De la viande bretonne dans un saucisson d’Auvergne: que recouvre exactement le label IGP?

De la bresaola IGP italienne au bœuf brésilien, comme l’a noté l’association 60 millions de consommateurs, ou d'origine "UE et non UE", comme l'a relevé RMC Conso dans le rayon charcuterie d'un supermarché, ou bien encore du saucisson IGP d’Auvergne au porc breton… Cela peut surprendre, et pourtant, dans ces trois cas, il n’y a aucune fraude.
Simplement, pour de nombreux consommateurs, une possible confusion sur la compréhension du label "indication géographique protégée" (IGP). Car, contrairement à ce que son nom semble indiquer, ce label ne garantit pas que 100% du produit provient de la zone géographique en question. Explications.
La reconnaissance d’un savoir-faire
L’indication géographique protégée est en fait plus un label de qualité qu’une garantie de l’origine. Elle atteste de la réputation d’un produit, réputation liée à son origine géographique.
"Avec l’indication géographique protégée, on reconnaît d’abord un savoir-faire. L’ensemble des produits qui ont une IGP sont régis par des textes européens, qui permettent de protéger ce savoir-faire," explique à RMC Conso Sylvain Reverchon, directeur adjoint de l’INAO, l’Institut national de l’origine et de la qualité.
La notion de territoire reste tout de même primordiale: pour être reconnu "Indication géographique protégée", le produit doit avoir une histoire liée au territoire auquel il appartient.
"On va aller chercher dans les vieux grimoires et les livres d’Histoire si le produit a bien une ancienneté sur ce territoire, et une notoriété," ajoute le directeur adjoint de l’INAO.
Une étape au moins dans la zone géographique
Mais cela ne veut pas forcément dire que l’intégralité du produit a été conçu dans l’aire géographique.
"Pour prétendre à l’obtention de ce signe officiel lié à la qualité et à l’origine (SIQO), une étape au moins parmi la production, la transformation ou l’élaboration de ce produit doit avoir lieu dans cette aire géographique délimitée," lit-on sur le site de l’INAO.
Ainsi, on pourrait imaginer que, pour un saucisson, l’affinage seul, s’il a bien lieu dans la zone géographique, suffise à reconnaître une IGP. Quand bien même la viande de porc utilisée proviendrait de l’autre bout du monde.
Dans les faits, c’est tout de même un petit peu plus compliqué. Chaque IGP (il en existe 1353 en Europe) répond à un cahier des charges qui lui est propre, et qui détaille toutes les étapes de fabrication, les exigences à respecter en termes de traçabilité, de qualités organoleptiques, etc.
Lorsqu’on étudie, par exemple, le cahier des charges du saucisson IGP d’Auvergne, on lit qu’"aucune limite géographique n’est fixée quant à l’origine des porcs et des coches (truie charcutière, NDLR)".
Cela n’empêche toutefois pas le cahier des charges d’être précis sur certains critères d’élevage et de sélection des animaux. Le saucisson d’Auvergne doit par exemple avoir, dans sa composition, des viandes issues d’animaux "ayant respecté un délai minimal de repos de deux semaines entre la fin du sevrage de la dernière portée et l’embarquement avant abattage".
"Lorsqu’un groupe de producteurs dépose un dossier pour protéger un produit en lui reconnaissant une IGP, il doit avoir la capacité de décrire précisément ce produit et toutes ses spécificités, sa forme, son odeur, ses qualités organoleptiques, ses étapes de fabrication, sa traçabilité, etc.," indique Sylvain Reverchon.
IGP italienne, mais viande "UE et hors UE"
En pratique, il est rare qu’un saucisson d’Auvergne soit issu d’une viande étrangère, selon Sylvain Reverchon. En revanche, le porc peut tout à fait venir d’une autre région, par exemple la Bretagne, première région française pour la production de viande.
Pour d’autres IGP européennes, il n’est néanmoins pas rare de trouver des produits dont l’origine des matières premières surprend un peu, à l’instar de cette bresaola italienne de la marque Fratelli Beretta, dont la viande de bœuf est d’origine "UE et non UE" (ce qui signifie que la viande utilisée peut provenir de plusieurs carcasses originaires de plusieurs pays, en Europe et en dehors, sans spécifier quels pays).
Pour les produits bruts, le problème ne se pose pas: une clémentine IGP Corse vient forcément de Corse, et un bœuf du Maine, d’un des départements qui constituaient jadis cette province (Sarthe, Mayenne, Maine-et-Loire).
D’autres labels et mentions pour garantir l’origine
Mais pour les produits transformés, il est donc judicieux, pour le consommateur, de rechercher d’autres mentions que le simple logo IGP pour s’assurer de son origine.
Sachez que l'indication de l'origine est obligatoire pour les viandes préemballées des espèces porcine, ovine, caprine, ainsi que pour la volaille. Elle doit donc nécessairement figurer quelque part sur l’emballage. Facilement identifiable, le logo "porc français" est souvent utilisé par les industriels.
Vous pouvez également vous tourner vers des produits aux labels plus exigeants, comme l’Appellation d’origine protégée, qui garantit que toutes les étapes de production, depuis l’élevage jusqu’au conditionnement, ont été réalisées dans la zone géographique.
Enfin, le label "Origine France garantie" est un label qui, comme son nom l’indique, garantit l’origine du produit. Il n’implique toutefois pas de critère de qualité.