"P'tits prix oui": que vaut la gamme premiers prix de Lidl et est-elle vraiment la moins chère?

Vous en avez sans doute entendu la publicité: depuis quelques semaines, Lidl a lancé une grosse campagne de communication autour de sa gamme premiers prix, les "p'tits prix oui".
Née d'une volonté de s'aligner à la concurrence en termes de compétitivité, la gamme a connu plusieurs étapes de lancement. Elle a commencé à voir le jour en novembre 2023, avec seulement quelques produits en rayons, puis s'est développée à partir de mars 2024.
Depuis le 19 janvier, son nom officiel, "les p'tits prix oui", ainsi que son nouveau logo jaune et rouge, sont partout dans les spots de publicité à la radio et à la télévision. "Lidl est le moins cher," y tonitrue la voix off.
Alors, qu'en est-il? Les "p'tits prix oui" sont-ils vraiment les moins chers du marché? Quelle a été la stratégie de Lidl pour réduire ses prix? Et que vaut, en termes de qualité, cette nouvelle gamme? RMC Conso a comparé les produits, décortiqué les étiquettes et interrogé les directeurs des achats de l'enseigne pour vous révéler tout ce qu'il faut savoir sur ces "p'tits prix oui".
400 produits dans tous les rayons
400 produits composent les "p'tits prix oui", sur un total de 3000 références vendues chez Lidl.
"La gamme est présente dans tous les rayons, pour permettre aux consommateurs de remplir entièrement leur panier de courses avec des petits prix," affirment Jean-Christophe Monnez et Thomas Braun, directeurs des achats chez Lidl, interrogés par RMC Conso.
Derrière la genèse de cette gamme, la volonté de répondre à la demande des consommateurset l'analyse du marché, qui a mené à un constat: des gammes "premiers prix" se développent de plus en plus dans les rayons des principaux concurrents de l'enseigne.
"Il y avait une forte demande, à laquelle on ne pouvait pas toujours répondre avant la création de la gamme, donc on s'est rendu compte de l'importance de la proposer dans nos rayons," indiquent les deux directeurs des achats.
Pour fixer les prix, ils assurent s'être alignés "au moins cher des concurrents, pour chaque produit" et certifient qu'ils sont "moins cher que Leclerc", pourtant souvent désignée comme l'enseigne la plus compétitive. Les deux se livrent régulièrement à une véritable guerre des prix à coup de publicité comparative.
"Sur cette gamme, on est soit moins cher, soit au même prix que Leclerc."
Pas toujours le moins cher
RMC Conso a voulu vérifier cette assertion et a donc comparé les prix d'une quinzaine de produits, dans tous les rayons. Verdict? Sur les 15, 11 étaient effectivement au même prix, au centime près, que leurs équivalents chez Leclerc. Trois étaient néanmoins moins chers chez... Leclerc. Un (les oignons rouges) était moins cher chez Lidl, parce qu'il n'avait pas d'équivalent "petit prix" chez Leclerc.
Dans cette guerre des prix, les centimes derrière la virgule ont toute leur importance pour se déclarer "le moins cher". Par exemple, le brocoli Eco + de Leclerc est vendu au prix de 2,48 euros le kilo. Il est à 2,58 euros le kilo chez Lidl.
Mais les ajustements se font aussi sur la qualité: le maïs Eco + est moins cher de quelques centimes que le maïs Lidl, mais il contient du sucre ajouté là où le produit Lidl n'en contient pas. Et sur l'emballage: les asperges blanches, moins chères chez Leclerc, sont conditionnées dans une conserve en aluminium tandis que celles de Lidl sont dans un bocal en verre...
Cela fait partie des leviers à la disposition des distributeurs pour baisser leurs prix, comme nous le confirment Jean-Christophe Monnez et Thomas Braun:
"Il y a des références sur lesquelles on a tout simplement baissé notre marge. Mais il y a aussi des références qu'on a créées spécifiquement avec des caractéristiques différentes."
3 leviers: la marge, l'emballage... Et la qualité?
"On a par exemple créé un lait petit prix, pour lequel on a simplement retiré le bouchon de la brique pour gagner trois à quatre centimes. Pour nos lardons, au lieu d'avoir deux barquettes sécables, on a une seule barquette, cela fait moins d'emballage."
Ils réfutent néanmoins compromettre la qualité: "On peut avoir, sur nos fruits et légumes, des catégories 2 plutôt que des catégories 1, mais cela veut simplement dire que les produits sont moins beaux esthétiquement ou de plus petit calibre, cela ne change en rien la qualité nutritionnelle ou le goût."
Attention toutefois, sur ces petits prix, aux produits transformés, comme la boîte de ravioli dans laquelle l'enseigne a remplacé le bœuf par de la volaille.
Même si les directeurs des achats de Lidl mettent en avant que "c'est une protéine moins chère, pas de moins bonne qualité", RMC Conso note que l'origine de la volaille n'est pas indiquée, laissant supposer qu'elle est sans doute importée, tandis que le bœuf est bien français dans la boîte de ravioli plus onéreuse.
Gagner des parts de marché
Derrière la volonté de répondre à la demande, l'objectif est aussi, bien sûr, de trouver un nouvel élan alors que Lidl était en perte de vitesse depuis un an.
"Entre mai 2023 et février 2024, le discounter arrivé en France en 1989 a vu sa part de marché baisser chaque mois," explique à ce sujet un article du magazine spécialisé LSA. Entre 2022 et 2024, son image prix s'est érodée. Mais depuis le printemps dernier, Lidl regagne des parts de marché et fait +0,3 point entre novembre et décembre 2024, pour atteindre 8,4%.
Preuve que les efforts réalisés sur les prix portent leurs fruits, malgré le coût de ces baisses pour l'enseigne, estimé à plusieurs dizaines de millions d'euros par Michel Biero, ex-vice président de Lidl France, cité par LSA.
"On compense notre perte de marge sur les volumes vendus," exposent Jean-Christophe Monnez et Thomas Braun, qui espèrent arriver, dans les prochains mois, à 10% de part de marché.
Sur la gamme petits prix, Lidl avance faire une croissance à deux chiffres (sans donner plus de précisions) et ne ferme pas la porte à la création de nouvelles références, en fonction de la demande. En parallèle, 50 nouvelles ouvertures de magasins sont prévues pour 2025.