Payer pour obtenir ses aides sociales? Ces sites font les démarches à votre place

Obtenir des aides publiques, comme celles de la CAF, peut parfois être complexe. - Philippe Huguen - AFP
En France le non-recours aux aides publiques, c'est-à-dire le fait de ne pas réclamer une prestation à laquelle on a droit, représenterait au moins 10 milliards d'euros. Certains peuvent voir dans cette somme une économie faite par l'État, d'autres autant d'argent qui devrait profiter aux plus démunis. Et quelques-uns encore y voient un marché à exploiter.
Les estimations des taux de non-recours pour chaque aide varient, mais sont généralement hauts. Pour le RSA il peut être estimé à environ 37%. Jusqu'à 50% pour la prime d'activité ou les aides au logement. Et sûrement plus encore pour celles moins connues concernant l'achat d'un vélo, une rénovation énergétique, le passage du permis...
Un simulateur public, mais incomplet
Les principales causes de ce non-recours sont d'une part le manque d'informations: on peut ignorer l'existence d'une aide. Ou la connaître, mais penser ne pas être éligible. Et d'autre part la complexité pour obtenir ces aides: une personne informée et éligible peut se décourager au moment de se retrouver face à l'administration.
De ces constats sont nés plusieurs sites et applications s'étant donnés pour mission de guider et d'accompagner ces potentiels bénéficiaires. Ils s'appellent Aides-sociales.fr, Klaro, Wizbii Money ou encore MesAllocs.fr. Chacune de ces plateformes propose d'abord un simulateur d'aides, gratuit et permettant de voir à quelles prestations on a droit après avoir rempli ses informations personnelles.
On pourrait faire remarquer que l'État dispose déjà du sien: le site public mesdroitssociaux.gouv.fr. Mais ce simulateur n'intègre qu'une soixantaine d'aides. Ceux des sites précédemment cités en comptent parfois plus de 2.000, comme l'explique Mathieu Le Rest, chargé des relations extérieures pour le site aide-sociale.fr.
"En France, il existe énormément de dispositifs et d'aides, mais qui sont alloués par plein d'organismes différents. Il y a les aides de l'État, mais les régions, les conseils départementaux et souvent les communes en proposent également. Notre simulateur a vocation à toutes les intégrer", affirme-t-il.
Aide-sociale.fr: un site gratuit mais une hotline payante
Son site est un des plus anciens puisqu'il a été fondé en 2012. Il se veut informatif, et propose des articles gratuits très bien détaillés sur chaque aide existante. Son simulateur, également gratuit, a été lancé en même temps que celui du gouvernement, vers 2014. "On a conscience qu'on s'adresse à un public fragile, qui n'a pas énormément de moyens. On essaye donc d'avoir un maximum de contenus gratuits", justifie Mathieu Le Rest.
Malgré tout, les quelque dix salariés d'aide-sociale.fr doivent bien être rémunérés. Le site tire donc des revenus de la publicité. Et depuis deux ans d'un numéro de téléphone permettant de joindre directement des conseillers donnant un accompagnement personnalisé. Les appels sont facturés 80 centimes la minute.
Mathieu Le Rest reconnaît que dans un monde idéal, ce service devrait être public. Mais obtenir un rendez-vous avec la CAF peut parfois relever du parcours du combattant. L'avantage avec cette hotline est que l'on obtient un expert quasi instantanément. Et il faut croire qu'elle répond à un besoin, puisqu'elle reçoit en moyenne 150 appels par jour.
60 euros pour être assisté dans les démarches
Ce service d'accompagnement, payant, est loin d'être le seul. La complexité du système de prestations sociales est devenu un marché sur lequel se battent plusieurs concurrents pour attirer de potentiels allocataires égarés dans leurs démarches.
Le site MesAllocs.fr, créé en 2018, propose lui aussi un guide relativement complet des différentes aides et un simulateur gratuits. Mais son service d'accompagnement coûte tout de même 29,90 euros par trimestre, en plus de 29,90 euros de frais d'inscription. Pour ce prix, vous bénéficiez néanmoins d'une assistance inégalable puisque l'entreprise réalise toutes les démarches administratives... à votre place.
Mais ce service est-il bien légal? Le code de la Sécurité sociale, dans son article L554-2, interdit tout intermédiaire "d'offrir ses services moyennant émoluments convenus d'avance, à un allocataire en vue de lui faire obtenir des prestations". Dans un article du Monde, le fondateur de MesAllocs.fr a affirmé que son activité était vérifiée par des avocats et tout à fait légale.
Wizbii Money, à destination des étudiants
Un service payant et controversé donc, mais qui fonctionne. Le site revendique plus de 65.000 nouveaux bénéficiaires d’aides, parvenant parfois à aller chercher plusieurs centaines euros d'aides supplémentaires par mois. Et une autre entreprise s'est lancée sur ce créneau. La société de services en ligne pour les jeunes et les entreprises Wizbii a lancé en 2020 Wizbii Money.
Le principe était exactement le même, à ceci près qu'il se destinait davantage aux jeunes: un simulateur gratuit, puis la possibilité d'obtenir un accompagnement. Mais en échange de 4% du montant de l'aide obtenue sur plusieurs mois. Ce système avait notamment été dénoncé par l'Union nationale des étudiants de France (Unef), accusant en 2021 l'entreprise de "gagner de l'argent sur le dos d'étudiants précaires".
Mais Wizbii Money a depuis fait évoluer son modèle. Le service proposé est "gratuit depuis des années grâce à des partenariats avec des banques", explique à RMC Conso la directrice de la communication Sophie Lebel. Après avoir fait sa recherche d'aide, il est proposé au jeune de se créer gratuitement un compte dans une de ces banques partenaires. "On se rémunère grâce à une commission de la part de la banque pour leur avoir apporté un client", détaille la porte-parole de Wizbii Money.
La plateforme est très présente sur les réseaux sociaux, où elle multiplie les vidéos courtes sur l'actualité des aides de l'État, et vante son service. Une manière d'aller chercher un maximum de clients: la plateforme affirme à RMC Conso que 7 millions de jeunes ont fait une recherche d'aides.
Klaro: à destination des entreprises et leurs salariés
Une dernière start-up s'est lancée sur ce créneau, mais avec un modèle bien différent. Cyprien Boutard Geze a fondé Klaro en 2020, et la particularité de cette start-up est qu'elle s'adresse directement à d'autres entreprises. Ces dernières s'abonnent à Klaro, et proposent ses services à leurs salariés.

Un système qui, d'après son fondateur, permet de toucher encore plus de monde. De nombreuses entreprises, parmi lesquelles Décathlon, Norauto, Super U ou Stef proposent cette solution à leurs employés. Klaro se vend également auprès d'autres structures comme des offices HLM. Ainsi, Cyprien Boutard Geze revendique "300.000 utilisateurs actifs" sur sa plateforme.
"Ils se créent un compte sur la plateforme puis répondent à un questionnaire qui est complètement confidentiel. Rien n'est transmis à leur employeur. Ensuite ils découvrent les aides auxquelles ils ont droit. Publiques, mais aussi quelques unes privées", explique le fondateur de Klaro.
Son simulateur comprend en effet 2.200 aides, ainsi que tous les avantages internes à l'entreprise via le CSE. Parmi les aides privées, il évoque par exemple Renault qui propose un service de révision gratuite pour les personnes au RSA. "On veille à ce que ce ne soit pas des promotions déguisées", insiste-t-il.
Le salarié bénéficie après sa simulation d'un accompagnement aussi complet que celui des plateformes concurrentes. Mais il n'a cette fois pas à débourser d'argent directement de sa poche.