Arrondi à l'euro supérieur lors de vos passages en caisse: où vont vraiment vos dons?
"Voulez-vous arrondir à l'euro supérieur pour aider Les Restos du Coeur?" 66% des Français ont déjà eu à répondre à cette question fatidique, selon une étude OpinionWay pour MicroDON de novembre 2023. Et sur ces 66%, 44% ont déjà appuyé sur le bouton vert, pour "oui". Il s'agit de l'arrondi solidaire: un don de quelques dizaines de centimes à destination d'une association.
Pourtant, 45% des Français ayant répondu à l'étude ne sont pas prêts à donner via ce dispositif. Les raisons sont multiples: manque de moyens, agacement face aux trop nombreuses sollicitations à donner, sentiment que quelques centimes ne feront pas la différence, ou suspicion à l'égard du mécanisme. "Où va vraiment l'argent?" se demandent certains. RMC Conso répond à vos questionnements sur le dispositif.
Franprix pionnier
C'est une entreprise, MicroDON, qui a mis en place ce système à partir de 2013.
"Après quatre ans à essayer de convaincre les enseignes, qui étaient plutôt réticentes au début, on a lancé le dispositif chez Franprix", raconte Mathieu Jubré, directeur général délégué de MicroDON, contacté par RMC Conso.
Aujourd'hui, l'outil est déployé dans 35 enseignes et bénéficie à près de 1000 associations. Quelques concurrents se sont aussi lancés pour proposer des solutions similaires aux commerces indépendants.
Comment ça marche
"C'est une solution technique développée avec notre partenaire, qui fabrique les terminaux de paiement. L'application dans le terminal envoie, à chaque paiement, l'information à la comptabilité de l'enseigne pour qu'elle puisse distinguer le montant destiné aux achats et le montant du don", explique Mathieu Jubré.
Les dons sont donc encaissés par l'enseigne, chaque fois que vous acceptez, en appuyant sur le bouton vert, que soient prélevées sur votre carte bancaire quelques dizaines de centimes d'euros pour une association.
Zéro commission pour l'enseigne
Mais l'enseigne ne prend aucune commission sur ces sommes, elle reverse l'intégralité des fonds récoltés à l'association.
"L'enseigne a un compte bancaire dédié, l'association aussi, et nous on reçoit toutes les informations à chaque transfert d'argent, de sorte que l'on a une vue de A à Z sur les mouvements de fonds" affirme le directeur de MicroDON, qui a d'ailleurs un agrément de l'Etat en tant qu'entreprise sociale et solidaire.
Tout est donc très encadré. MicroDON assure suivre de près l'utilisation qui est faite des dons récoltés, et, en amont des campagnes, que les associations bénéficiaires sont sérieuses et qu'elles répondent à une mission d'intérêt général.
"Les comptes sont épluchés, de nombreuses pièces sont demandées, on vérifie l'identité des personnes à la tête des associations, leur santé financière, qu'il n'y a pas de conflits d'intérêt, de polémiques les concernant, d'exclusion bancaire... tout est passé à la moulinette", détaille Mathieu Jubré.
Pour ce travail, MicroDON se rémunère en prenant une commission de 10% sur les dons, et via des abonnements que l'entreprise fait payer aux enseignes. Ces dernières financent la mise en place du dispositif. L'avantage pour elles: tirer profit de l'image positive que renvoient ces campagnes solidaires.
Améliorer la transparence
En revanche, Mathieu Jubré reconnaît des points à améliorer en termes d'information des consommateurs. Selon l'étude OpinionWay pour MicroDON, deux tiers des Français souhaiteraient plus de renseignements sur l'affectation des dons.
"On travaille pour que le message sur le terminal de paiement soit le plus clair possible, qu'il donne des informations précises malgré l'espace restreint" commente le directeur de MicroDON.
Normalement, à chaque campagne, un panneau publicitaire est censé donner des informations aux clients de l'enseigne, pour savoir à qui ils ont affaire, quelle cause est défendue, etc.
"Malheureusement ces panneaux ont une durée de vie limitée, ils sont rapidement abîmés ou arrachés, regrette Mathieu Jubré. On essaie aussi de mieux former le personnel en magasins pour qu'il puisse renseigner les donateurs ou au moins les orienter vers le site internet de l'association".
Pas de défiscalisation possible
En principe, le lien renvoyant vers le site de l'association est présent sur le ticket de carte bancaire... A condition de penser à le demander au commerçant et à le conserver.
Inutile toutefois de le garder dans l'idée de défiscaliser. Même si en France, en théorie, on peut défiscaliser un don à partir de 5 euros, en pratique il n'y a pas de reçu fiscal émis pour de si petits dons. "Le coût du reçu, pour l'association, serait plus élevé que le montant du don" justifie à ce sujet Mathieu Jubré.
Mais finalement, les clients ne le demandent jamais. C'est d'ailleurs le côté "indolore" que représente un don de quelques dizaines de centimes d'euros qui participe au succès des opérations. Les consommateurs sont plus prompts à donner s'ils n'ont pas l'impression que cela affecte trop négativement leur pouvoir d'achat.
50 millions d'euros en cinq ans
Il ne faut pas toutefois penser que ces dons sont inutiles car faibles, la preuve: en 2023, MicroDON a récolté 13 millions d'euros, et 50 millions en l'espace de cinq ans.
A titre de comparaison, les Pièces jaunes ont réuni 2 millions d'euros en 2023.
2,8 millions d'euros collectés par Auchan
Une des enseignes partenaire, Auchan, contactée par RMC Conso, nous affirme avoir eu dix associations bénéficiaires en 2023, parmi lesquelles les Restos du coeur, dans le cadre d'une campagne d'un mois suite à leur appel en octobre 2023.
"Environ 7,2% des clients disent oui à l'arrondi et le retour client est plutôt positif" énonce Auchan.
Malgré le taux de participation qui peut sembler assez peu élevé, Auchan a collecté 2,8 millions d'euros au total. L'enseigne démarre une nouvelle opération le 21 mars prochain pour l'association Des enfants et des arbres.
D'autres enseignes, comme Franprix, Maisons du Monde, Sephora ou encore Monoprix attendent la générosité des Français avec des opérations en cours. Une générosité qui n'a pas été ébranlée par l'inflation: en 2022, les dons ont même progressé, atteignant 3 milliards d'euros toutes associations confondues.
Une hypothèse pour l'expliquer? Donner rend heureux, selon plusieurs études scientifiques...