avant la fin de l'offre", lit-on par exemple sur le site d'ameublement menzzo.fr, qui propose une réduction de -16% sur tout le site.

Le site d'ameublement menzzo.fr, jeudi 31 octobre à 23h40
Le site d'ameublement menzzo.fr, jeudi 31 octobre à 23h40 © Capture d'écran

Les comptes à rebours font partie des "dark patterns" les plus utilisés par les sites de e-commerce pour susciter chez le consommateur un sentiment d'urgence et le presser à acheter dans un délai court.

Bien que cette stratégie commerciale soit parfois utilisée pour proposer une réduction véritablement limitée dans le temps, il peut aussi s'agir d'une mention parfaitement trompeuse. Pour le savoir, une seule solution: attendre.

C'est ce que nous avons fait pour cet exemple. Le lendemain matin, le compte à rebours n'avait pas disparu: il affichait une offre encore valable pendant "3 jours, 9 heures, 48 minutes et 44 secondes", avec cette fois une réduction de -18% sur tout le site.

Ce compte à rebours est donc trompeur, présent uniquement pour nous faire croire que l'offre disparaîtra si on ne passe pas rapidement à la caisse. Chaque jour ou presque, le site met en ligne une nouvelle offre promotionnelle, avec des variantes: une réduction en %, un bon d'achat dès une certaine somme dépensée sur le site...

Fausses promotions

Dans ce cas précis, le compte à rebours dissimule ce qui peut être assimilé à une fausse promotion, que l'on retrouve aussi fréquemment sous une autre forme: celle du prix barré.

Un prix barré peut cacher une fausse promotion lorsqu'il correspond non pas à l'ancien prix du produit mais à un "prix de référence" ou un "prix conseillé par le fournisseur". Une pratique déjà dénoncée par l'UFC-Que Choisir en 2023. Dans ces cas-là, l'information est écrite en tout petit, sous le prix, ou apparaît lorsqu'on passe la souris sur un "i" ou un "?" entouré. Il faut alors être tout simplement vigilant pour ne pas se faire avoir.

Mais lorsqu'il n'y a aucune précision, comment savoir si une promotion est bien réelle? Un outil gratuit et accessible à tous permet de retrouver les archives d'un site internet et ainsi, dans le cas du commerce en ligne, de voir à quel prix un produit était vendu par le passé. Il s'agit de WayBackMachine. Par exemple, un matelas affiché en promotion à 539 euros au lieu de 979 euros, vendu sur le site d'ameublement camif.fr.

Matelas vendu sur le site d'ameublement camif.fr
Matelas vendu sur le site d'ameublement camif.fr © Capture d'écran

WayBackMachine nous permet de retrouver la page web de ce matelas à six dates différentes, entre 2023 et 2024. On découvre qu'à ces six dates, réparties sur plusieurs mois de l'année, dans des périodes de soldes et hors périodes de soldes, le matelas était systématiquement en promotion (entre -35% et -45%). Il semble donc que le prix barré de 979 euros soit très peu appliqué et ne soit donc pas le prix réel du produit.

"Plus que 2 en stock"

Autre exemple: le stock limité. Une stratégie qui vise là aussi à accélérer les décisions d'achat des consommateurs. L'information est difficile à vérifier: il est impossible pour le consommateur de connaître les stocks d'un commerçant. S'il s'agit d'un revendeur, vous pouvez néanmoins chercher si le produit est vendu ailleurs sur internet.

S'il s'agit d'une plateforme d'hébergement qui vous alerte qu'il ne reste "qu'un seul hébergement disponible", n'hésitez pas à appeler l'hôtelier directement: il confirmera ou infirmera l'information. RMC Conso a fait le test avec un hôtel de Saint-Malo, qui nous a confirmé qu'à nos dates, il restait plusieurs chambres disponibles, contrairement à ce qu'indiquait le site de réservations Booking.com.

Le même procédé existe sur les sites internet des transporteurs, ferroviaires ou aériens... Le piège est d'autant plus difficile à contourner que le consommateur craint de voir réellement les places lui passer sous le nez s'il ne réserve pas rapidement son siège.

Ces mentions trompeuses sont interdites sur les places de marché depuis février 2024 et l'entrée en vigueur du règlement européen sur les services numériques. Mais son application semble compliquée, les "dark patterns" faisant référence à des mentions nombreuses et variées, et internet étant un secteur difficile à réguler.

En octobre 2024, une enquête contre Temu, le site de vente en ligne chinois, avait été ouverte par la Commission européenne. Cette enquête cible à la fois la vente de produits illégaux et l'utilisation de ces mentions trompeuses. Cette nouvelle alerte contre Shein poussera peut-être les autorités à plus de sévérité.

Charlotte Méritan