La presse regrettera Sarkozy... et réciproquement

Le Parti Pris d'Hervé Gattegno, tous les matins à 8h20 sur RMC. - -
Nicolas Sarkozy l'a dit lui-même hier : on peut se demander pourquoi, en France, le président de la République tient une cérémonie particulière pour présenter ses voeux aux journalistes. On pourrait se demander aussi pourquoi les journalistes s'y rendent : c'est un de ces moments de communion équivoques entre le pouvoir et les médias qui ont de quoi intriguer les citoyens. Surtout quand le président qui invite salue l'indépendance de la presse - ça crée un léger malaise... Il faut rendre cette justice à Nicolas Sarkozy : il avait aboli cette tradition depuis trois ans. Il a décidé de la rétablir cette année, sans dire pourquoi. En tout cas, on ne peut pas soupçonner que ce soit pour remercier les journalistes de leur mansuétude à son égard...
Vous voulez dire que la presse est trop sévère avec le président de la République ? Il a reproché hier aux journalistes de manquer d'impartialité...
Il a dit aussi que c'est un signe de vitalité démocratique que la presse critique le pouvoir - il a raison. Cela dit, il est incontestable que l'hostilité envers Nicolas Sarkozy atteint, dans certains médias, des niveaux quasi pathologiques. Et que les relations de Nicolas Sarkozy avec les médias sont plus passionnelles qu'elles l'ont jamais été avec ses prédécesseurs. Il y a sa part : de tous, il est celui qui aura eu le plus besoin des médias - pas seulement pour percer, convaincre, pour réussir ; mais pour exister. Mitterrand et Chirac se mettaient en scène dans des moments particuliers ; Sarkozy a mis en scène la présidence elle-même. Il a fait du président un personnage de télé-réalité : quelqu'un qui est en permanence à l'écran, même s'il ne se passe rien. C'est pourquoi, au terme de son mandat, il laisse une impression de grande agitation pour un bilan qui est, somme toute, assez limité.
Est-ce que la responsabilité des médias n'est pas en cause, elle aussi, dans ce qu'on appelle la "peopolisation" de la vie politique ?
Bien sûr que si ! Que Nicolas Sarkozy ait eu le tort de mêler parfois sa vie privée à sa vie publique, c'est une évidence. À son corps défendant, il a légitimé une certaine confusion des genres qui reste un élément important du paysage politique d'aujourd'hui. François Hollande aussi devrait se méfier des vertiges de l'ultrapersonnalisation et de l'hypermédiatisation. Que sa compagne journaliste - qu'il avait déjà « présentée » dans Gala en 2010 - fasse justement en ce moment la promotion d'un nouveau magazine télé à grand renfort de placards publicitaires et d'interviews, c'est déjà un mauvais signal pour la suite...
Dans son discours d'hier, Nicolas Sarkozy a aussi dit qu'il allait s'efforcer de "déjouer les pronostics" des journalistes. C'était une sorte de défi ?
On peut l'entendre comme ça. Après sa phrase de dimanche sur son « rendez-vous avec les Français », il s'est approché un peu plus de l'officialisation de sa candidature. Il a ironisé sur le fait que la presse voudrait « le remplacer », « trouver quelqu'un d'autre », etc. C'était on ne peut plus clair. D'ailleurs, c'est sûrement l'explication de la cérémonie d'hier : Nicolas Sarkozy avait envie de dire aux journalistes que la bataille allait bientôt recommencer. Parce qu'il se souvient qu'il n'a jamais été aussi bien traité par la presse que lorsqu'il était candidat. Le télé-président est prêt à s'effacer derrière le télé-candidat.
Ecoutez ci-dessous le "Parti Pris" d'Hervé Gattegno de ce mercredi 1er février 2012 :