Les cartes de fidélité font leur apparition en pharmacie: comment ça marche?

Une pharmacie à Bordeaux, le 5 avril 2024. - Philippe LOPEZ © 2019 AFP
Alors que près de 54% des pharmaciens proposent des programmes de fidélité, selon une étude menée par l'Observatoire Pharma, ces dispositifs divisent. En janvier 2020, le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP) a même prononcé une interdiction d'exercer à l'encontre d'un pharmacien dont l'officine se situe au Lamentin, en Martinique, comme le rapportent nos confrères de l'UFC-Que Choisir.
Une plainte avait été déposée par une de ses consœurs en raison du programme de fidélisation proposé par ce dernier. Mais le Conseil d'État, plus haute juridiction de l'ordre administratif, a annulé cette décision le 5 avril dernier. Concrètement, à quelles règles sont soumises ces cartes de fidélité? RMC Conso fait le point.
Un programme de fidélisation sur un réseau
L’article R. 5125-28 du Code de la santé publique interdit aux pharmaciens d’avoir recours à un programme de fidélisation de la clientèle procurant des avantages valables uniquement dans leur officine. Toutefois, rien ne les empêche de proposer des cartes de fidélité valables sur un groupement de pharmacies.
"En tout, il existe plus de 180 groupements. Cela comprend aussi bien les réseaux nationaux que régionaux, ainsi que des réseaux informels qui, eux, ne peuvent pas proposer de cartes", détaille Antoine Laurent, président de Pharmed’Insight, réseau d’enquêtes en pharmacie.
"Notre code de déontologie ne nous permet pas de solliciter la clientèle. Le patient doit avoir le libre choix du professionnel auprès duquel il se rend. Mais les pharmacies qui appartiennent à des groupements d'officines peuvent proposer des cartes, à condition qu'elles soient valables sur l'ensemble du réseau", nous confirme Bruno Maleine.
C'est par ailleurs sur cette base que s'est appuyé le Conseil d'État pour invalider la décision de l'Ordre des pharmaciens. En effet, l'officine visée par la plainte proposait un programme valable sur tout un réseau. "Mais dans le détail, cette pharmacie était la seule de l'île à appartenir au groupement en question", détaille Bruno Maleine.
La diffusion de cartes des fidélités éditées par les laboratoires ou les fournisseurs, dès lors qu'elle n'est pas liée à une officine précise, est également possible et légale.
Uniquement sur le rayon parapharmacie
Le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens encadre les produits sur lesquels les programmes de fidélité peuvent être appliqués. En effet, ces derniers se limitent aux produits de parapharmacie, aux articles cosmétiques, ainsi qu'aux compléments alimentaires. Les médicaments en sont exclus.
"Il n'est pas possible d'avoir une offre comme une boîte de médicaments offerte pour 2 achetées, par exemple. Quel que soit le cas de figure et le groupement, les médicaments ne sont pas concernés par les cartes de fidélité", insiste le président du conseil.
"Pour moi, le pharmacien n'est pas un commerçant"
Ces programmes de fidélisation s'inscrivent dans un contexte où de nombreuses "mégapharmacies" poussent un peu partout à travers le territoire. Des surfaces qui "tournent comme des supermarchés", analyse un article de Capital. Elles en adoptent par ailleurs les mêmes codes, comme la mise en place de ces cartes de fidélité et de promotions régulières.
"Proposer une carte de fidélité en pharmacie, c’est s’éloigner dangereusement du métier de pharmacien", alerte Laurence Coiffard, professeure à la faculté de Pharmacie de Nantes et membre de l'Académie Nationale de Pharmacie.
Elle pointe aussi du doigt de "très grosses pharmacies" qui proposent une large gamme de produits de parapharmacie, au point de "ressembler à des chaînes de parfumerie".
"Pour moi, les articles de parapharmacie proposés par les officines doivent se limiter à quelques gammes pour pallier la déshydratation ou des crèmes solaires", avance-t-elle.
Selon la membre de l'Académie Nationale de Pharmacie, les promotions proposées par certaines officines sur les produits de parapharmacie créent également la confusion autour du métier. "Pour moi, un pharmacien n'est pas un commerçant", conclut-elle.