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Agriculture: pourquoi les néonicotinoïdes sont interdits en France mais pas en Europe

Dans "Apolline Matin" ce mercredi sur RMC et RMC Story, Nicolas Poincaré détaille les raisons de la manifestation des agriculteurs à Paris, autour de l’interdiction néonicotinoïdes en France.

Les agriculteurs manifestent ce mercredi matin à Paris, pour protester contre les normes trop contraignantes et une récente décision européenne interdisant un insecticide. Ce sont deux cortèges assez spectaculaires qui doivent se mettre en branle depuis la porte de Versailles et la place d’Italie. On attend près de 500 tracteurs, qui vont prendre la direction du centre de Paris et converger vers l'esplanade des Invalides, juste à côté de l'Assemblée nationale.

Les agriculteurs veulent défendre la "souveraineté" alimentaire, c’est le slogan de la FNSEA, le premier syndicat agricole, qui organise cette manif. Défendre la souveraineté alimentaire française, c'est-à-dire ne pas dépendre des importations. La France reste le premier producteur agricole européen mais elle décline. Les exportations françaises occupaient le deuxième rang mondial, elles ne sont plus qu’au sixième rang. Et avec une part de marché mondiale qui a été divisée par deux…

Quant aux exploitations agricoles, on en a perdu 100.000 en dix ans. Cela veut dire que chaque jour, c’est une trentaine de fermes qui disparaissent. D'où le découragement des agriculteurs. Et c’est une récente décision européenne qui a mis le feu aux poudres. La manifestation d’aujourd’hui prétend protester contre le déclin de l’agriculture française mais en réalité, elle a surtout pour objet de protester contre l’interdiction d’un pesticide.

La cour de justice européenne, saisie par des organisations écolos, vient d’interdire l’utilisation des néonicotinoïdes pour la production des betteraves sucrières. En réalité, c'est une réglementation française qui interdit l’usage de ces pesticides. Une loi, votée en 2015 lorsque Ségolène Royal était ministre de l'Environnement. Il s’agissait de protéger les abeilles dont les colonies sont menacées par les insecticides en général et les néonicotinoïdes en particulier.

Des importations de sucre de pays qui utilisent des néonicotinoïdes

Mais les producteurs de betteraves ont obtenu des dérogations, pour plusieurs raisons. D’abord parce que la betterave ne produit pas de fleur et n’est donc pas butinée par les abeilles. Ensuite, parce que cette production a été victime en 2020 d'un spectaculaire envahissement de pucerons qui a fortement réduit les quantités produites. Cette année, craignant de nouveau les pucerons et le virus de la jaunisse qu’ils propagent, les autorités avaient donc accordé une nouvelle dérogation. Et c’est elle qui vient d'être annulée par la justice européenne.

Le gouvernement français ne peut pas s’y opposer. Il ne peut que promettre d’indemniser les agriculteurs si la production devait être touchée. La FNSEA fait remarquer que la France est le seul pays à totalement interdire cette famille d'insecticides. Et c’est ce qui est très difficile à comprendre. La cour de justice européenne a obligé la France à respecter sa propre réglementation mais l’Europe, de son côté, n’interdit pas tous les néonicotinoïdes. Si bien que tous nos voisins vont pouvoir continuer à utiliser certains de ces pesticides.

Et le risque, c’est qu’en cas d’attaque des pucerons au printemps, la production de betteraves sucrières s’effondre. La France, premier producteur de sucre en Europe, pourrait se retrouver obligée d’importer. Importer du sucre d’Allemagne, d’Espagne ou du Brésil, des pays qui utilisent tous ces pesticides que nous avons interdit. Tout cela possiblement accompagné d’une flambée des prix.

C'est ce que les agriculteurs ne comprennent pas. Et c’est pour manifester cette incompréhension que les producteurs de betteraves vont défiler en tracteur ce mercredi matin dans Paris. Officiellement pour défendre la souveraineté alimentaire, en réalité pour défendre un pesticide qu’ils jugent indispensable.

Nicolas Poincaré