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Le challenge 333, la tendance TikTok qui nous pousse à réduire notre consommation de vêtements

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Le challenge 333 a été créé fin octobre par une influenceuse canadienne. Le but: faire le plus de tenues possibles avec neuf vêtements, pour nous inviter à revoir notre rapport à la mode et nos habitudes de consommation.

Faut-il adhérer au challenge 333? Cette tendance lancée sur le réseau social TikTok en novembre dernier entend nous inciter à limiter notre consommation de vêtements et est particulièrement dans l'air du temps, avec la proposition de loi de taxe sur la fast fashion votée à l'Assemblée nationale jeudi dernier.

S'imposera-t-elle un jour dans nos modes de consommation? Décryptage d'un phénomène qui n'a rien de nouveau mais revient épisodiquement sur le devant de la scène.

Une influenceuse canadienne à l'origine du défi

Sur TikTok, Rachel Spencer, influenceuse canadienne aux 200.000 abonnés, n'en revient pas: "Mon 333 challenge a été validé par Vogue et devient viral, il fait le tour de la planète!" s'exclame-t-elle avec enthousiasme.

Fin octobre, la jeune femme publiait sa première vidéo d'une petite minute consacrée au sujet. L'objectif: montrer qu'avec neuf vêtements seulement (trois hauts, trois bas, trois paires de chaussures), on peut réaliser de multiples tenues différentes.

"Tenue numéro dix, tenue numéro onze, tenue numéro douze"... Les images défilent, chacune mettant en scène Rachel dans un look différent, toujours avec les neuf mêmes pièces. Au total, elle parvient à en proposer 23, transformant veste en robe et chemise en jupe en un tour de main et montrant ainsi à ses spectateurs qu'il est possible d'avoir de l'allure même avec très peu d'habits.

8,2 millions de vues sur TikTok

Le mot-dièse #333challenge cumule à ce jour 8,2 millions de vues sur TikTok. L'idée résonne particulièrement fort, en ces temps de remise en question de la fast fashion, cette mode portée par certaines enseignes, notamment chinoises, qui fabriquent à bas coûts des milliers de modèles par jour et représentent une industrie extrêmement polluante.

Jeudi 14 mars, l'Assemblée nationale a voté à l'unanimité en faveur d'une loi qui vise à taxer cette mode peu éthique, pour l'empêcher de vendre trop bon marché des pièces de piètre qualité fabriquées dans des conditions déplorables.

Mais le challenge 333 a-t-il véritablement vocation à nous inciter à acheter moins? Les publications quotidiennes de Rachel Spencer permettent d'en douter: la jeune femme poste chaque jour photos et vidéos d'elle dans de nouveaux vêtements. On la contemple régulièrement en train de faire des achats et des essayages face caméra.

Pas sûr donc que son but soit véritablement de promouvoir la mode minimaliste (au contraire, les partenariats des influenceurs avec les marques nous poussent plutôt à consommer toujours plus).

Une tendance née il y a une quinzaine d'années

C'est pourtant bien le projet originel du défi, inspiré en réalité d'un livre sorti en 2020: "Le projet 333: le défi de la mode minimaliste" écrit par une Américaine, Courtney Carver. L’invitation était cette fois de ne conserver de sa garde-robe que 33 pièces à porter pendant trois mois.

Il y a une quinzaine d'années déjà, une influenceuse norvégienne avait proposé un concept similaire. Mais la papesse du genre est certainement la Japonaise Marie Kondo, qui a fait le buzz au début des années 2010 avec sa méthode de rangement draconienne. Celle-ci consistait à se demander, pour chaque vêtement, s'il nous procurait ou non de la joie. Non? Alors poubelle (ou don, revente, etc).

Encore plus drastique, une Indienne du nom de Sheena Matheiken avait, en 2009, lancé son "Uniform project": porter la même robe tous les jours pendant un an.

La mode minimaliste rend heureux

Sans être aussi rigoriste, le simple fait de réduire notre consommation de vêtements pourrait avoir un véritable effet sur notre bien-être, selon une étude de 2021 portée par plusieurs chercheurs. Parmi eux, Aurore Bardey, chercheuse et professeur de marketing à la Burgundy School of Business, à Dijon, explique à RMC Conso:

"En faisant l'expérience sur dix jeunes femmes à qui l'on a imposé une garde-robe très réduite pendant trois semaines, on s'est rendu compte que la mode minimaliste avait un effet positif sur les émotions."

"Elles étaient moins stressées et moins fatiguées. Faire un choix face à une armoire pleine de vêtements chaque matin entraîne une réaction cognitive négative," détaille-t-elle.

Selon elle, la mode minimaliste participe aussi à une éducation des consommateurs à prendre conscience de leurs choix de consommation.

"Mais ce n'est pas pour tout le monde, prévient-elle. Oui ça fait économiser de l'argent, du temps et de la fatigue mais cela peut aussi faire un peu peur. Par les vêtements, on exprime sa personnalité, certains ne sont pas prêts à se contenter de quelques pièces seulement."

Une ampleur limitée

C'est peut-être une des raisons pour lesquelles le mouvement, bien que vieux de 15 ans déjà, n'atteint pas encore l'ampleur que les associations écologistes aimeraient qu'il prenne. La preuve: selon le constat fait par l'ONG Les amis de la terre, en 2022, nous avons chacun en moyenne acheté 48 nouveaux vêtements. C'était 35 en 2020.

Un phénomène de surconsommation que la loi sur la fast fashion espère en partie enrayer. Pour favoriser, si ce n'est pas la garde-robe minimaliste, d'autres manières de consommer une mode plus vertueuse pour l'environnement comme la mode éthique, la seconde main ou encore la location de vêtements.

L'industrie textile est en effet responsable de 10% des émissions de gaz à effet de serre. Un chiffre qui pourrait monter à 26% d'ici 2050 selon l'ADEME (agence pour la transition écologique) si l'on poursuit nos tendances actuelles de consommation.

Charlotte Méritan