L'argent russe du Front national

Dans son numéro paru mercredi, le Canard Enchaîné affirme que la Russie aurait prêté 28,7 millions d'euros pour financer la campagne présidentielle de Marine Le Pen. Le Front national dément, le parti d'extrême droite a pourtant déjà eu recours à de l'argent russe. C'est l'enquête de Comptes de campagne.

C'est un parlementaire américain, Mike Turner, qui s'est intéressé aux comptes du Front national. Le Canard Enchaîné a publié ce mercredi une lettre entre Mike Turner et le renseignement affirmant que Marine Le Pen avait sollicité un prêt russe de 30 millions de dollars (28,7 millions d'euros).

Une affirmation démentie par le trésorier du Front national Wallerand de Saint Just: "Il n'y a jamais eu de prêt de 30 millions de dollars en provenance de Russie au FN, c'est faux, et même de façon un peu plus triviale, c'est de la daube".

C'est donc parole contre parole, Marine Le Pen, la Présidente du Parti l'a démenti, elle aussi, dans la soirée d'hier, mais ce ne serait pas la première fois que les Russes prêtent de l'argent au FN.

"On avait bu un peu de vodka ensemble, ça se passait bien"

Le parti ne s'en cache d'ailleurs pas. Il y a 2 ans, en novembre 2014, une banque russe a prêté 9,3 millions d'euros au Front national. Une pratique légale et vitale pour le FN car aucune banque française n'a accepté de lui prêter de l'argent. Et pour le trésorier du parti, emprunter de l'argent aux russes n'est pas un problème: "J'avais fait la connaissance du président de la banque, on avait bu un peu de vodka ensemble, ça se passait bien. On s'était fait des cadeaux. Si la banque n'avait pas fait faillite, j'aurais peut-être retoquer à leur porte, malheureusement ils ont déposé le bilan"

Si le FN assume avoir déjà emprunté aux Russes, pourquoi cet argent pose-t-il autant de questions? À cause des contreparties politiques que ces prêts pourraient engager. Mike Turner, l'élu américain, fait un lien entre ces versements et les propos de Marine Le Pen sur la Crimée, en mai dernier. Elle était interrogée sur la chaîne française de Russia Today, elle y affirmait que la France pourrait reconnaître la Crimée si elle était élue à la présidence de la République.

"Poutine est très attaché à avoir l'air légitime"

Un système gagnant-gagnant: le FN aurait ses comptes dans le vert et la Russie se ferait un allié. Une stratégie bien huilée pour que Vladimir Poutine se rende crédible aux yeux du monde. C'est ce qu'explique Cécile Vaissié, auteur du livre Les réseaux du Kremlin en France: "C'est avoir des gens qui vont soutenir la politique du Kremlin pour les opinions publiques comme pour la Crimée. M. Poutine est très attaché à avoir l'air légitime à donner l'impression d'agir correctement. Il finance des alliés qui vont soutenir ses positions et ce qu'il souhaite".

Mais hormis Marine Le Pen et le FN, la Russie pourrait avoir trouvé un nouveau poulain en François Fillon, estime la spécialiste, même si aucun versement d'argent n'a eu lieu jusqu'ici.

P.B. avec Quentin Pommier