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Rénovation énergétique: "Je croyais que c'était un devis", les démarchages frauduleux se multiplient

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Les sénateurs examinent mercredi et jeudi une proposition de loi sur les fraudes aux aides publiques, et notamment les démarchages à domicile à des fins de rénovation énergétique. Un phénomène qui touche de plus en plus de personnes. Une retraitée explique à RMC avoir signé un bon de commande de 26.000 €, pensant que c'était un devis.

Après son adoption à l’unanimité à l'Assemblée, les sénateurs examinent mercredi et jeudi une proposition de loi sur les fraudes aux aides publiques. Elle s’attaque notamment aux détournements d’aides publiques comme MaPrimeRénov’ ou encore les certificats d’économies d’énergie.

Dans ce cadre, l'UFC-Que choisir a lancé mardi un appel aux sénateurs pour interdire immédiatement le démarchage à domicile à des fins de rénovation énergétique. Démarchage à l'origine de "pratiques nocives" massives aux "conséquences désastreuses" pour les personnes vulnérables.

L’association de consommateurs recense au moins 1.000 litiges depuis 2018 liés à ce type de démarchage. RMC a rencontré une victime en Gironde. Cela faisait quelque temps que Marie-Hélène souhaitait installer des panneaux solaires et le mois dernier, elle a été démarchée par une entreprise.

"Ils m'ont envoyé un technicien et je croyais qu'ils me faisaient un devis, mais ils ne m'ont pas fait un devis, ils m'ont fait une commande", déplore-t-elle. Sans le savoir, cette retraitée signe un bon de commande de 26.000 euros, un montant 4 fois supérieur au prix du marché, avec, en plus, un prêt à la consommation contracté: "J'ai reçu un papier de Sofinco, c'est un prêt. 176 euros tous les jours".

"Je ne savais pas, je me suis sentie prise au piège. Je me suis dit 'purée, je ne suis pas bête' et là je n'ai pas réfléchi", déplore Marie-Hélène

"Ça entache la profession"

La semaine dernière, elle finit par appeler une autre entreprise d’installation de panneaux solaires pour lui expliquer son problème. "On a une recrudescence de gens qui nous appellent à la suite d'un démarchage à domicile, pour vérifier les dires". Yann Chapet est le patron de cette entreprise qui l’a aidée à se rétracter au dernier moment. Lui plaide pour l’interdiction pure et simple du démarchage dans son secteur.

"Derrière, ça entache quand même la profession. Et puis, on a une telle demande aujourd'hui que personnellement je ne vois pas l'intérêt d'aller démarcher les gens", explique le professionnel. Le patron conseille de toujours vérifier qui vous appelle, en allant par exemple dans les locaux de l’entreprise.

"Phénomène massif d'arnaques"

Après avoir analysé un millier de litiges individuels recensés depuis 2018, l'association de consommateurs relève que les "pratiques déviantes" de démarchage à domicile sont "particulièrement fréquentes" dans le domaine de la rénovation énergétique. Les litiges traités par les antennes locales de l'association témoignent d'un "phénomène massif d'arnaques" dont sont victimes les personnes démarchées sous couvert de rénovation énergétique, souligne l'UFC dans un communiqué.

"Le démarchage à domicile lié à la rénovation énergétique est dangereux. Il repose sur nombre de pratiques toxiques et déloyales pour arracher (aux démarchés) la signature d'un bon de commande au montant excessif et bien souvent non honoré", prévient Marie-Amandine Stévenin, présidente de l'UFC-Que Choisir citée dans le communiqué.

20 millions d'euros de préjudice

Les montants des préjudices sont évalués en moyenne à 20.000 euros par dossier, soit environ "20 millions d'euros de préjudice économique au global pour les seuls litiges traités par les associations locales UFC-Que Choisir".

Une proportion importante de ces litiges concerne des personnes âgées ou en situation d'invalidité, cible privilégiée des démarcheurs qui associent "discours techniques, fausses allégations et pressions psychologiques pour conduire la victime à conclure un contrat l'engageant souvent sur des montants considérables", explique l'association.

De plus, certains professionnels se font parfois indûment passer pour des opérateurs publics ou mandatés par un organisme officiel et les personnes démarchées sont également "fréquemment induites en erreur sur le montant des aides publiques que leur font miroiter les démarcheurs".

Les travaux parfois réalisés laissent de surcroît souvent place à des malfaçons, qu'il s'agisse de travaux d'isolation du logement (30% des dossiers), d'installation de pompes à chaleur (33% des cas) ou encore de l'installation d'équipements de production d'énergies renouvelables (37%). Depuis 2020, le démarchage téléphonique dans le secteur de la rénovation énergétique est interdit par la loi.

SG avec Pierre Bourgès