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2 millions de Français refusent encore Linky: faut-il vraiment se méfier du compteur connecté?

Un compteur Linky.

Un compteur Linky. - Damien Meyer-AFP

Depuis son déploiement en 2015, le compteur connecté Linky fait débat. Et si, aujourd'hui, 95% des foyers en sont équipés, 2,1 millions de personnes continuent de s'y opposer. Au risque de devoir payer plus cher leurs factures d'électricité.

Un boîtier vert fluo présent dans 95% des foyers. Linky, le compteur électrique connecté, achève petit à petit son déploiement commencé en 2015.

Mais plus de 2 millions de réfractaires continuent de refuser son installation. Ils vont donc devoir payer un supplément sur leurs factures d'énergie à partir du mois d'août. Malgré ces incitations à l'installation, et une récente décision de justice caractérisant l'obligation du compteur Linky, ses opposants campent sur leurs positions.

Peur des ondes, risque d'incendie, surfacturation, protection des données... Leurs arguments sont nombreux. Mais sont-ils valables? RMC Conso démêle le vrai du faux.

Jusqu'à 63,72 euros de surcoût

La Commission de régulation de l'énergie, autorité administrative indépendante chargée du bon fonctionnement du marché de l'énergie, l'a annoncé le 20 mars dernier dans un communiqué: à compter du 1er août 2025, les 2,1 millions de personnes qui refusent encore le compteur Linky devront payer un supplément.

Une mesure qui s'intègre dans les tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE), en vigueur entre 2025 et 2028. Ceux qui possèdent un ancien compteur payeront donc 6,48 euros de plus tous les deux mois, soit 38,88 euros par an.

Par ailleurs, ceux qui ne communiquent pas leur index spontanément ou ne prennent pas de rendez-vous de relève devront s'acquitter de 4,14 euros de plus tous les deux mois, soit 24,84 euros de plus par an. Au total, les anti-Linky risquent donc un surcoût de 63,72 euros.

Jusqu'ici, le fait de communiquer spontanément son index permettait d'éviter tout supplément à payer. Mais la Commission justifie la mise en place de cette "taxe" par les coûts engendrés par les anciens compteurs. En effet, Linky permet une relève et un dépannage à distance, tandis que les anciens compteurs nécessitent le déplacement d'un technicien.

Linky obligatoire?

L'un des arguments avancés par les anti-Linky pour refuser l'installation est que, selon eux, le compteur n'est pas obligatoire.

"Aucun texte de loi n'impose le Linky. Il y a une directive européenne mais elle n'est qu'indicative, elle n'impose rien," affirme à ce sujet Stéphane Lhomme, l'une des figures du mouvement anti-Linky, contacté par RMC Conso.

Il est vrai qu'un certain flou juridique entourait jusque récemment l'obligation ou non d'accepter l'installation du compteur Linky. La directive européenne 2009/72/CE du 13 juillet 2009, évoquée par Stéphane Lhomme, incite les États membres à mettre en place un système de comptage connecté et fixe des objectifs aux États. Celle-ci a ensuite été transcrite dans le droit français.

Mais l'interprétation du texte par les tribunaux n'est pas toujours la même. En 2020, la Cour d'appel de Bordeaux avait estimé que Linky n'était pas obligatoire, indiquant que "contrairement à ce qu’affirme la société Enedis, aucun texte légal ou réglementaire, européen ou national n’impose à Enedis (…) d’installer au domicile des particuliers des compteurs Linky".

Néanmoins, une décision d'avril 2025 de la Cour de cassation change la donne. Selon elle, les usagers ne peuvent pas s'opposer à l'installation d'un compteur Linky. Une décision qui devrait faire jurisprudence...

Si les techniciens d'Enedis peuvent installer Linky librement lorsque le compteur est à l'extérieur de l'habitation, ils ne peuvent toutefois pas "forcer la porte" lorsque le compteur est à l'intérieur. D'où la difficulté de généraliser cette installation à l'insu des réfractaires, et la mise en place des frais supplémentaires en guise d'incitation.

