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Jusqu'à 300 jours de retard de paiement: MaPrimeRénov', pourquoi tant de dysfonctionnements?

MaPrimeRénov' (illustration).

MaPrimeRénov' (illustration). - GettyImages

Le dispositif de l'État d'aide à la rénovation énergétique MaPrimeRénov' croule sous les demandes. Pour beaucoup de ménages, l'aide n'est versée qu'au bout de longs mois.

Un budget qui baisse malgré toujours plus de demandes, dont beaucoup sont frauduleurses. Et toujours plus de dossiers bloqués, avec des délais de paiement toujours plus longs. Le dispositif d'aide à la rénovation énergétique MaPrimeRénov' est dans le dur.

Ce lundi 12 mai est organisée une manifestation devant le siège de l'Agence nationale de l'habitat (Anah), l'opérateur de l'État chargé de verser les fonds. De nombreux particuliers ainsi que des entreprises de rénovation, qui souvent avancent les travaux et reçoivent directement le paiement de la prime à la place de leur client, lui reprochent des dysfonctionnements. RMC Conso fait le point.

• Qu'est-ce que MaPrimeRénov' ?

MaPrimeRénov' est une aide versée par l'État sous conditions de ressources, aux foyers propriétaires de leur logement, s'engageant dans une rénovation énergétique de celui-ci. Le montant de la prime fluctue en fonction des ressources du ménage, ainsi que de l'ampleur de la rénovation.

Pour ce qui est des conditions de ressources, trois catégories de revenus ont été établies. Les ménages aux revenus "très modestes" (moins de 17.173 euros par an pour une personne seule vivant hors Île-de-France); "modestes" (moins de 22.015 euros) et "intermédiaires" (moins de 30.549 euros). Les ménages aux revenus "supérieurs" ont droit à une aide aussi, mais plus limitée. Les plafonds sont en outre plus hauts pour les personnes vivant en Île-de-France. Tous ces plafonds sont à retrouver sur Service-public.fr.

Concernant l'ampleur des travaux, tout dépend de si vous faites une rénovation d'ampleur, qui permet un gain d'au moins deux classes au Diagnostic de performance énergétique (DPE). Ou alors un "parcours par geste", c'est-à-dire un ou plusieurs petits travaux: isolation, changement du système de chauffage ou d’eau chaude sanitaire décarboné...

Le montant de l'aide est donc extrêmement fluctuant. Il peut aller de seulement quelques centaines d'euros pour un ménage intermédiaire faisant simplement quelques travaux. À 56.000 euros, dans le cas (rare cependant) d'un ménage très modeste effectuant une rénovation lui permettant d'obtenir quatre classes de DPE ou plus.

• Un budget en baisse malgré plus de demandes

Une aide particulièrement intéressante, surtout au vu du contexte sur le sujet. Depuis le 1er janvier 2025 par exemple, les logements classés G au DPE sont interdits à la location. Le tour de ceux classés F viendra en 2028. De plus en plus de ménages entament donc des travaux dans leur logement, et déposent des dossiers sur la plateforme MaPrimeRénov.

Entre janvier et mars 2025, l'Anah a reçu 33.222 dossiers pour les seules rénovations d'ampleur, soit trois fois plus qu'en 2024 sur la même période. Au dernier trimestre 2024, ce chiffre a même atteint 70.408 dossiers. Des chiffres qui n'incluent pas les demandes MaPrimeRénov' Parcours par geste, lesquelles sont encore plus nombreuses.

Plusieurs centaines de milliers de demandes par an. Problème, le budget alloué par l'État à MaPrimeRénov' est restreint. Surtout en ces temps d'économie budgétaire, où le gouvernement souhaite baisser de 40 milliards le budget pour 2026. Les finances de MaPrimeRénov' risquent de ne pas être suffisantes pour suivre l'envolée des demandes.

Elles ont même déjà bien baissé. En 2025, l'enveloppe allouée à l'État au dispositif est de 2,3 milliards d'euros, contre 4 milliards en 2024.

• Des délais de paiement passés de 35 à 300 jours

Le gouvernement a justifié cette baisse du budget en partie par une "sous-consommation" du budget des précédentes années. Concrètement, l'Anah n'aurait versé en 2024 que 3,29 milliards d'euros d'aides, alors qu'elle disposait d'un budget largement supérieur.

Pourquoi? Simplement car énormément de foyers ayant validé leur dossier et effectué leurs travaux attendent encore le paiement de PrimeRénov'. D'après les chiffres d'une entreprise de rénovation énergétique, Helio Finance, et relayés par Le Parisien, les délais de paiement auraient bondi en l'espace de quelques années.

En 2021, au début du dispositif MaPrimeRénov', il fallait attendre cinq semaines à partir de la fin du chantier pour recevoir l'aide de l'Anah. En 2025, ce délai serait monté à 300 jours.

Ces retards de paiement sont le principal reproche que les particuliers et les entreprises font à l'Anah. Beaucoup s'endettent effectivement pour financer leurs travaux, et se retrouvent en difficulté économique.

• La hausse de la fraude comme explication?

Auprès du Parisien, le ministère du Logement, en charge de l'Anah, a contesté ce chiffre de 300 jours de délai de paiement. Mais a concédé le fait que les délais d'instruction des dossiers déposés avaient augmenté, passant de 70 à 100 jours en moyenne.

Un ralentissement des procédures, justifié par la hausse de la fraude. Et de ce fait de la lutte contre celle-ci. En raison des sommes importantes versées dans le cadre de ce dispositif, beaucoup de personnes cherchent à en obtenir pour des rénovations inexistantes.

D'après l'Anah, un dossier reçu sur dix est frauduleux. En 2024, cela a représenté selon elle un total de 44.000 dossiers retoqués, pour environ 230 millions d'euros de fraude évités.

L'explosion des tentatives d'escroquerie au faux dossier, et la débauche de moyens de l'Anah pour lutter contre, justifieraient donc les nombreux retards de paiement. L'établissement public, qui compte près de 300 agents, serait quelque peu submergé.

Malgré ce contexte, le ministère du Logement se montre tout de même optimiste. Le nombre de rénovations d'ampleur a triplé sur le premier trimestre 2025 par rapport à 2024 (18.000 contre 6.000). Et cette dynamique devrait continuer.

Arthur Quentin