Le Danemark va interdire de brûler le Coran, le retour du délit de blasphème dénoncé

Le Danemark s'apprête à voter une loi pour interdire de brûler le Coran. Certains, et notamment Charlie Hebdo, dénoncent le retour du délit de blasphème. C’est la nouvelle "affaire des corans", qui ressemble furieusement à l’affaire des "caricatures de Mahomet".
C'était en 2005, c'était déjà au Danemark: un journal avait publié des dessins du prophète qui avaient enflammé les foules dans de nombreux pays musulmans. Par solidarité avec le journal danois, Charlie Hebdo avait reproduit les caricatures et on connaît la suite: en 2015, c’est le massacre dans les locaux de Charlie Hebdo qui fait 12 morts… L’histoire dont on parle aujourd’hui commence de la même façon. Au Danemark et en Suède, au cours de l'été, à plusieurs reprises, des corans ont été brûlés ou piétinés en public.
Au Danemark, une femme d’origine iranienne a déchiré un Coran devant l’ambassade d’Iran pour protester contre la répression de la révolte des femmes dans son pays. En Suède, plusieurs fois cet été, des rassemblements ont été organisés pour brûler devant les caméras un exemplaire du Coran. La dernière fois, c'était dimanche dernier. Des manifestants musulmans sont venus protester, il y a eu des heurts avec la police et plusieurs arrestations.
Mais c’est surtout dans les pays musulmans que ces évènements ont provoqué un mouvement de colère. L'Iran, la Syrie ou encore l'Arabie saoudite protestent. En Iran, l'ayatollah Khamenei, le guide suprême, parle d’une guerre contre le monde islamique. Les ambassadeurs danois et suédois ont été convoqués. Les autorités reprochent aux gouvernements de ces deux pays européens de laisser faire ces actes éhontés et odieux qui portent atteinte au livre saint.
En Irak, une violente manifestation a eu lieu devant l’ambassade de Suède en juillet. Les locaux ont été incendiés par la foule. Et l'ambassadrice suédoise a ensuite été expulsée du pays.
Un homme seul à l’origine des faits
A l’origine de ces opérations contre le Coran en Suède et au Danemark, c’est quasiment un homme seul. Il s’appelle Salwan Momika, il a 37 ans. C’est un Irakien réfugié en Suède. Il a combattu contre les islamistes de Daesh lors de la bataille de Mossoul et il en a gardé une haine de l’Islam. Il se décrit comme un farouche militant athée. Et il a donc commencé, seul, à brûler des exemplaires du Coran à Stockholm. Une fois, deux fois, trois fois. Il a convoqué la presse, il est passé à la télé, il a reçu le soutien de groupes d'extrême droite islamophobes. Et ce qui était au départ un geste individuel est devenu une affaire d'Etat et un scandale international. Au point que le Danemark va changer sa loi.
Le gouvernement vient de présenter un texte pour interdire le traitement "inapproprié" d’objets religieux. Autrement dit, brûler, déchirer ou piétiner un livre, que ce soit le Coran, la Bible ou la Torah. Brûler des corans, a dit le Garde des sceaux danois, est un acte fondamentalement antipathique et qui nuit au Danemark et aux intérêts danois.
Le gouvernement se défend d’un retour à l’interdiction du blasphème, parce que la loi ne couvre pas l’expression verbale ou écrite. Il reste permis de critiquer, voire d’insulter une religion, mais pas de brûler des livres.
Malgré cela, le journal Charlie Hebdo estime que les Danois instaurent le délit de blasphème. C’est la une du journal qui sort ce mercredi matin. Charlie Hebdo lance un appel contre cette nouvelle loi, co-signé par huit médias scandinaves, dont un site norvégien d'extrême droite.
Richard Malka, l’avocat de Charlie Hebdo, estime qu’une démocratie, le Danemark, vient de céder à des pays comme le Pakistan, l'Arabie saoudite ou l'Afghanistan des talibans. Des pays où le blasphème est puni de la peine de mort.
Pour lui, le Danemark revient, pas à pas, vers une "loi de Dieu" supérieure à celle des hommes. Et c’est une pente extraordinairement dangereuse. Défense de la liberté d’expression d’un côté, exigence de respect de l’autre: c’est exactement le débat que l’on avait il y a près de 20 ans au moment de l'affaire des caricatures.