L'insistance de certains installateurs est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles Linky a suscité autant de méfiance. En atteste le témoignage de Noël Blin, au micro de BFMTV, il y a quelques jours: "Je me suis dit qu'il ne fallait pas que je le prenne, parce que j'avais trop de pression pour l'avoir," indique-t-il.

La peur des ondes électromagnétiques

Mais ce n'est pas la seule. Les arguments des anti-Linky sont nombreux. Le premier évoqué par Stéphane Lhomme est la crainte des ondes électromagnétiques.

"Les compteurs respectent peut-être la limite légale, mais qu'est-ce que ça va donner sur la durée? Il peut y avoir des contaminations," assure-t-il.

Pourtant, plusieurs études de l'Anses, l'Agence nationale de sécurité sanitaire, à ce sujet sont rassurantes.

"L’Agence confirme la faible probabilité que l’exposition aux champs électromagnétiques émis par les compteurs Linky engendre des effets sanitaires à court ou long terme," écrit-elle sur son site internet, rapport d'évaluation de plus de 100 pages à l'appui.

Elle ajoute que les niveaux d'exposition sont "comparables à ceux émis par les dispositifs électriques ou électroniques domestiques comme les chargeurs d’appareils multimédia ou encore les plaques à induction".

Par ailleurs, l'Organisation mondiale de la santé a analysé plus de 5.000 études sur le sujet des émissions radio des technologies sans fil et conclu en septembre 2024 que l'exposition à ces émissions est sans danger pour la santé humaine.

Si l'Anses reconnaît l'existence de l'électrohypersensibilité, c'est-à-dire des symptômes liés à l'exposition aux ondes, la maladie reste extrêmement rare et sans preuve expérimentale solide permettant d'établir un lien de causalité entre les symptômes décrits et les ondes. Un principe de précaution prévaut toutefois, plusieurs personnes ont d'ailleurs réussi, grâce à cela, à imposer par voie judiciaire le retrait de leur compteur Linky.

Sachez que, si vous craignez une surexposition aux ondes électromagnétiques, vous pouvez solliciter gratuitement l'Agence nationale des fréquences (ANFR) pour la réalisation d'une mesure.

Risque en termes de protection des données?

Un autre argument évoqué par les anti-Linky est la crainte que le compteur puisse nous "espionner".

"Les données enregistrées permettent de savoir si vous êtes chez vous... Cet appareil est une atteinte aux libertés et peut servir des projets totalitaires. Nous qui le refusons, on est protégé de ça," déclare Stéphane Lhomme.

Pourtant, la CNIL, Commission nationale de l'informatique et des libertés, encadre strictement la récolte des données. Ces dernières sont sécurisées, et ne sont pas transmises à France Travail, comme le prétendait une rumeur.

D'ailleurs, les données les plus "sensibles", c'est-à-dire celles qui permettent de savoir, demi-heure par demi-heure, quelle est la consommation d'électricité du foyer (et donc de savoir si les gens sont chez eux), sont soumises au consentement: il est possible de refuser l'enregistrement de ces données, et de les supprimer.

Mais ces dernières ont l'avantage d'informer les usagers sur leur consommation d'électricité dans la journée, pour leur permettre d'adapter cette consommation dans le but de faire des économies. Elles sont notamment très utiles pour les personnes ayant souscrit un contrat d'électricité "heures pleines/heures creuses".

Parmi les autres raisons des réfractaires du Linky, on trouve la crainte du risque d'incendie, à laquelle Enedis a répondu que les rares cas relevés étaient dus à une mauvaise installation du compteur et non au compteur lui-même. Enfin, les surfacturations observées par certains consommateurs sont, toujours selon Enedis, liées à la défectuosité des anciens compteurs ou bien, là encore, à une mauvaise installation.

Malgré ces réponses, les "anti" n'en démordent pas et préfèrent payer le surcoût plutôt que renoncer: "On trouve les 38 euros supplémentaires à payer injustes, mais c'est toujours moins que les hausses de factures constastées après l'installation," conclut Stéphane Lhomme.

Charlotte Méritan