Le rapport qui incite les salariés à "se déconnecter" du travail

Des salariés traversent le parvis de La Défense, à l'ouest de Paris. - Florian David - AFP
Quand le travail s'invite à la maison. C'est un travers de nos vies connectées, certains salariés n'arrivent pas à "déconnecter" une fois rentrés chez eux: il faut qu'ils regardent leurs mails professionnels et y répondent. Le phénomène a pris une telle ampleur, que même le Directeur des ressources humaines d'Orange, qui remet ce mardi au gouvernement ses propositions pour adapter le monde du travail à la révolution numérique, recommande un "devoir de déconnexion". Pour éviter les dérives, Bruno Mettling veut inciter les entreprises à encourager leurs salariés à décrocher quand ils ne sont pas au travail.
"Je regarde toujours mes mails, soirs et week-ends"
Et la partie est loin d'être gagnée, si l'on en croit les salariés croisés par RMC dans le quartier d'affaires de La Défense, près de Paris. Le premier réflexe de Fabrice quand il sort du travail ? Consulter ses mails professionnels. "Je regarde toujours mes mails sur mon téléphone, aussi bien le soir que le week-end, reconnaît-il sans remords ni regrets. Pour lui, c'est normal: "Je travaille dans une entreprise internationale, on a de l'activité dans tous les fuseaux horaires, et même pendant les vacances. On peut être amené à fournir des réponses le soir". Il le reconnaît, "les enfants nous voient moins, et c'est vrai que la vie privée en prend un coup de ce côté-là".
"Au bout d'un an j'ai craqué"
Sauf que quand le travail supplante de façon trop importante la vie privée et les plages de repos, le salarié peut plonger dans la dépression, voire faire un burn-out. C'est ce qui est arrivé à Brigitte. Cette cadre de 49 ans vient de reprendre le travail après 8 semaines d'arrêt pour burn-out. Le devoir de déconnexion, des chefs qui montrent l'exemple, elle en rêve... "Pendant des années je regardais mes mails tous les soirs, même le week-end. Je ne décrochais jamais. Si on voulait être dans les temps, il fallait travailler le soir. Ça a duré un an comme ça, et au bout d'un an j'ai craqué. État dépressif, agressivité... Je ne m'occupais plus de mes enfants, je n'avais plus aucun intérêt pour ma vie personnelle, et je ne faisais plus attention à elle". Elle l'assure, aujourd'hui elle lève les yeux de son portable.
"Il faut une prise de conscience collective"
Heureusement, certains managers sont conscients de ce problème, et comme Bruno Mettling, sont conscients que le salarié est plus efficace quand il respecte les plages de vie privée et de repos. C'est ce qu'essaye de faire Éric, qui travaille à la direction d'une entreprise internationale. "Je n'envoie pas de mails à mes collaborateurs passée une certaine heure par respect de la vie privée des autres". Il le reconnaît, "c'est difficile de ne pas répondre quand on est sollicité parce que le monde attend aujourd'hui une forme d'instantanéité de la réponse. On a une forme de culpabilité quand on ne répond pas instantanément". S'il encourage "une prise de conscience collective", il estime toutefois, pessimiste : "Je ne pense pas que nous soyons mûrs".