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"Il vivait dans la peur": les derniers jours de Samuel Paty racontés dans un livre

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Quatorze personnes seront jugées dans le premier procès dans l'affaire Samuel Paty. Invité d'"Apolline Matin" ce mercredi sur RMC et RMC Story, le journaliste Stéphane Simon raconte comment une série de responsabilités a conduit à l'assassinat du professeur de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), en octobre 2020.

Un livre de 250 pages pour raconter chronologiquement comment le pire est arrivé, en 11 jours. Le journaliste Stéphane Simon a sorti en avril dernier "Les derniers jours de Samuel Paty", une enquête qui raconte "le fil de responsabilités qui conduit au pire", pendant les 11 jours qui séparent le cours d'éducation civique donné par le professeur du collège de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), où il montre les caricatures de Mahomet publiées par le journal Charlie Hebdo, et sa mort, le 16 octobre 2020, décapité par Abdoullakh Anzorov.

"Il y a des responsabilités dans son environnement immédiat (ses collègues, la hiérarchie, le ministère de l'Éducation nationale, de l'Intérieur): il y a eu une défaillance des services de l'État à protéger Samuel Paty. De l'autre côté, il y a une montée en puissance de la menace avec une espèce de djihad numérique qui va mettre en relation des personnes via les réseaux sociaux", explique le journaliste, ce mercredi, dans "Apolline Matin" sur RMC et RMC Story.

"Terrifié" les derniers jours de sa vie

Samuel Paty redoutait cette fin. Il était "apeuré, terrifié, redoutait de rentrer seul chez lui", se camouflait et avait même un marteau dans son sac pour se protéger, explique Stéphane Simon dans son livre: "Il se sentait seul, il n'était pas aidé, à part quelques collègues qui lui ont porté main forte. Mais d'une manière générale, il est très seul".

"Il vit dans la peur, en vient même à regretter son cours alors qu'il n'a fait que son travail d'éducation morale et civique. Il va chercher dans le matériel pédagogique mis à sa disposition: les caricatures de Charlie sont disponibles sur le réseau Canopé (réseau pédagogique de l'Éducation nationale)."

Stéphane Simon en est certain: "le dernier jour, il n'aurait fallu pas grand-chose" pour que Samuel Paty soit "sauvé".

"On aurait pu l'éloigner de son travail. Il est ciblé par les islamistes, mais n'est pas éloigné ni raccompagné ce dernier jour."

Les adolescents "savaient qu'il allait se passer quelque chose"

Pour le journaliste, la mort de Samuel Paty est un engrenage. D'un part, d'une société qui n'a pas vu la menace monter, et, d'autre part, ces 14 personnes renvoyées pour un procès pour la mort de l'enseignant de Conflans-Sainte-Honorine. Huit adultes et six mineurs, qui selon l'auteur du livre "ne sont pas des collégiens qui se font abuser".

Ils "savent qu'il va se passer quelque chose". "Ils ne savent pas que la mort est au bout du chemin mais savent que Samuel Paty va 'déguster'. Ils pointent Samuel Paty" explique le journaliste.

Stéphane Simon note par ailleurs qu'aucun collégien n'a émis de regret ou s'est auto-désigné comme responsable. "Le tueur de Samuel Paty, qui vient de 80 km plus loin, est venu pour tuer, avec deux couteaux et un pistolet à air comprimé."

"Il faudrait que tout le monde se rende compte des erreurs commises"

Le journaliste pointe "un enchaînement de responsabilités" et l'assure: "On ne peut pas dire qu'on ne pouvait pas prévoir".

"L'affaire Paty est tout sauf un coup de tonnerre dans un ciel serein. On pouvait prévoir, ils le savaient. Le dimanche, Samuel Paty écrit à ses collègues qu'il est menacé par les islamistes, que son nom est associé à des menaces très précises. On ne peut pas faire comme si Samuel Paty était une 'balle perdue'."

Stéphane Simon souhaiterait une "catharsis générale" après ce meurtre et estime qu'il faut juger "la société tout entière et notamment aux ministères de l'Éducation nationale et de l'Intérieur".

"Il faudrait que tout le monde se rende compte des erreurs commises, des défaillances, de la lâcheté générale. Il faut que ça serve collectivement", estime-t-il.

Il espère que ce procès ne sera qu'une première étape, sachant qu'une information judiciaire a été ouverte pour omission de porter secours, après une plainte de la famille Paty, et une autre concernant la responsabilité d'un djihadiste vivant en Syrie et travaillant pour Al-Qaïda.

https://twitter.com/mmartinezrmc Maxime Martinez Journaliste RMC