Interdiction des néonicotinoïdes: "Qui va désherber à la main?", ironise l'agriculteur Didier Giraud

Les agriculteurs sont mobilisés ce mercredi dans les rues de Paris, pour la première fois depuis trois ans. À l'appel de la FNSEA, le principal syndicat du secteur, ils traversent la capitale en tracteur, direction les Invalides, pour protester contre l'interdiction des néonicotinoïdes. Ces insecticides sont le seul moyen selon les agriculteurs de protéger les semences de betteraves menacées par la jaunisse, maladie transmise par le puceron vert, un insecte particulièrement résistant.
Mais les néonicotinoïdes, toxiques pour les abeilles, sont interdits depuis 2018 par l'Union européenne. Depuis deux ans, les agriculteurs français bénéficiaient d'une dérogation, mais celle-ci a été suspendue en janvier par un arrêté de la Cour de justice de l'Union européenne.
"La revendication, c'est de continuer à épandre du poison"
Pour les agriculteurs, l'absence de cet insecticide pourrait pousser nombre d'entre eux à fermer leur exploitation. "C'est un insecticide qui enrobe la graine de betterave que l'on enfouit dans le sol et qui la protège contre les piqûres de pucerons. C'est peut-être nocif mais l'enlever, ça pourrait faire tomber toute la filière de la betterave et donc du sucre français", déplore ce mercredi sur le plateau des "Grandes Gueules" l'agriculteur Didier Giraud. "Et si on fait tomber cette filière, l'alternative, c'est du sucre de canne fait sur la base de la déforestation, produit en Asie du Sud-Est avec des pesticides", alerte l'éleveur de bovins.
Mais les écologistes craignent que les néonicotinoïdes affectent durablement les populations d'abeilles. "Les agriculteurs qui manifestent refusent d'adapter le modèle agricole, je trouve ça hallucinant que la revendication d'aujourd'hui soit de continuer à pouvoir épandre du poison sur certaines cultures", déplore sur RMC et RMC Story l'élue EELV de Paris Raphaëlle Remy-Leuleu, qui estime qu'une adaptation de la filière agricole française à une vie sans pesticides permettrait de créer de nombreux emplois.
"L'adaptation du modèle agricole, cela va nécessiter de nombreuses heures de travail et cela va permettre de créer des emplois dans l'agriculture durable", défend-elle.
"Qui va désherber des betteraves à la main?"
Une proposition qui a fait sortir l'agriculteur Didier Giraud de ses gonds: "Les gens ne veulent pas travailler dans des hôtels, alors trouvez-moi des personnes qui veulent désherber des betteraves à la main. Vous savez ce que c'est de désherber des betteraves à la main?", a-t-il lancé à l'attention de l'élue.
"Les gens qui ont des arbres fruitiers ou des légumes sont obligés d'aller chercher des travailleurs roumains, ils n'ont pas d'autres choix. Alors je me demande bien qui va désherber des betteraves à la main. C'est le bagne!", a-t-il ajouté.
Chez les écologistes, on estime que la transformation de l'agriculture en une filière totalement biologique permettrait de créer de nombreux emplois. C'est notamment ce que proposait Yannick Jadot dans son programme pour l'élection présidentielle de 2022. Il souhaitait diviser par deux l'usage des engrais et des pesticides de synthèse en cinq ans et supprimer les pesticides dans toute l'Europe en hui ans.
Permettant de créer des centaines de milliers d'emplois dans l'agriculture, donc. "Comme à l'époque de nos grands-parents, comme au bagne", ironise Didier Giraud.