Sandwich, carburant ou borne de recharge, pourquoi tout est si cher sur les aires d'autoroute?

Vous l'avez forcément remarqué: tout coûte plus cher sur les aires d'autoroute. L'alimentation, deux à trois fois plus chère qu'en supermarché, le carburant, plus cher de 20 cts/L par rapport aux tarifs appliqués dans les stations-service hors autoroute, les bornes de recharge électrique, 20% plus onéreuses sur autoroute.
De quoi agacer les automobilistes, qui peuvent se sentir "pris au piège": sur la route des vacances, les choix sont minces pour se restaurer ou remplir son réservoir à essence, nombreux sont donc ceux qui se résignent à payer la note salée des aires de services.
Selon un sondage Arcane Research de 2023, 60% des Français qui prennent l'autoroute fréquentent ces aires, mais le chiffre est en baisse tandis que 38% préfèrent sortir de l'autoroute pour payer moins cher leurs achats essentiels.
Comment expliquer ces prix prohibitifs? Sont-ils justifiés? RMC Conso vous explique.
Des coûts logistiques plus importants
Parmi les explications évidentes, il y a, bien sûr, l'état de monopole dont jouissent les aires de services sur autoroutes: difficile de comparer les prix et mettre les enseignes en concurrence lorsqu'on doit faire le plein sur l'A13 et que la prochaine aire de services se trouve à 45 kilomètres.
Mais ce n'est pas la seule raison. Vincent Fanguet, directeur de l'exploitation chez Sanef explique à RMC Conso que "les coûts logistiques sont plus importants que dans une enseigne implantée en ville puisqu'il n'y a pas d'économies d'échelle, les transporteurs parcourent de nombreux kilomètres pour ne livrer qu'une seule aire de services, alors qu'en ville ils peuvent livrer plusieurs enseignes à la fois."
D'autant que les surfaces disponibles sur les aires d'autoroute étant petites, le nombre de marchandises livrées est faible. Ces frais de livraison plus importants sont en partie répercutés sur les prix des denrées.
Par ailleurs, "les aires d'autoroute ont des contraintes particulières à intégrer, qui expliquent ces prix parfois plus élevés: un service disponible 24/24, une présence humaine, des toilettes entretenues," liste le directeur d'exploitation de Sanef.
Une obligation de service public
Ces services sont une obligation légale, car les autoroutes, en France, appartiennent à l'État, qui concède leur exploitation à des sociétés, les concessionnaires autoroutiers que son Sanef, Vinci, APRR... Ces derniers signent ensuite des contrats avec des distributeurs comme Carrefour, Leclerc ou Total pour la gestion et l'exploitation des aires.
L'activité de ces distributeurs, sur ces aires d'autoroute, ne s'arrête donc pas à la simple commercialisation de nourriture et de carburant. Un arrêté du 8 août 2016 fixe les conditions d'organisation des aires d'autoroute et impose la mise en place d'un service d'alimentation assuré 24/24, 7/7, mais également des services gratuits.
Par exemple, toute aire d'autoroute doit proposer des toilettes gratuites, des douches, une station de gonflage des pneus, etc. Ce qui implique des coûts en termes de main d'œuvre.
Néanmoins, un autre aspect impacte les prix: la redevance payée par les distributeurs aux concessionnaires autoroutiers. Pour pouvoir exploiter les aires d'autoroute, Leclerc, Carrefour, Total, etc. payent un genre de loyer, à la différence qu'il ne s'agit pas d'un montant fixe mais d'un pourcentage de leur chiffre d'affaires.
Or, pour sélectionner le distributeur à qui ils accorderont l'exploitation de l'aire, les concessionnaires autoroutiers passent des appels d'offre et choisissent en fonction de différents critères, parmi lesquels les niveaux de prix proposés pour les usagers, mais aussi le montant de cette redevance. Il est donc tentant de privilégier un partenaire généreux sur la redevance...
Des redevances élevées
Si cette redevance est, en moyenne, de 4% du chiffre d'affaires sur les boutiques (même si elle est variable selon les aires), elle est en revanche de plus de 18% sur les bornes de recharge électrique. Un chiffre pointé du doigt par l'Autorité de régulation des transports, qui contrôle la bonne gestion des aires d'autoroute.
Dans son rapport de 2024, elle écrit que la promesse de prix bas n’est pas suffisamment prise en compte dans le choix des exploitants d’aires d’autoroute par les concessionnaires. Et que ces derniers privilégient le montant de la redevance qui leur est accordée plutôt que la modération tarifaire.
"Les appels d’offres ne permettent pas de garantir aux usagers des prix aussi faibles que possible pour les recharges électriques," note le rapport.
L'Autorité conclut qu’en baissant le taux de redevance de 18% à 5% pour les bornes de recharge, les prix pourraient baisser de plus de 10% pour les usagers.
Interrogé sur ce point, Vincent Fanguet assure que "Sanef n'est pas concerné, les deux critères sont considérés à part égale, on fait attention à ce que les prix soient les plus contenus possibles, et nos redevances ne sont pas plus élevées qu'un loyer pour n'importe quel local commercial".
Quant aux prix des bornes de recharge, "ils sont justifiés parce que les puissances distribuées sont plus importantes. À puissances égales, les prix sont les mêmes qu'ailleurs," affirme-t-il.
Aires d'autoroute low-cost
Il reste malgré tout possible de trouver des prix plus abordables sur les aires d'autoroute. Face à la baisse de fréquentation des automobilistes, des enseignes tentent de les attirer avec des aires "low-cost". C'est le cas de Sanef qui a ouvert onze aires "bon plan". Elles promettent des prix avantageux à la pompe, en boutique et en restauration sur des produits d'entrée de gamme.
"On peut le faire sur certaines aires, par exemple des aires en bon état qui ne nécessitent pas de travaux et donc où l'investissement et les charges d'exploitation sont limitées," détaille Vincent Fanguet.
Sur les autoroutes concédées à Vinci, il existe deux stations-service Total Access, la low-cost du pétrolier Total, où le carburant est vendu moins cher. Chez APRR, on a créé "Fulli", sept stations-service qui promettent "des tarifs comparables à ceux pratiqués hors du réseau autoroutier".
Au total, ces aires d'autoroute low-cost sont au nombre de 20... sur plus de 360 aires d'autoroute en France. Pour les trouver, un peu d'anticipation sur la route des vacances sera donc nécessaire...
Sinon, l'astuce qui consiste à sortir de l'autoroute pour faire son plein d'essence vous permettra d'économiser environ huit euros sur 40 litres, selon les calculs de l'UFC-Que Choisir.