Assaut de Saint-Denis: le témoin décisif oublié par l'Etat
Elle ne veut pas être considérée comme une héroïne et pourtant elle a livré des informations capitales aux policiers au lendemain des attentats de Paris et de Saint-Denis. Grâce à elle, Abdelhamid Abaaoud, l’instigateur présumé des attaques du 13 novembre, a pu être localisé avant qu’il ne poursuivre ses projets terroristes.
Aujourd’hui, Sonia – dont le prénom a été modifié – a contacté RMC pour témoigner car elle ne se sent pas assez protégée par la France et explique être abandonnée par les autorités. Au cours de son récit, où elle n’apparaît pas à l'image et dans lequel sa voix a été totalement transformée, la jeune femme raconte être en danger de mort.
La conscience tranquille mais...
Quelques jours après les attentats de Paris et de Saint-Denis, Sonia, amie d’Hasna Ait Boulahcen, la cousine d’Abaaoud, rencontre le terroriste. Il lui confirme avoir participé au commando dit des terrasses et lui expose ses nouvelles cibles. Mais la jeune femme réagit et contacte les autorités. Un appel qui permet de retrouver le jihadiste et de le neutraliser. Et une décision qui va l’exposer au pire.
"Même si à l’heure d’aujourd’hui je vis mal, je vis dans la plus grande précarité, sincèrement, vaut mieux vivre comme ça qu’avec la mort de personnes innocentes sur la conscience", insiste, sans regret, la jeune femme.
Immédiatement après avoir livré les renseignements déterminants qu’elle détenait, les policiers préviennent Sonia : "On m’explique que je vais devoir changer de nom, de ville, je vais être prise en charge par des policiers spécialistes de la protection de témoins." Mais la jeune femme ne s’imaginait pas à ce que son existence soit entièrement bouleversée :
"Je m’attendais pas à tout ça, à ‘tu peux pas voir ta famille, tu peux pas voir tes amis’, on m’a dit de changer toutes mes habitudes", confie à RMC Sonia.
... aucune prise en charge
Les semaines qui suivent les attentats, le témoin change d’hôtel régulièrement, jusqu’à ce qu’on lui trouve un nouveau logement pour être en sécurité. Seul problème : la jeune femme, qui a un nouveau nom, ne peut plus aller travailler alors que sa carte d’identité est toujours à son ancienne identité. Idem pour sa carte vitale.
"En fait je vis avec mon ancienne identité sans avoir le droit de dire qui je suis (…) parce que je dois rester cachée, mais je peux pas rester cachée comme ça", lance-t-elle aujourd’hui comme un SOS.
Depuis l’enregistrement de son témoignage et les appels de RMC et BFMTV au ministère de l’Intérieur, elle a bien reçu une aide financière. Insuffisant. Sonia souhaiterait bénéficier d’une aide psychologique. Pis, elle craint surtout pour sa vie, assurant qu’aucun policier n’est affecté à sa surveillance et à sa protection.
"Abaaoud était là et ils ne le savaient pas"
La situation de Sonia est inédite en France. Si un statut de repenti existe bien dans les textes de loi, aucun dispositif juridique ne permet d’encadrer la protection des témoins. "Ils ont dit que c’était la première fois pour eux, que j’étais le premier cas", explique la jeune femme. Et de poursuivre : "Moi, ce que je leur demande c’est de prendre en compte tous les désagréments qu’ils m’ont causé."
Mais surtout Sonia va plus loin. La jeune femme, consciente de l’importance des informations qu’elle a livré aux enquêteurs, présage le pire : "S’il n’y a pas des gens comme moi, ils (les forces de l’ordre, NDLR) n’y arriveront pas."
Avant de conclure en établissant un constat glaçant : "La preuve, Abaaoud était là et ils ne le savaient pas."
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