Peut-on se fier à l'"Éco-score" affiché par But sur certains de ses meubles?

Une note de A à D pour juger l'impact environnemental d'un meuble. À la manière du Nutri-Score pour les aliments, l'enseigne d'ameublement But annonce déployer son Éco-Score.
Cette notation, qui reprend également le code couleurs de son cousin de l'alimentation, "est déjà appliquée sur 5000 produits, sur un total de 15 à 20.000 références," indique à RMC Conso Étienne Bodin, responsable RSE (responsabilité sociale des entreprises) de But.

La note de A est donc décernée aux meubles les plus éco-conçus, tandis que la note de D est attribuée aux plus mauvais élèves.
Pour établir ces scores, BUT prend en compte une série de critères, pour lesquels des points sont accordés. L'addition des totaux permet de noter les produits sur 10, note retranscrite ensuite en lettre, A, équivalant à une note entre 8 et 10, B entre 6 et 8, C entre 3 et 5, et D entre 0 et 2.
Traçabilité, recyclabilité, réparabilité
"Ces critères sont, par exemple, les matières premières utilisées: sont-elles biosourcées ou pétrochimiques? Quel taux de matières recyclées constitue le produit, la traçabilité du bois, la manière de travailler de l'usine, la réparabilité, le transport, les emballages, la recyclabilité, etc," liste Étienne Bodin.
"C'est une méthodologie qui n'est pas parfaite, qui est un peu simplifiée, mais elle a le mérite de s'appuyer sur l'analyse du cycle de vie, une méthode d'évaluation normalisée et fiable," valide Laura Gay, responsable marketing chez Eco-Impact, un bureau d'études indépendant spécialisé dans la notation de l'impact environnemental des meubles, joint par RMC Conso.
"On encourage ce type d'initiative, on peut souligner les efforts réalisés par But, qui a investi de l'argent pour cela, là où nombre de ses concurrents ont des méthodes contestables qui s'apparentent à du greenwashing," ajoute-t-elle.
Un risque de confusion?
Eco-Impact relève toutefois une limite à l'Éco-Score de But: "Il permet de comparer les produits But entre eux et non à un échantillon représentatif du marché, c'est-à-dire qu'un produit est comparé à l'impact moyen d'un produit But mais non à l'impact d'un produit présent sur le marché français."
Sachant que la fabrication d'un meuble neuf a forcément un impact environnemental, même un meuble noté A ne peut dans tous les cas pas être vertueux pour la planète. L'idée est donc de limiter l'impact et non de l'annuler complètement.
"On peut se demander si ce score n'apporte pas de la confusion auprès des consommateurs," regrette Laura Gay.
Les mauvaises notes affichées seulement sur le site
L'Éco-Score de But présente pour l'enseigne un double intérêt. Il a pour premier objectif d'aider l'entreprise à réduire son empreinte carbone: "Nous souhaitons réduire notre empreinte de 42% d'ici 2030, et nous voulons donc atteindre 100% de produits notés A ou B d'ici six ans," affirme à ce sujet le responsable RSE.
Mais l'enjeu est bien sûr aussi marketing: l'affichage environnemental permet à l'enseigne d'améliorer son image de marque. Dans un secteur ultra-concurrentiel, dominé par ce qu'on appelle péjorativement la fast-déco, c'est-à-dire des entreprises qui produisent des quantités importantes d'objets de décoration et de meubles bas de gamme, But entend incarner un modèle qui se tourne davantage vers une économie durable.
Sujet qui devient une préoccupation pour de plus en plus de Français: selon le baromètre 2023 de l'Ademe (agence de la transition écologique), 78% se mobilisent en faveur de la consommation responsable.
Vouloir offrir aux consommateurs plus d'informations et de transparence semble donc malgré tout un pas en avant, même si l'initiative a une autre limite: les notes C et D sont uniquement affichées sur le site internet, qui ne représente que 10% des ventes de l'enseigne. En magasin, les mauvaises notes sont cachées et seules les bonnes sont indiquées sur les étiquettes des meubles.
Réduire la quantité de meubles vendus
Pour Manon Richert, responsable communication de l'association écologiste Zero Waste France, contactée par RMC Conso, "les initiatives volontaires de ce type ne sont pas une solution suffisante pour limiter les impacts environnementaux de la filière ameublement".
Elle rappelle également que "si l'affichage environnemental dans le secteur de l'ameublement se fait aujourd'hui sur base volontaire, le principe de l'affichage environnemental est inscrit dans la loi."
Après une phase d'expérimentation, ce dernier devrait donc devenir obligatoire à l'horizon 2027, dans le cadre des lois AGEC (anti-gaspillage pour une économie circulaire) et Climat et résilience. But a simplement souhaité anticiper sur cette obligation à venir.
Pour Zero Waste France, l'un des problèmes majeurs de la grande distribution de meubles reste le nombre important de références vendues chaque année. L'association milite pour "des objectifs de réduction des quantités d'éléments d'ameublement et décoration mis en marché".
Dans un rapport sur la fast-déco publié au mois de mai, elle rappelait qu'entre 2017 et 2022, le nombre d’éléments d’ameublement mis en marché a augmenté de 88% (de 269 millions d’unités mises en marché à 505 millions).
"Au regard des 30 millions de ménages français, cela représente quasiment 17 éléments d’ameublement neufs par foyer et par an," calcule le rapport. Sachant que nous jetons en moyenne 18,7 kg de meubles par personne et par an en France.