Intermarché, Leclerc, Auchan... Les marques de distributeur payent-elles mieux les agriculteurs?

"Les éleveurs vous disent merci" chez Intermarché, "Soutenons nos agriculteurs" chez Leclerc, "Filière responsable engagée pour vous" chez Auchan: de plus en plus de distributeurs mettent en avant ces mentions sur leurs produits, parfois accolées à la photographie d’un producteur tout sourire. Ces produits rémunèrent-ils effectivement mieux les agriculteurs et peut-on leur faire confiance ? RMC Conso a enquêté.
Ces marques aux noms qui résonnent comme des slogans sont en fait des marques de distributeur: des marques créées par les acteurs de la grande distribution, qui en restent les propriétaires et en définissent le cahier des charges.
Dans les rayons, les marques de distributeur, reconnaissables au logo de l’enseigne qui y est apposé, représentent environ 20% de l’offre. Mais il faut distinguer les marques de distributeur classiques des marques de distributeur éthiques.
Des marges plus importantes
L’avantage des marques de distributeur, c’est qu’elles suppriment en théorie un intermédiaire, la marque. Résultat: moins de dépenses marketing pour les distributeurs, peu de coûts en termes de publicité notamment. Par ailleurs, ces produits n'étant vendus que dans leurs propres magasins, ils n’ont pas besoin de tirer leurs prix vers le bas pour rester compétitifs vis-à-vis de leurs concurrents, contrairement à ce qu’ils doivent faire sur les marques nationales.
Ces économies bénéficient à la fois aux distributeurs, qui font de plus larges marges brutes sur ces produits (30 à 35% contre 20 à 25% sur les marques nationales), et au consommateur, qui paye ces denrées moins chères. Mais bénéficient-elles au premier maillon de la chaîne, le producteur?
Sur les marques de distributeur classiques, la réponse est non. Les agriculteurs sont rémunérés de la même manière, que leurs produits soient vendus sous la marque de distributeur ou sous une marque nationale (les deux sont d’ailleurs conditionnés dans les mêmes usines).
Une plus juste rémunération
En revanche, les marques de distributeur éthiques, elles, promettent une plus juste rémunération de l’agriculteur. Elles ont été créées sur le modèle de "C’est qui le patron", marque lancée en 2016, en pleine crise du lait, dans l’objectif de mieux payer les agriculteurs. Intermarché inaugure la sienne en 2018, Leclerc en 2022. La promesse est fièrement affichée: Intermarché, par exemple, garantit un reversement de plus de 50% du prix de sa boîte d’œufs à l’éleveur.
RMC Conso a voulu s’assurer que la promesse était tenue et a contacté celui qui est présenté sur une boîte de six œufs Intermarché comme "Alexis, éleveur à Mousseaux- Neuville".

Première bonne nouvelle: la photo présentée sur l’emballage correspond bien à Alexis Legris, éleveur d’œufs de poule dans l’Eure. Il nous confirme être mieux rémunéré grâce à l’initiative "Merci". Sur une boîte de six œufs de marque "Merci", il gagne 12 centimes de plus que sur une boîte de six œufs vendue à une autre marque.
250 euros de plus par mois en moyenne
Même son de cloche chez Ludovic Tabart, éleveur dans le Morbihan, qui explique que sur 1L de lait vendu 1 euro 10, 56 centimes lui sont reversés, là où la rémunération moyenne est d’habitude de 50 centimes. Ce qui représente selon lui un gain d’environ 250 euros par mois pour un éleveur d’une ferme moyenne. Il déplore toutefois que la rémunération ait été revue à la baisse il y a quelques mois.
L’inconvénient pour le consommateur, c’est bien entendu le prix: 3 euros 15 la boîte de douze œufs de poule élevés en plein air "Merci" contre 2 euros 92 pour la version marque de distributeur classique. Elle reste néanmoins moins chère que la boîte de douze œufs de marque Loué, à 4 euros 77, pour les raisons évoquées plus haut.
Selon un sondage YouGov/C’est qui le patron, 75% des Français sont prêts à payer un peu plus cher un produit qui garantirait une rémunération plus juste pour l’agriculteur. L’initiative mériterait donc d’être élargie, mais reste à ce jour assez marginale: les ventes sous la marque éthique ne représentent que 10 à 20% du volume global des ventes des producteurs interrogés.