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L’ultime recours des trafiquants contre les méthodes de l’Office des stups

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Trois hommes mis en examen pour trafic de stupéfiants ont déposé des pourvois en cassation, après la décision de la cour d’appel de Versailles la semaine dernière, qui a refusé d’annuler la procédure judiciaire qui les vise. Ils estiment que les policiers de l’Office des stups les ont provoqués, ce qui est interdit, pour qu’ils livrent du cannabis et de la cocaïne en Ile de France et en Martinique. Ce pourvoi en cassation est leur ultime recours.

A l’origine, selon l’Office central de répression du trafic illicite des stupéfiants, l’OCRTIS, un renseignement venant des policiers de Fort-de-France (Martinique), le 30 janvier 2014. Leurs collègues les informent alors qu’une équipe locale de trafiquants importe par avion de la résine de cannabis et l’échange contre de la cocaïne qu’elle envoie en retour à une équipe de la région parisienne. Ce trafic croisé répond aux demandes des deux marchés qui n’ont d’ailleurs pas changé depuis, sur la base d’1kg de cocaïne contre 1,5 ou 2 kilos de résine de cannabis selon la qualité. 

Faire passer la drogue sans contrôle

Quelques mois plus tard, plusieurs kilos de cannabis et 132 kilos de cocaïne saisis, 11 personnes sont mises en examen, soupçonnées d’être des trafiquants de drogue ou des complices. Deux d’entre eux sont aussi reconnus comme étant des informateurs de la police. Les enquêteurs de l’Office des stups sont alors accusés par les avocats de plusieurs accusés d’avoir créé de toutes pièces le trafic en faisant intervenir leurs deux indics. Le rôle d'un "tonton", que personne ne conteste même pas lui, était de proposer aux trafiquants "une sortie" à l’aéroport, en clair un moyen pour faire passer la drogue sans qu’elle soit contrôlée par la douane, grâce à l'autre indic bien placé au fret aéroportuaire.

Provocation policière ou stratégie approuvée ? 

Est-ce suffisant pour prouver que les policiers ont provoqué le trafic ? Est-ce que sans l’intervention de ces informateurs de la police, le trafic aurait existé ? Les avocats des trafiquants multiplient les recours pour faire annuler la procédure. Dans un premier temps, et de façon non pas inédite mais tout de même assez exceptionnelle, la chambre de l’instruction de Paris a effectivement annulé la procédure au motif de provocation policière.

Mais l’avocat général a contesté cette décision et la cassation a renvoyé l’affaire devant la chambre criminelle de la Cour d’appel de Versailles, qui, elle a donné raison à la stratégie de l’OCRTIS... Elle reprend les mêmes arguments que la cour de cassation, à savoir notamment que le trafic existait avant l’intervention des policiers et que le stratagème des policiers n'était pas déloyal.

Selon ces deux dernières juridictions, l’enquête des policiers des stups a apporté la preuve que, avant que leurs indics n’interviennent, les trafiquants étaient déjà organisés, déjà à la recherche de moyens pour faire passer la drogue, qu’ils disposaient déjà de fournisseurs et de petites mains en Martinique comme en métropole, et de moyens de communications pour ne pas se faire repérer. "Faux", répondent deux de leurs avocats, Me Caroline Apiou et Me Yves Leberquier, pour qui l’Office des stups avait lui-même "structuré le trafic avant le début officiel de leur enquête et du fameux renseignement".

Les avocats viennent de se pourvoir en cassation. Il s’agit de leur ultime recours pour faire annuler les poursuites contre leurs clients. La décision des juges suprêmes devrait faire jurisprudence. C’est la méthode même de l'OCRTIS consistant à infiltrer des indics et les faire intervenir dans l’acheminement de la drogue pour démanteler les réseaux, qui en sera par là même validée ou rejetée par la justice.

Claire Andrieux