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Épargne: avec la chute du Livret A, l'assurance-vie est-elle le placement idéal?

Des billets et des pièces de monnaie (illustration épargne).

Des billets et des pièces de monnaie (illustration épargne). - AdobeStock

Alors que le Livret A a subi une décollecte au mois de juillet 2025, l'assurance-vie atteint des niveaux plus vus depuis quinze ans. Faut-il flécher son épargne vers ce placement dès maintenant? Un expert répond à RMC Conso.

La perte de vitesse de l'un contraste avec l'état de grâce de l'autre. D'un côté le Livret A, longtemps présenté comme le "placement préféré des Français". Il faut dire que près de plus de 55 millions d'entre eux, soit plus de 80%, en possèdent un.

Mais en juillet, il a subi une certaine déconvenue: une décollecte. Concrètement cela signifie que sur ce mois, les Français ont retiré plus d'argent de leurs Livrets A qu'ils n'en ont mis dessus.

Cette décollecte n'est pas très importante: 70 millions d'euros. Mais elle est notable car un an auparavant, sur le mois de juillet 2024, la collecte était positive, à 1,57 milliard d'euros. Autre signal inquiétant: c'est la deuxième fois de l'année que le Livret A est plombé par une décollecte, après celle survenue en avril (200 millions d'euros).

L'assurance-vie bat des records de collecte

De l'autre côté, l'assurance-vie bat des records. Sur les six premiers mois de l'année 2025, sa collecte a atteint 26,6 milliards d'euros, annonçait fin juillet France Assureurs. C'est beaucoup plus que lors des six premiers mois de l'année 2024, où cette collecte atteignait tout de même déjà 10,9 milliards d'euros. Et c'est surtout un record: l'assurance-vie n'avait plus atteint un tel montant depuis 2010.

L'encours net de l'assurance-vie a donc atteint les 2.052 milliards d'euros à fin juin, en hausse de 5% sur un an. Pour l'économiste Philippe Crevel, directeur du Cercle de l'épargne, ce placement bénéficie à la fois du fait que les Français n'ont jamais autant épargné, en moyenne 18,8% de leurs revenus, et d'autre part, du fait que les placements de court et moyen terme baissent plus vite. Le Livret A, mais il cite également les comptes à terme par exemple.

L'encours total du Livret A, lui, n'est "que" de 432 milliards. Une telle différence avec celui de l'assurance-vie s'explique bien sûr par le fait que l'un est plafonné (22.950 euros pour le Livret A), tandis que l'autre non. Néanmoins, on peut tout de même se demander si l'assurance-vie n'a pas dérobé le titre de "placement préféré des Français". Et s'il ne faudrait pas le privilégier désormais, quitte à faire basculer l'épargne gardée sur son Livret A dessus...

Le taux de l'assurance-vie devient plus intéressant

Un des premiers arguments qui pourraient inciter à le faire est le rendement. On le sait, celui du Livret A a particulièrement diminué au cours de l'année: 3% en janvier, 2,4% de février à juillet, et 1,7% depuis le 1er août.

Cette dégringolade lui a été particulièrement préjudiciable: à 3%, le Livret A était imbattable pour de l'épargne sécurisée, et le garder rempli était le mieux à faire, mais aujourd'hui, la question d'en transvaser une partie vers un autre placement se pose.

Philippe Crevel note tout de même que "la grosse partie de cette baisse est passée. Nous sommes à un point bas d'inflation, et le taux du Livret A devrait donc se stabiliser lors de ses révisions futures, la prochaine étant prévue pour février 2026".

Néanmoins l'assurance-vie, elle aussi, jouit d'une certaine sabilité ces temps-ci. En ce qui concerne les fonds euros, Philippe Crevel rappelle que leur rendement est publié chaque début d'année par les assureurs. Et qu'il tient compte des taux d'obligations souverains des États (et non de l'inflation et des taux directeurs comme le Livret A).

