RMC

Cash Investigation sur les pesticides: "Nous sommes les plus gros consommateurs d'Europe"

Le magazine d'information Cash Investigation diffuse ce mardi soir à 20h50 sur France 2 son enquête sur la vente et l'utilisation des pesticides dans notre pays. Et ses conclusions font froid dans le dos. Trois départements – la Gironde, la Marne et la Loire-Atlantique – sont particulièrement envahis de pesticides, explique sur RMC le journaliste Martin Boudot.

On les retrouve partout: dans l'air, dans l'eau, dans nos assiettes, sur les cheveux de nos enfants... Et ils sont accusés de provoquer des dérèglements hormonaux et des malformations chez nos enfants. Leurs noms ? Le Folpel, l’Atrazine, le Chlorpyrifos-éthyl… L'émission de France 2 Cash Investigation, diffusée ce mardi soir à 20h50, a enquêté sur les pesticides en France et leurs effets sur notre santé. 65.000 tonnes de ces produits phytosanitaires sont répandus sur notre territoire chaque année. "Nous sommes les plus gros consommateurs de pesticides d'Europe", se désole ce mardi sur RMC Martin Boudot, journaliste réalisateur qui a mené l'enquête pour Cash Investigation. Conséquence : 97% de nos aliments contiennent des résidus de pesticides. Un enfant peut ainsi être exposé à 130 résidus chimiques par jour, en grande majorité des pesticides.

"On a demandé à avoir accès à la base de données de vente des pesticides en France, on nous l'a refusé, raconte Martin Boudot. C'est pourtant une base de données publique gérée par le ministère de l'Écologie et le ministère de l'Agriculture. Une source nous l'a finalement donnée. On s'est rendu compte qu'il y avait un nombre de pesticides dangereux, classés comme tels – cancérigènes, neurotoxiques, perturbateurs hormonaux… -, qui étaient utilisés en grande quantité" dans notre agriculture.

"La viticulture c'est 3% des terres pour 20% de l'utilisation des pesticides"

A partir de cette base de données des ventes de pesticides entre 2008 et 2013, l'équipe de Cash Investigation a pu réaliser une carte de France des zones les plus exposées aux pesticides. C'est le nord et l'ouest de la France qui sont le plus touchés. Des zones qui correspondent aux "grandes régions maraîchères". 

Sur cette carte, trois départements viticoles sont recouverts de noir : il s'agit de la Marne, de la Loire-Atlantique et de la Gironde. "La viticulture c'est 3% des terres pour 20% de l'utilisation des pesticides, détaille Laurent Boudot. Parce que le raisin est assez sensible, c'est vrai, mais aussi parce que contrairement aux autres aliments, la législation ne prévoit pas de limites de résidus de pesticides pour le vin. C'est une exception française et donc vous pouvez en balancer tant que vous voulez". C'est ainsi que certaines parcelles de vignes peuvent recevoir jusque 18 épandages de pesticides dans l'année. En Gironde, 132 écoles sont d'ailleurs classées sensibles à cause de leur proximité avec les vignes, rappelle le journaliste. "On a trouvé 44 résidus de pesticides dans les cheveux d'écoliers qu'on a fait analyser, dont 24 sont classés cancérigènes ou perturbateurs hormonaux".

"Depuis 1980, les cancers d'enfants augmentent de 1% par an"

Pour l'équipe de Cash Investigation, il ne fait aucun doute d'ailleurs que la hausse du nombre des cancers infantiles et des malformations de nouveaux nés est liée à l'utilisation excessive des produits phytosanitaires. "Depuis 1980, les cancers qui touchent les enfants augmentent de 1% par an, soit environ 2.500 cas supplémentaires chaque année. C'est la deuxième cause de mortalité chez l'enfant", rappelle Laurent Boudot. "Aux États-Unis, un enfant sur 43 nait aujourd'hui avec une anomalie de naissance. L'autisme explose. Des études américaines montent que des mamans enceintes exposés au Chlorpyrifos-éthyl ont plus de risque d'avoir des enfants autistes". "On enquête là-dessus, et face à ça on a une fin de non-recevoir des industriels", regrette-t-il.

"Le Foll promet de réduire de moitié l'usage des pesticides"

D'autant que les produits sont du genre tenace. Par exemple, la Trazine. Bien qu'interdit depuis 2001, on en retrouve toujours des traces dans les cours d'eau. "Des villes doivent s'endetter pour assainir l'eau et on ne demande rien au fabricant suisse de ce pesticide", s'indigne le journaliste de Cash Investigation.

Et que dit le ministère de l'Agriculture ? "Le ministre Stéphane Le Foll nous promet de réduire de moitié d'ici 2025 l'usage des pesticides. Mais pour l'instant les chiffres montrent que leur utilisation augmente depuis 2011".

Philippe Gril avec JJ. Bourdin