Naufrage dans la Manche: pourquoi Gérald Darmanin hausse le ton avec le Royaume-Uni

Un nouveau drame dans la Manche. Douze migrants ont perdu la vie dans le naufrage de leur embarcation de fortune au large du Portel, dans le Pas-de Calais. Un drame auquel Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur démissionnaire, veut répondre rapidement. Il s’est rendu sur place ce mardi. C’est le 8e naufrage de l’année dans le secteur. Parmi les 12 réfugiés au moins qui ont perdu la vie, il y a six enfants et une femme enceinte. Ce sont des Érythréens, pour l’essentiel. 51 ont été secourus, par des pêcheurs notamment, 8 au maximum avaient un gilet de sauvetage… Ils naviguaient à près de 70 sur une embarcation clandestine de moins de 7 mètres, déchirée par les flots ;
Des deux côtés de la Manche, les associations françaises et britanniques disent la même chose: "On les empêche de venir" d’une part, "on les force à partir" de l’autre. Et des deux côtés, les responsables politiques promettent de s’en prendre aux passeurs. Une réponse qui ne suffit plus à Gérald Darmanin qui appelle son successeur à aller plus loin. Il demande l’écriture et la signature d’un nouveau traité avec les Anglais pour "rétablir une relation migratoire classique". Il souligne que ces réfugiés veulent se rendre en Angleterre pour y retrouver des proches et pour "travailler dans des conditions qui ne sont pas acceptables en France". Au-delà du travail au noir, les ONG parlent d’exploitation des employés, et même d’esclavage moderne.
"Ce ne sont pas les dizaines de millions d’euros que nous négocions chaque année avec nos amis britanniques" qui feront cesser les départs, selon Gérald Darmanin. Londres a promis de verser 543 millions d’euros sur trois ans à la France. Un tiers de ce que nous dépensons, selon le ministre.
Les arrivées de de petits bateaux explosent
La question redevient très politique alors que de plus en plus de bateaux tentent la traversée sur une bande côtière de plus en plus longue, et donc plus difficile à surveiller, des plages de Belgique aux côtes du Calvados. Et l’année 2024 pourrait marquer un record, avec déjà 13.000 arrivées au premier semestre et un rythme particulièrement soutenu cet été. Selon le Home Office, le ministère de l’Intérieur anglais, ces arrivées de petits bateaux explosent: de 299 traversées en 2018 à plus de 45.000 en 2022. Et si Gérald Darmanin hausse le ton, c’est que la coopération franco-britannique n’est pas au beau fixe. Il n’y a pas que les associations qui dénoncent la politique actuelle de gestion de la question.
Dans un rapport de la Cour des Comptes de janvier dernier, sur La politique de lutte contre l’immigration irrégulière, un chapitre est intitulé: "Une coordination encore décevante avec le Royaume-Uni". "La Cour a constaté que les Britanniques ne communiquent pas de renseignements exploitables sur les départs et donnent des informations de premier niveau, très générales et non recoupées. (…) La relation entre la France et le Royaume-Uni est donc déséquilibrée", peut-on y lire.
Keir Starmer, le tout nouveau Premier ministre britannique, s’est engagé cet été à "donner un nouvel élan" à la relation entre Londres et Paris. La question migratoire est une question extrêmement sensible en Grande-Bretagne. Le Royaume-Uni a abandonné son projet qui organisait le déplacement des migrants arrivés illégalement vers le Rwanda. Une décision prise par le tout nouveau gouvernement, à peine entré en fonctions. Mais le sujet reste extrêmement sensible, manipulé par les extrêmes. En témoignent les violences de cet été après la mort de trois fillettes dans une attaque au couteau. Des violences sur la base d’une fake news qui imputait la tuerie à un immigrant illégal musulman. Or, c’était faux. Des groupuscules d’extrême droite et antiracistes se sont fait face, avec la police au milieu: des émeutes ont éclaté dans plusieurs régions du pays. Selon la BBC et le Guardian, c’étaient les pires émeutes depuis 2011.