Vers une hausse mécanique du prix du gaz l’année prochaine

L’équation est simple, mais elle donne des sueurs froides à Emmanuelle Wargon, la présidente de la Commission de régulation de l’énergie (CRE): comment continuer à financer l’entretien du réseau de transport et de distribution de gaz alors que le nombre de consommateurs a chuté de 9% en deux ans?
C’est l’épineuse question sur laquelle la Commission a demandé aux professionnels du secteur de plancher. La consultation vient de s’achever, mais la Commission a proposé une hausse significative du tarif dédié à l’entretien du réseau dès juillet prochain: +30%, après quatre années de quasi stabilité. La décision sera officialisée d'ici la fin de l'année.
57 euros en plus
Ce coût représente environ un tiers de la facture finale, qui augmentera in fine de 6,3% pour le chauffage et de 11,3% pour l’eau chaude, avance la CRE. Soit un impact de 57 euros annuels pour un consommateur moyen chauffé au gaz, selon les calculs du comparateur de fournisseurs d’énergie Selectra.
“Un effort excessif demandé aux consommateurs”, dénonce François Carlier, délégué général de la CLCV.
L’association de consommateurs demande au gestionnaire du réseau (GRDF) de “davantage s’engager en termes de gains de productivités. Par exemple, les plans de renouvellement de canalisation doivent être revus pour tenir compte de la baisse de la consommation”.
La CRE estime que seuls 3 à 5% des 200.000 km de canalisations pourraient être supprimées. Elle demande donc à GRDF de réduire les charges au maximum en se concentrant sur les investissements nécessaires.
Le risque d’un effet ciseaux
Plus inquiétant: cette hausse en appelle forcément d’autres. En France, le tiers des maisons et la moitié des appartements et bureaux se chauffent au gaz. Mais à cause de l’électrification des usages dans le cadre de la transition énergétique, la CRE estime la fuite de clients à 150.000 par an sur les prochaines années et la consommation de la France en gaz doit être divisée par deux, voire par quatre, d’ici 2050.
Les clients seront donc moins nombreux à supporter ces coûts de réseau, estimés à environ 1,8 milliard d’euros par an. C’est l’effet ciseaux, qui risque de se transformer en spirale négative: plus le tarif augmentera, plus les clients abandonneront le gaz, faisant encore augmenter le tarif pour ceux qui restent. Selon l’économiste Anna Créti, cette question de fond n’est pas assez abordée.
“Les canalisations de gaz sont publiques et leur moindre utilisation découle de la transition énergétique, qui est un choix politique. Leur coût devrait donc être supporter par l’ensemble de la société. Mais il faut beaucoup de courage pour se l’avouer”.
Une analyse partagée par l’UFC-Que Choisir: "Beaucoup de clients n’ont pas d’autres choix que de se chauffer au gaz, par exemple ceux qui vivent dans les appartements en copropriété", explique Antoine Autier, responsable du département des études au sein de l'association de consommateurs.
“On ne peut pas leur demander de supporter seuls des coûts fixes qui vont mécaniquement flamber. C’est à l’État d’agir”.
Cette hausse à venir vient en tout cas alourdir une facture déjà copieuse: le tarif de vente du gaz, qui n’est plus réglementé depuis cet été, a augmenté de 15% cette année.
Pas de quoi pour autant jeter la chaudière à gaz avec l’eau du bain. “Malgré ces augmentations, le prix du kWh de gaz reste bien moins cher que celui de l’électricité, qui a pris 30% en deux ans”, rappelle Xavier Pinon, le co-fondateur du comparateur de fournisseurs d’énergie Selectra.