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Chocolat Dubaï: pourquoi ces tablettes à la pistache affolent les supermarchés et les discounters

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Le chocolat de Dubaï est un chocolat au lait à la pistache devenu tendance grâce aux réseaux sociaux. Toutes les enseignes se mettent à en vendre. Décryptage.

Plus de 100.000 tablettes vendues en l'espace d'une journée. C'est le constat fait par Marianne Forst, acheteuse chocolat-confiserie pour Lidl France, à l'issue de la première journée de sortie du chocolat dit "de Dubaï" jeudi 27 mars.

"On ne s'attendait pas à un tel engouement," reconnaît-elle auprès de RMC Conso, en précisant que ce chiffre correspond à l'intégralité de ce qui avait été commandé par l'enseigne, en prévision du fort succès. Un succès qui a finalement largement dépassé les attentes.

"Si vous êtes chanceux, vous pouvez peut-être encore en trouver une ou deux tablettes, tombées d'un carton," s'amuse-t-elle.

Mais si ce chocolat a connu un tel emballement, c'est parce que les consommateurs en avaient entendu parler bien avant que Lidl ne commercialise sa version de marque distributeur.

Une tendance sur TikTok

Le chocolat de Dubaï, qui, comme son nom l'indique, vient des Émirats arabes unis, a été créé par une chocolatière en 2021. Ce n'est que fin 2023 qu'il a été repéré par une influenceuse, Maria Vehera, qui a publié une vidéo de dégustation sur son compte TikTok.

Rapidement, sa vidéo circule. Plus de 120 millions de vues. La spécificité de ce chocolat, fourré à la crème de pistache et aux cheveux d'ange, fait le tour du monde et partout, les consommateurs veulent y goûter. Problème: le chocolat n'est disponible qu'aux Émirats arabes unis.

Quelques épiceries spécialisées commencent à le commercialiser, mais également quelques chocolateries haut de gamme, comme Michel Cluizel, à Paris. Neuf euros la barre de 45g.

Initialement, le chocolat de Dubaï est bien un produit de luxe. "C'est pour ça qu'il attire autant. C'est un produit premium, il évoque une région du monde qui fait rêver, où tout n'est que démesure, abondance et exotisme," analyse Vincent Redrado, expert en consommation et fondateur du cabinet de conseils DNG, contacté par RMC Conso.

"Ce qui est unique, c'est que c'est une des premières fois qu'un produit alimentaire a une telle résonance, habituellement ce sont plutôt les produits cosmétiques, mode, luxe... Là, on a un aliment qui a un 'pricing' accessible mais un positionnement luxe, qui est beau, instagrammable... Les marques capitalisent sur sa viralité," ajoute-t-il.

Du haut de gamme au hard-discount

"D'ailleurs, vous aurez remarqué que pour ce produit, on ne parle pas d'aspect nutritionnel, alors que c'est souvent ce qui dicte les tendances alimentaires. Sur TikTok, on s'en fiche, on veut juste de l'esthétique."

Avec plus de 500 calories pour 100 grammes, le chocolat de Dubaï n'est effectivement pas à mettre sur sa liste d'aliments à consommer sans modération...

Première marque vendue en grande distribution à en fabriquer, Lindt vend sa version depuis le mois de janvier mais reste dans une catégorie plutôt haut de gamme, à 10 euros la tablette.

Plusieurs supermarchés indépendants ont ensuite repéré la tendance et se sont procurés des tablettes de chocolat Dubaï commercialisées par des marques à l'étranger, notamment turques, comme la marque Elit, vendue dans certains magasins Leclerc.

Mais les enseignes à avoir rapidement misé sur le chocolat Dubaï sont plutôt à chercher du côté du hard-discount: Normal a annoncé sur Instagram et TikTok la vente de tablettes à partir du 14 mars. L'enseigne a également choisi une marque turque, Beyoglu.