Ces taux, et donc les rendements des fonds en euros sont relativement hauts depuis deux ans (environ 2,5% en 2024), et pour l'économiste cela devrait durer.

"Compte tenu des déficits publics des États, ils vont avoir besoin de se financer et les taux souverains vont rester plutôt élevés. Sauf en cas d'accident (il faut toujours rester prudent en économie), je pense que les rendements devraient encore s'établir autour de 2,6 voire 2,7% pour les fonds en euros. Et un tel taux cache souvent des taux promotionnels d'assureurs, qui peuvent monter à 4%", analyse l'économiste.

Les unités de compte ont la cote

C'est là un avantage des fonds euros par rapport au Livret A: alors que ce dernier subit directement la baisse des taux d'intérêt de court terme et de l'inflation, le fonds euros réagit plus tard. Ce qui permet à son rendement d'être plus intéressant, alors même qu'il est fiscalisé. Les gains sont notamment soumis au prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30% et détaillé par le ministère de l'Économie ici.

Mais Philippe Crevel souligne l'engouement que connaissent également les assurances-vie en unités de compte. Ce sont effectivement elles qui connaissent la croissance la plus importante, même si leur encours reste plus bas que les fonds euros. De l'ordre de 1.550 milliards pour les fonds euros, contre 538 milliards pour les unités de compte, d'après le dernier Rapport sur l'épargne réglementée de la Banque de France.

Pour rappel les unités de compte reposent sur les marchés, et comportent donc un risque de variations de capital. Mais Philippe Crevel note l'évolution de la perception de celles-ci.

"Avant lorsqu'il y avait un coup de grisou boursier, on voyait beaucoup de retraits des assurances-vie. Désormais, un épargnant va laisser son argent en se disant que ça va passer, et que le capital va se reconstituer", remarque-t-il.

Il note par ailleurs que ces moments où les cours boursiers chutent sont aussi ceux où des épargnants, souvent jeunes, décident de se lancer. En quelque sorte par opportunisme.

Faut-il faire basculer son épargne vers l'assurance-vie?

Que l'on ait une assurance-vie en fonds euros ou en unités de compte, la même question peut se poser: peut-il être intéressant de retirer de l'argent de son Livret A, pour l'orienter vers son assurance-vie?

Pour Philippe Crevel, un tel mouvement peut tout à fait s'envisager: avec son taux à 1,7%, il n'est plus forcément si intéressant de conserver un Livret A rempli à 22.950 euro. Quelques petites précautions sont à prendre tout de même.

D'abord, il faut toujours conserver une épargne de précaution. Le Livret A a le gros avantage d'être liquide: je peux librement ajouter et retirer de l'argent dessus. Avec le Livret d'épargne populaire (LEP), ce sont les placements idéaux pour laisser l'équivalent de deux à trois mois de son salaire (l'épargne de précaution qu'il est généralement recommandé d'avoir). Il faut donc toujours garder une telle somme, voire plus, dessus.

En outre, l'assurance-vie est un placement de moyen voire long terme. L'intérêt est de la garder le plus longtemps possible sans y toucher, pour idéalement bénéficier de sa fiscalité plus avantageuse au bout de 8 ans (qui passe alors de 30% à 24,7%). Pour Philippe Crevel, il faut donc prendre en compte les besoins financiers que l'on va avoir à l'avenir.

"Si vous avez votre voiture à changer dans les prochains mois, n'allez pas vider vos livrets d'épargne réglementée pour mettre ces économies sur votre assurance-vie", conseille-t-il.

En résumé, si vous avez par exemple votre Livret A rempli à 22.950 euros, et éventuellement un Livret de développement durable et solidaire (LDDS), vous pouvez vous permettre d'en transvaser une bonne partie sur votre assurance-vie. Mais veillez bien à évaluer vos besoins financiers à court ou moyen terme. Et surtout conservez une épargne de précaution suffisamment importante.

Arthur Quentin