Mouvement contre la vie chère: pourquoi la Martinique s’embrase

Un mouvement contre la vie chère met la Martinique sur des braises. Avec des violences qui vont crescendo. La nuit dernière encore, des départs de feux ont eu lieu dans plusieurs quartiers de Fort-de-France. Les gendarmes et les pompiers sont sur le qui-vive et souvent ciblés. Lundi soir, six policiers ont été blessés par des tirs de plombs. Le week-end dernier, un commissariat a été visé par deux tirs à balles réelles selon la préfecture. Des barrages sont installés et les images peuvent rappeler le début de la contestation en Nouvelle-Calédonie, même si les causes sont très différentes.
L’enjeu, c’est le pouvoir d’achat des Martiniquais. Depuis le 1er septembre, plus que les forces de l’ordre, les manifestants visent la distribution alimentaire. Au Grand port maritime de Martinique, par lequel passent la quasi totalité des marchandises, un conteneur aurait été dévalisé. Un barrage routier a été installé sur le principal axe entre le sud et le nord de la Martinique. Des hypermarchés ont été bloqués le week-end dernier à l'appel du Rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro-caribéennes (RPPRAC).
Que réclament concrètement ces manifestants, reconnaissables à leurs vêtements rouges? Au mois de juillet dernier, le RPPRAC alertait, en plein marasme politique national, avec une lettre adressée à la grande distribution pour obtenir l’alignement des prix sur ceux de la métropole à partir du 1er septembre. "Un fantasme", dit le président de la Chambre de commerce et d’industrie de Martinique. Au RPPRAC, on réclame aussi de la transparence. Plusieurs réunions ont été organisées avec l’Etat et les distributeurs alimentaires. Mais régulièrement, les représentants du mouvement quittent ces réunions à leur début. Ils exigent à chaque fois qu’elles soient filmées et diffusées. On leur refuse, ils s’en vont…
Céréales, fournitures scolaires... D'énormes différences de prix entre la métropole et la Martinique
En Martinique, l’écart de prix avec la métropole est de 14% selon l’Insee, dans une note de 2023. Et 40% pour les produits alimentaires. Il y a pire que ces chiffres bruts: depuis les années 2010 et, déjà, des mobilisations contre "La Vie Chère" et la "Profitation" aux Antilles, l’écart de prix augmente. La presse propose de nombreux exemples parlants. Dans Le Monde, le prix des courgettes cultivées localement, au-dessus de 7 euros le kilo. Dans Ouest France, un pack de 6 bouteilles d’eau d’1,5 litre vendu à 11,10 euros, quand les mêmes enseignes affichent un prix de 3,66 euros en métropole.
Sur le site KiPrix.com, une base de données qui compare les prix métropole/Martinique, c’est tout votre caddie qui y passe. Les céréales du petit-déjeuner des enfants: 115% plus chères. Les coquillettes Barilla: on fait x2. Les fournitures scolaires, c’est de saison : 80% plus chères à Fort-de-France qu’en métropole.
Un Martiniquais sur quatre vit sous le seuil de pauvreté. Alors, quelles solutions? Il existe déjà un "bouclier qualité prix". C’est un dispositif de modération des prix d’un panier de produit alimentaires, de produits infantiles, d’hygiène. Il modère les prix, il ne les fait pas baisser… La préfecture, la voix de l’État donc, les distributeurs et les collectivités s’engagent à "une baisse de 20 % en moyenne du prix" de 2.500 produits de première nécessité.
Il y a aussi une piste sur l’octroi de mer. C’est un héritage de l’époque coloniale: une taxe sur les produits, qu’ils soient importés ou non. Et c’est une ressource essentielle des collectivités locales. Mais la Collectivité territoriale de Martinique est prête à accepter une "suppression des taux d’octroi de mer sur 54 familles de produits". Selon le préfet, une mission flash d’experts fiscalistes et financiers doit être conduite pour "aller jusqu’au bout du possible" et "pour proposer quelque chose de solide". A qui? "Au ministre qui va prendre ses fonctions".