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L'Académie française va se pencher sur la féminisation de la langue: "Ils sont en retard, comme toujours"

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L'Académie française va se pencher sur la féminisation de certains noms de métiers et de fonctions. Une petite révolution pour la célèbre institution qui était vent debout contre l'écriture inclusive fin octobre. Mais pour la linguiste Maria Candea, leur intérêt pour la féminisation de la langue française intervient bien trop tard.

Maria Candea est enseignante-chercheuse en linguistique à la Sorbonne Nouvelle:

"Leur décision de s'intéresser à la féminisation de la langue française est pour moi très anecdotique. Ça n'a aucune influence. Ils ont ce débat parce que ce débat a déjà eu lieu et a été tranché. Là, avec 30 ans de retard, ils se disent que leur opposition est ridicule. Maintenant que plus personne ne défend leurs positions, ils se disent qu'il serait temps de changer.

Symboliquement, l'Académie française reconnaît qu'elle a perdu. Mais leur parole aurait eu du poids dans les années 80, quand le débat a vraiment commencé. Ils ont passé leur temps à torpiller le débat, à dire que ce serait l'apocalypse, que ce serait la fin de la langue, que le mot 'rectrice' faisait penser à 'rectal'. C'était un festival à l'époque. Du coup le débat a eu lieu sans eux.

Ils étaient en total délire en disant que l'ambassadrice c'était la femme de l'ambassadeur, que la pharmacienne, c'était la femme du pharmacien, donc vraiment un refus de prendre acte que les choses avaient changé. Qu'une femme pouvait être pharmacienne parce que la structure du travail avait changé.

"Déconnectés de la réalité"

En 1998, le gouvernement Jospin a publié le guide des titres et métiers féminins et ça s'est imposé. La presse dit désormais 'la présidente', 'la ministre' etc, et là ils suivent le mouvement. Je ne comprends même pas ce qu'ils peuvent avoir comme débat, ils ne peuvent que constater. Il n'y a plus de débat, le débat est clos.

L'Académie française devrait ouvrir le débat sur l'accord de proximité, sur le masculin générique, là il y a débat, mais il a lieu sans elle. Ils sont en retard et déconnectés de la réalité, comme toujours.

L'Académie française ne sert plus à rien. Ils sont toujours très en retard, ils ne sont plus adaptés. La force de proposition sur la langue, c'est la Commission d'enrichissement de la langue française qui s'en charge. L'Académie envoie toujours une personne à la Commission mais on ne sait même pas qui c'est, visiblement ce sont des employés plutôt que des académiciens.

On parle toujours beaucoup de l'Académie française parce qu'on ne sait pas qu'elle ne fonctionne plus, qu'elle ne sert à rien. Je leur en veux parce qu'ils pourraient utiliser cette petite fenêtre qu'ils ont pour faire évoluer les choses.

Mais ils n'ont pas les compétences pour ça, ils n'ont pas l'âge. Il n'y a aucun linguiste à l'Académie française, zéro. C'est fou".

Propos recueillis par Paulina Benavente