TikTok menacé aux Etats-Unis: Pékin dénonce "des méthodes de voyou"

La Chine a dénoncé ce jeudi des "méthodes de voyou" après un vote au Congrès américain qui renforce la menace d'interdiction aux Etats-Unis de l'application chinoise TikTok, au nom de la sécurité nationale.
"Si un soi-disant prétexte de sécurité nationale peut être utilisé pour écarter arbitrairement des entreprises performantes d'autres pays, alors il n'y a plus d'équité ni de justice", a fustigé face à la presse Wang Wenbin, un porte-parole du ministère des Affaires étrangères. "Quand quelqu'un voit une bonne chose d'une autre personne et veut la lui prendre, ce sont assurément des méthodes de voyou", a-t-il ajouté.
La Chine fait planer la menace de la rétorsion
Pékin n'a pas caché sa colère jeudi au lendemain de l'adoption par la Chambre américaine des représentants d'une proposition de loi qui demande au réseau de couper tout lien avec la Chine. C'est un développement majeur pour l'application, même si l'issue du vote à venir au Sénat reste incertaine.
"Le texte voté à la Chambre américaine des représentants place les Etats-Unis va à l'encontre du principe de concurrence loyale et des règles internationales en matière d'économie et de commerce", a estimé Wang Wenbin.
"Les Etats-Unis doivent (...) cesser les pressions destinées à écarter injustement des entreprises étrangères" de leur marché, a de son côté déclaré un porte-parole du ministère chinois du Commerce, avertissant que la Chine "prendra toutes les mesures nécessaires" pour défendre ses entreprises. Il n'a pas précisé en quoi pourraient consister ces mesures.
Peu avant la réaction officielle chinoise, le PDG de TikTok, Shou Zi Chew, avait appelé ses 170 millions d'utilisateurs aux Etats-Unis à réagir. "Faites-vous entendre", a-t-il lancé sur TikTok et sur le réseau social X après le vote, à moins de huit mois de l'élection présidentielle de novembre.
"Nous ne cesserons pas de vous défendre et nous continuerons à faire tout ce qui est en notre pouvoir, y compris en exerçant nos droits légaux, pour protéger cette formidable plateforme que nous avons construite avec vous", a-t-il ajouté.
Le dirigeant a estimé que la loi mettait en danger "300.000 emplois" aux Etats-Unis, menaçant notamment de priver des "petites entreprises qui dépendent de TikTok" de "milliards de dollars" de revenus.
Soupçons d'espionnage
TikTok est depuis plusieurs mois dans le collimateur des autorités américaines, de nombreux responsables estimant que l'application de vidéos courtes et divertissantes permet à Pékin d'espionner et de manipuler les citoyens américains.
Le groupe chinois conteste farouchement ces allégations, nie avoir transmis des informations aux autorités chinoises et assure qu'il refuserait toute requête éventuelle en ce sens.
Le texte de loi, adopté à une large majorité de 352 voix sur 432 élus, "n'interdit pas TikTok", a fait valoir le chef de file des démocrates à la Chambre des représentants, Hakeem Jeffries.
"Il vise à solutionner des questions légitimes de sécurité nationale et de protection des données liées aux rapports du Parti communiste chinois avec un réseau social", a-t-il expliqué. "Ce processus a été mené en secret et le texte présenté en urgence pour une raison: il s'agit d'une interdiction", a réagi un porte-parole de TikTok auprès de l'AFP.
Incertitude au Sénat
Le sort du projet de loi est incertain au Sénat, où des personnalités de premier plan s'opposent à une mesure aussi radicale à l'encontre d'une application extrêmement populaire.
Le chef de file des démocrates à la chambre haute, Chuck Schumer, a simplement pris acte du vote, mercredi, sans se prononcer. Le président américain Joe Biden a déclaré qu'en cas d'adoption au Sénat, il promulguerait le texte.
La proposition de loi obligerait ByteDance, la société mère de TikTok, à vendre l'application dans un délai de 180 jours, faute de quoi elle serait exclue des boutiques d'applications d'Apple et de Google aux Etats-Unis. Aucun acquéreur potentiel ne s'est pour l'instant officiellement manifesté.
Amende de l'Italie, l'UE s'inquiète des deepfake
Par ailleurs, la Commission européenne a réclamé ce jeudi des explications à huit grands services en ligne, dont TikTok, Facebook, Google, YouTube et X (anciennement Twitter), sur la façon dont ils gèrent les risques liés à la diffusion de contenus manipulés ("deepfakes").
Bruxelles s'inquiète notamment de l'impact sur les processus électoraux des sons, photos et vidéos truquées grâce à l'intelligence artificielle générative. Cette demande d'informations, dans le cadre du nouveau règlement sur les services numériques (DSA), n'est pas une mise en cause à ce stade mais constitue la première étape d'une procédure pouvant conduire à de lourdes amendes en cas d'infractions avérées.
L'Italie a infligé au réseau social chinois TikTok une amende de dix millions d'euros pour manque de contrôle sur les contenus, en particulier ceux pouvant menacer la sécurité des mineurs, a annoncé jeudi le gendarme de la concurrence.
La sanction vise trois sociétés du géant chinois Bytedance Ltd: l'irlandaise TikTok Technology Limited, la britannique TikTok Information Technologies UK Limited et l'italienne TikTok Italy Srl, a précisé l'Autorité de la Concurrence et du Marché dans un communiqué.
"Les contrôles de la société sur les contenus circulant sur la plateforme sont inadéquats, en particuliers ceux pouvant menacer la sécurité des mineurs", a-t-elle fait valoir.