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Arnaques

Fermeture de Decathlon, gel du livret A... Attention à ces fausses infos qui circulent sur internet

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Plusieurs sites internet prétendant délivrer des informations et des conseils conso grouillent de fausses informations. L'objectif est de générer du trafic pour vendre de la publicité au détriment du consommateur, qui peut facilement tomber dans le panneau.

"Dès mai, Decathlon fermera 25 magasins", "Livret A: dès le 29 avril, les banques devront geler tout compte dépassant 21.500 euros sans justificatif de revenus", "C'est terminé pour cette célèbre enseigne"...

Ces titres proviennent de sites internet présentés comme spécialisés dans l'information aux consommateurs. Pourtant, ils sont truffés de "fake news", ou fausses infos. RMC Conso vous explique.

Capture d'écran de la fausse information concernant la prétendue fermeture de 25 magasins Decathlon, sur le site LaPlasturgie.fr
Capture d'écran de la fausse information concernant la prétendue fermeture de 25 magasins Decathlon, sur le site LaPlasturgie.fr © Capture d'écran

Au total, ils sont plus de 1000, selon une enquête du média Next. Ils génèrent des articles à la chaîne, à l'aide de l'intelligence artificielle, comme le prouve le nombre beaucoup trop élevé de publications pour une main humaine: 20 minutes a repéré qu'un prétendu journaliste avait publié en son nom 37 articles différents en l'espace de 2h30. Impossible...

Faux conseils

Et les sujets ne sont pas choisis au hasard: des titres particulièrement accrocheurs, des thèmes susceptibles d'intéresser tout le monde. De soi-disant conseils argent, pouvoir d'achat, consommation mais aussi des témoignages inventés de toutes pièces pour apporter du crédit à de fausses astuces, censées aider les consommateurs à faire des économies.

Ces pratiques sont non seulement malhonnêtes mais aussi dangereuses. Le risque: faire croire à une aide qui n'existe pas, donner des espoirs inutiles, voire vous faire perdre votre temps à remplir un dossier qui n'aboutira jamais (par exemple, un article qui prétend que certains retraités ont droit à un rappel sur leur pension et doivent déposer un dossier avant le 30 juin, alors qu'il n'en est rien).

Mais ce type d'articles peut aussi entretenir des théories du complot farfelues, comme cette prétendue interview exclusive d'un grand dirigeant de banque, à popos des intérêts de vos livrets d'épargne soi-disant "volontairement sous-estimés": tout est faux.

Un faux site d'information prétend faire des révélations sur les intérêts du livret A
Un faux site d'information prétend faire des révélations sur les intérêts du livret A © Capture d'écran

Du côté des entreprises ciblées, les fausses informations nuisent à l'image de marque et créent la pagaille.

"On a reçu pas mal d'appels, on a dû rassurer beaucoup de clients sur le fait que non, il n'y aura jamais 25 fermetures successives de magasins, une ou deux fermetures ou quelques relocalisations peuvent arriver mais c'est tout," confie une porte-parole de Decathlon à RMC Conso.

En mars, Noz a également dû publier un démenti sur sa page Facebook: "Vous avez peut-être vu circuler des fausses rumeurs sur la fermeture de NOZ, dans certains médias sur Internet… Rassurez-vous, il s’agit de fausses informations."

Générer du trafic pour gagner de l'argent

L'intérêt pour ces sites est de générer le plus de trafic possible, donc vous faire cliquer coûte que coûte. D'où les accroches alléchantes, jouant avec le champ lexical du scandale, de la révélation, des informations "choc"...

Grâce à cela, les articles se retrouvent en bonne place dans les moteurs de recherche et sur Discover, la fonctionnalité de la recherche Google qui présente aux internautes des contenus en rapport avec leurs centres d'intérêt, en fonction de leur activité sur le web. Cette dernière revendique plus de 800 millions d'utilisateurs dans le monde.

Et même si Google prévient: "Évitez les tactiques visant à augmenter artificiellement l'engagement. Par exemple, veillez à ne pas fournir d'informations trompeuses ou exagérées dans le contenu des aperçus dans le simple but d'attirer l'attention", force est de constater que certains ont peu d'égard pour ces recommandations.

En multipliant le nombre de clics mensuels, ces sites peuvent vendre des espaces publicitaires sur leurs pages et gagner de l'argent grâce à ces contenus vides... Ils récupèrent au passage vos données personnelles, qui elles aussi sont revendues à des fins publicitaires.

"Les créateurs de ces pages sont rémunérés, jusqu’à 100.000 dollars quand le site atteint les 10 millions de visiteurs, d'après une simulation de revenus faite par Google," indique à ce sujet France Info dans une enquête publiée fin mars.

Peu de recours

Si une loi encadre la diffusion de fausses informations, elle se limite aux cas où l'information est de nature à troubler l'ordre public ou porter atteinte à la vie privée d'autrui (et punit de tels faits d'un an de prison et 45.000 euros d'amende). De fausses informations liées à l'argent ou la consommation ne sont donc pas concernées... Sauf dans le cas où des enseignes sont ciblées, si ces dernières estiment qu'elles ont subi un préjudice et décident d'intenter une action en justice.

Par exemple, Decathlon a confimé à RMC Conso avoir pris des mesures juridiques. L'article a d'ailleurs depuis été retiré. Le site qui avait initialement publié la "fake news" a même rédigé un article a posteriori pour alerter les lecteurs de l'existence de cette fausse information... Un comble.

Mais l'activité sur internet est difficile à réguler et à la minute où une fausse information est retirée, une nouvelle apparaît. La volatilité du web et la facilité avec laquelle il est possible de créer une page sur la toile empêchent des contrôles efficaces.

Recouper les sources

Difficile de savoir qui se cache réellement derrière ces faux sites. RMC Conso a tenté de joindre le dirigeant de "laplasturgie.fr" mais ce dernier n'a pas répondu à nos sollicitations.

Damien Bancal, expert en cybersécurité, a mené une recherche pour RMC Conso, en vain: le créateur du site a anonymisé l'ensemble des informations le concernant. On sait toutefois que le site dont il a fait l'acquisition en 2022 appartenait auparavant à la Fédération de la plasturgie et des composites... Cette dernière est devenue Polyvia en 2021 et a donc probablement revendu ce nom de domaine à bas coût.

Un nom étrange comme celui-là, qui n'a a priori rien à voir avec un média, doit vous alerter. Parmi les autres sites que nous avons repérés, on trouve "atelier-de-france" ou encore "cafebabel", des noms, là encore, surprenants pour des sites d'information.

Pour éviter de tomber dans le panneau, recoupez toujours les informations que vous lisez en consultant plusieurs sources différentes, et fiez-vous à des sites d'informations reconnus.

Charlotte Méritan