L'enseigne anglaise B&M, implantée en France depuis 2018 et qui compte à ce jour 134 magasins, vend le chocolat Dubaï de la marque allemande Weinrich's, et même une pâte à tartiner. Le succès est tel que lorsque nous nous rendons en magasin, une vendeuse nous confirme avoir été dévalisée, au point que les tablettes, n'étaient, avant d'être complètement en rupture de stock, plus vendues qu'en caisse.

Une "dépense statutaire de masse"

Un système de rationnement également mis en place par Lidl, pour faire face à la cohue qu'a suscitée l'arrivée des tablettes en rayons. L'enseigne, qui vend sa propre marque, explique à RMC Conso que la tendance a d'abord pris dans les magasins allemands de l'enseigne.

"Le produit est ensuite aussi sorti en Angleterre et en Italie. Ce qui est exceptionnel, c'est de voir un engouement simultané, dans tous les pays," indique Marianne Forst.

Aujourd'hui, toutes les enseignes veulent vendre du chocolat de Dubaï, et RMC Conso en a repéré chez Carrefour, Leclerc, Intermarché ou encore Franprix. Mais selon Vincent Redrado, l'émergence du produit dans les chaînes discount en premier lieu n'est pas un hasard.

"C'est un produit qui mixe sensorialité et effet statutaire. C'est joli à voir, et c'est un produit perçu comme étant de luxe, tout en restant accessible. On appelle ça une dépense statutaire de masse, tout le monde y a accès à petit prix et ça donne un sentiment d'appartenance à une classe privilégiée... Alors que ce ne sont pas les ultra-riches qui en achètent, mais bien la masse," décrypte-t-il.

Ce sont par ailleurs des enseignes qui misent beaucoup sur une clientèle jeune. Normal vend essentiellement des produits hygiène/beauté et snacking avec un parcours d'achat ludique, une communication sur les réseaux sociaux, et une implantation en centres-villes.

B&M, bien qu'implantée cette fois plutôt en périphérie, s'approvisionne beaucoup en snacks originaux, venus de l'étranger, qui plaisent particulièrement aux jeunes. Quant à Lidl, l'enseigne est devenue, depuis quelques années, une marque tendance, en atteste le succès de ses produits dérivés comme ses baskets ou ses escarpins.

5 euros la tablette... Revenvue 50 sur Vinted

Niveau prix, ce sont chez elles que les tarifs sont les plus attractifs, entre quatre et cinq euros la tablette. Ce qui fait tout de même un prix au kilo d'environ 40 euros, mais reste bien moins cher que la plupart des chocolats Dubaï vendus en supermarché (70 euros le kilo pour la tablette Lindt, 80 euros le kilo pour la marque turque Vigos, vendue à Intermarché).

Des prix justifiés par les marques par le coût des matières premières: du chocolat, dont le cours du cacao flambe, et de la pistache. Néanmoins, "c'est un produit facile à produire et sans coûts de recherche et développement puisqu'il existe déjà, donc c'est malin," note Vincent Redrado.

Bientôt les beignets "Dubaï style"

Nul doute que marques et enseignes ont vu dans la tendance l'opportunité de faire de jolies marges, sachant que les adeptes seraient prêts à payer n'importe quel prix pour goûter au fameux chocolat. Selon nos confrères du Huffington Post, qui ont reproduit la recette, le chocolat de Dubaï fait maison revient à seulement... 23 euros le kilo.

Preuve que la folie autour du chocolat Dubaï n'a pas de limites, des tablettes Lidl sont revendues sur Ebay ou Vinted, "juqu'à 10 fois plus cher," s'offusque Marianne Forst.

Inutile d'entretenir cette spéculation, l'acheteuse chocolat-confiserie de Lidl France nous confirme travailler avec son fournisseur pour pouvoir réapprovisionner les magasins au plus vite. Elle annonce également la sortie d'un autre produit dérivé: les beignets "Dubaï style". Sortie prévue dans deux semaines.

Charlotte Méritan