Vernis semi-permanents, gels, classiques: quels sont les risques réels pour votre santé?

Une main manucurée dont le vernis semi-permanent sèche sous une lampe à UV (photo d'illustration). - Pexels
Aspect brillant, tenue de longue durée... C'est probablement pour ces raisons que vous optez régulièrement pour du vernis semi-permanent sur vos ongles.
Dans la plupart de ces vernis, il y a une substance appelée sous le nom barbare "d'oxyde de diphényl triméthylbenzoyl phosphine" ou TPO, qui leur permet de durcir et de sécher rapidement une fois placé sous une lampe UV ou LED.
En mai dernier, un règlement de l'Union européenne ("Omibus VII") l'a classée comme "substance CMR": cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction, comme le rappelle le site Service-public dans une page dédiée.
Jusque-là, elle était autorisée uniquement pour un usage professionnel, notamment dans certaines préparations pour ongles artificiels à une concentration maximale de 5%.
Mais depuis le 1er septembre, cette substance est interdite d’usage pour les professionnels exerçant en institut tout comme les particuliers à domicile, et dans tous les pays de l’Union européenne.
Après cette interdiction, de nombreux débats ont émergé, certains minimisant les risques des vernis semi-permanents sur la santé. Mais alors, quels sont les risques réels de ces produits? RMC Conso a posé la question à deux spécialistes.
Des risques d'allergies
"Il y a pas mal de risques", nous affirme de but en blanc Isabelle Gallay, dermatologue esthétique-lasers et vice-présidente du syndicat national de dermatologie vénérologie (SNDV).
Le premier risque lié à l'application de vernis semi-permanents, c'est l'affaiblissement de l'ongle. L’utilisation répétée de ces produits peut rendre vos ongles cassants, mous ou striés. Ils peuvent se dédoubler ou encore se déformer avec le temps.
Ensuite, l'autre principal problème, c'est l'exposition de vos ongles à des substances chimiques, dont les vernis semi-permanents sont remplis.
Parmi eux, il y a, par exemple, le formaldéhyde qui est classifié de cancérigène avéré, le toluène qui est toxique pour le système nerveux ou encore les phtalates, des perturbateurs endocriniens.
Comme ce sont des substances chimiques qui modifient le fonctionnement des hormones, "il y a une contre-indication des produits qui en contiennent aux enfants de moins de 12 ans et aux femmes enceintes", pointe-t-elle.
"L'ongle est une lame inerte kératinisée, donc le produit ne peut pas pénétrer à travers. Par contre, si c'est mal fait en institut ou que vous n'avez pas l'habitude de le faire chez vous, le vernis peut déborder sur votre peau ou vos cuticules. Et dans ce cas, il y peut y avoir des phénomènes de sensibilisation et des allergies", explique à RMC Conso Laurence Coiffard, enseignante chercheuse en formulation cosmétique à l'Université de Nantes.
Effectivement, les vernis semi-permanents contiennent des acrylates, qui sont des allergènes puissants car extrêmement sensibilisants.
Si vous faites une réaction allergique, la pulpe de vos doigts peut devenir irritée, avec des douleurs et des démangeaisons, indique dans un article l'UFC-Que Choisir.
"Les acrylates peuvent aussi provoquer de l’eczéma de contact et à distance au niveau des paupières", ajoute la dermatologue Charlotte Pernet auprès de Midi Libre.
Vieillissements et cancers de la peau
La différence entre un vernis classique et un vernis semi-permanent, c'est que ce dernier est fixé à l'aide d'une lampe, souvent UV, ou LED.
Et cela représente un autre risque, qui s'ajoute à ceux impliqués à cause des substances chimiques contenues dans les produits.
Isabelle Gallay est formelle: "il y a un risque de vieillissement prématuré de la peau des mains". Et donc, en conséquence, "un risque de cancer de la peau par rapport à cette exposition", poursuit Laurence Coiffard.
Et pour cause, comme le précisait déjà l'Académie de médecine en 2023, "ces lampes émettent des rayons UV de type A (UVA) qui pénètrent profondément dans la peau".
Même s'il est "rare de développer des mélanomes ou des carcinomes", des tumeurs de la peau, d'après la dermatologue Isabelle Gallay, cela existe et il y a des facteurs aggravants.
