Auchan veut supprimer 2.389 emplois: pourquoi l'enseigne de grande distribution est en difficulté

Face aux difficultés économiques, Auchan reçoit ce mardi matin les représentants des salariés après l’annonce d’un plan social de grande ampleur la veille. Le distributeur veut supprimer 2.389 emplois en France, via notamment la fermeture d'une dizaine de magasins, dont les hypermarchés de Clermont-Ferrand Nord (Puy-de-Dôme), Woippy (Moselle) et Bar-le-Duc (Meuse), et le supermarché d'Aurillac (Cantal), ainsi que l'arrêt de l'activité de livraison directe à domicile.
Mais comment l'enseigne nordiste en est-elle arrivée là? Auchan a perdu la guerre des prix face à Leclerc et Intermarché quand l'inflation était très forte, comme l'explique ce mardi matin au micro de RMC, Philippe Moati, économiste et co-fondateur de l’Observatoire société et consommation.
“L’inflation a été un peu le coup de grâce pour Auchan parce que ça a été très dur pour toute la grande distribution. Auchan a été touché comme les autres, voire même plus que les autres parce que l’enseigne était plutôt plus chère. Et on sait que ce sont les enseignes les plus compétitives sur les prix qui ont profité de cet épisode pour gagner des parts de marchés", souligne-t-il.
De plus, le modèle des grands hypermarchés est démodé, car les clients ne se retrouvent plus dans ces rayons sans identité. À l'inverse, les franchises font mouche avec à leur tête des dirigeants qui connaissent leur zone de chalandise comme leur poche. Résultat, l'écart entre Auchan et ses concurrents s'est creusé. Et cercle vicieux, l'enseigne nordiste ne pèse plus assez pour imposer à ses fournisseurs des prix bas.
La direction souhaite donc réduire la taille de ses hypermarchés. Mais cette cure d'amaigrissement est trop tardive, regrette un responsable syndical. "Il n'y a pas de cap clair, on change de patron tous les deux ans", déplore-t-il. Un autre souligne l'absence d'incarnation de la marque Auchan. En effet, le nouveau directeur général Guillaume Darrasse est inconnu du grand public, alors que la notoriété des patrons de Leclerc et de Carrefour par exemple rejaillit sur leurs magasins.
Pour la grande distribution, le besoin de se réinventer
Au fil des ans, les consommateurs se sont détournés de l’enseigne. Sophie sort tout juste d'Auchan, mais son chariot est presque vide.
“La facture est de 144 euros alors que je n’ai que deux petits cabas”, souffle-t-elle.
Marie, elle, est une grande fidèle de l'enseigne. Malgré tout, elle a également remarqué un changement dans les rayons. “J’ai diminué mon caddie. Avant, avec 100 euros, on avait plus de marchandises. Là, j’ai mis 50 euros et regardez mon caddie: il est vide, il n’y a rien, il n’y a même pas de légumes”, déplore-t-elle.
Pour les légumes, justement, Catherine préfère désormais les acheter auprès de petits commerçants locaux. "Je viens très, très rarement. Je ne fréquente pas trop les grandes surfaces et encore moins les hypersurfaces. Je crois que la consommation anarchique et irréfléchie n’est plus à la mode, donc on consomme plus intelligemment et vu la crise, on fait attention aux prix”, explique-t-elle.
Ce changement des habitudes des consommateurs, Jean Pastor, délégué CGT et coordinateur boucherie chez Auchan, en est bien conscient.
“On voit que les chiffres d’affaires baissent. C’est difficile. Les consommateurs n’ont plus le même rapport à la consommation. Le problème, c’est que soit la grande distribution arrive à se réinventer, soit elle sera balayée comme le groupe Casino l’a été”, pointe-t-il. Avec une grande inquiétude.