"Les cas de carcinomes cutanés sont apparus après des manucures répétées (5 à 6 fois par an), durant plusieurs années, chez des personnes ayant débuté jeune (vers l’âge de 20 ans)", souligne la dermatologue Charlotte Pernet.
"L’effet cumulatif des expositions aux UVA représente le risque majeur", renchérit la professeur de dermato-cancérologie Brigitte Dréno, citée par Midi Libre.
Une dépose aussi dangereuse
Et ce n'est pas tout. L'étape de la dépose du vernis semi-permanent est également risquée.
"Le ponçage ou encore le polissage sont de mauvaises méthodes, car il peut y avoir des éclats dans les voies respiratoires", alerte l'enseignante chercheuse en formulation cosmétique, qui précise que c'est la "même problématique avec la colle sur les faux ongles".
Avec "le polissage, le limage, le retrait traumatique", l’ongle peut devenir "cassant, strié, poreux, déshydraté et donc plus sensible aux infections bactériennes et mycosiques", poursuit Charlotte Pernet.
Mais il y a d'autres conséquences, souvent négligées, d'après Laurence Coiffard:
"Si les vernis sont vendus en si petits volumes, c'est parce qu'il s'agit de mélanges inflammables et explosifs. Ils peuvent être dangereux en cas d'étincelle, surtout dans les usines et les supermarchés. Le risque est plus limité chez les esthéticiennes."
De plus, cela reste des "polluants qui vont, un jour ou l'autre, se retrouver dans la nature et dans les océans", alerte-t-elle.
Vernis classique, sans TPO...
Mais alors, comment limiter ces risques? Il existe plusieurs astuces. D'abord, la solution la plus évidente est d'éviter d'utiliser des vernis semi-permanents et de privilégier des vernis classiques.
"Même si ce sont des produits toxiques, vous pouvez utiliser un vernis classique de qualité et vous aurez une tout aussi bonne tenue", assure Laurence Coiffard.
N'hésitez pas également à regarder la liste des ingrédients. C'est peut-être déjà un réflexe pour certains d'entre vous au supermarché, essayez de faire de même avec les vernis.
Dans ce cas, privilégiez des vernis sans TPO ("TPO-Free"), des vernis avec d'autres substances alternatives comme le TPO-L qui, lui, n'est pas classé CMR, ou encore des vernis biosourcés, fabriqués à partir d’ingrédients d’origine végétale. Ceux-ci durent, néanmoins, une dizaine de jours.
Autre conseil: dès que vous allez en institut, "il faut vous renseigner systématiquement sur les produits utilisés auprès des esthéticiennes, insiste la dermatologue Isabelle Gallay. Et soyez vigilants sur l'hygiène des instruments pour éviter tout développement de bactéries."
"C'est raisonnable de laisser un certain délai"
Si vous êtes vraiment attaché au verni semi-permanent, "il faut quand même éviter d'en mettre trop souvent, ajoute-t-elle. Et notamment l'été, à cause des UV. Vous pouvez par exemple essayer de faire vos manucures uniquement lorsqu'il y un évènement ou une occasion particulière", recommande la dermatologue.
"Il n'y a pas de recommandation de santé précise en terme de fréquence. Certes, c'est une idée reçue de dire qu'on va laisser son ongle 'respirer'. Mais c'est raisonnable et judicieux de laisser un certain délai, car il n'y a pas d'étude à ce sujet. Principe de précaution", poursuit l'enseignante chercheuse en formulation cosmétique.
Certains professionnels conseillent une application trois fois par an, avec des pauses d'au moins deux mois entre deux applications.
"Avant une séance, n'oubliez pas aussi de mettre de la crème solaire qui protège contre les UVA. Et si vous en avez la possibilité, d'enfiler des gants anti-UV pendant la manucure", indique Isabelle Gallay.
N'hésitez pas aussi à tout simplement "écouter vos ongles". Si vous avez des douleurs sous la lampe, des ongles jaunis, cassants, qui se dédoublent ou tous autres signes anormaux, reportez votre séance.
Enfin, pour ce qui est de la dépose, "préférez un retrait doux par un professionnel ou utilisez des dissolvants spécifiques", conclut Laurence Coiffard.